Donner un éclairage talmudique à la fête de Rosh Hashana est un programme bien ambitieux tant cette fête est centrale dans notre calendrier, et elle fait l’objet, elle-même, d’un traité entier du Talmud. Toutefois, la providence divine, dans son infini bonté, nous a facilité le travail en nous proposant dans l’étude de cette semaine du Daf Hayomi une réflexion sur Rosh Hashana.
Au détour d’une analyse sur les règles relatives au « Erouv », les Maîtres du Talmud nous enseignent avec insistance que la « sainteté » de Rosh Hashana s’étend sur les deux journées qui composent cette fête, et qu’il s’agit d’une seule et même « sainteté ». En réalité, dans notre tradition, les deux jours de Rosh Hashana sont considérés comme un seul grand jour « yoma arichta ». Une des raisons à cela tient notamment au fait que lors de la création de l’homme, dont Rosh Hashana est l’anniversaire, le soleil ne s’est pas couché le vendredi soir, mais seulement le jour suivant, le samedi soir.
Ainsi le deuxième jour de Rosh Hashana n’est pas lié au doute que l’on pouvait avoir sur la fixation de la fête, à l’époque où les mois étaient déclarés en fonction des dépositions de témoins qui avaient observé la nouvelle lune. Les deux jours de Rosh Hashana ont été établis par le Sanhedrin et forment une seule et même entité.
Que faire donc de ce rappel de la Guemara qui intervient cette année à la veille de Rosh Hashana ? Pourquoi la providence divine semble vouloir nous le rappeler que « les deux jours de Rosh Hashana sont une seule et même sainteté » ?
Evidemment, nous n’avons pas la réponse. Chacun a son niveau peut avoir une intuition du message qui se loge derrière cet enseignement.
Toutefois, rappelons que Rosh Hashana a ceci de spécifique qu’il est une exception, une parenthèse au sein des 40 jours qui commencent depuis le début du mois de Eloul jusqu’à Yom Kipour. Durant cette période, comme chacun sait, l’homme est invité à revenir sur ses fautes, à se livrer à une introspection profonde, à mettre en place un processus de repentir, de « Teshouva ». Mais cet processus s’interrompt durant les jours de Rosh Hashana. En effet, durant ces deux journées, nous ne devons pas évoquer nos fautes, mais nous devons au contraire nous concentrer sur notre volonté de nous améliorer, de faire mieux. Nous devons nous projeter vers l’avenir et faire jaillir en nous une détermination à nous rapprocher de l’Eternel, en Le servant de la meilleure façon possible.
Durant les deux jours de Rosh Hashana, nous devons proclamer la royauté de D.ieu, reconnaître et désirer la royauté du Saint béni soit-Il sur la terre. Nous sommes invités à mesurer la chance inestimable que nous avons d’être gouverné par le Boré Haolam (le Créateur du monde), omniscient, omnipotent, qui aime chacun de nous comme un enfant unique, qui nous chérit, nous protège, nous écoute …
Armé de cette foi, conscient de ce privilège extraordinaire, l’homme peut durant les jours de Rosh Hashana, et chacun à son niveau, construire son avenir, laisser émerger sa volonté de s’améliorer, de progresser, de servir D.ieu encore mieux.
La « Kedousha » « sainteté » si particulière de Rosh Hashana qui s’étend sur deux jours est peut-être liée à cette démarche individuelle qui anime notre peuple durant ces deux journées. Faire émerger le meilleur de chacun, préparer le futur, se rapprocher de l’Eternel, peut-on imaginer plus grande sainteté que cet état d’esprit ? !
En outre, si deux jours n’en forment qu’un, s’il s’agit d’une seule et même sainteté, c’est probablement car l’aspiration de l’homme à s’élever spirituellement, son envie de se rapprocher de son Créateur tout au long de sa vie ne sauraient être morcelées, être abordées de manière fragmentaire.
La sainteté à laquelle un homme peut prétendre durant sa vie n’est pas uniquement la somme de moments isolés durant lesquelles il a ressenti une émotion spirituelle particulière, il s’agit avant tout d’un processus progressif dont les étapes s’interpénètrent et constituent les jalons de la longue route que traverse l’homme durant sa vie sur terre. Et, grâce à la teshouva, l’homme peut même transformer ses fautes, ses échecs, ses moments difficiles, en étapes de cette élèvation spirituelle.
Dans la période des 10 jours de Teshouva, qui fait suite au mois de Eloul, Rosh Hashana est donc une parenthèse toute particulière où chacun d’entre nous se retrouve face au Créateur. Nous pourrions être tétanisés par la honte de nos fautes et la crainte. Mais, il n’en est rien. L’Eternel rappelle à l’homme que ce qui L’intéresse par-dessus-tout c’est que l’homme prenne conscience de sa valeur infinie, qu’il prenne conscience de la grandeur à laquelle il peut prétendre, qu’il prenne conscience du privilège qui lui revient chaque jour de pouvoir cheminer auprès du Roi des rois, du Maître du monde.
Lorsque vient Rosh Hashana, ce moment unique dans l’année, l’Eternel ne veut probablement pas que l’homme lui fasse la liste de ses fautes et de ses erreurs, nous avons eu le mois d’Eloul et nous aurons le reste des 10 jours de Teshouva, mais durant ces deux journées, Hashem veut écouter ce que l’homme désire faire, dans quelle voie il veut avancer, Il aspire à ce que nous le proclamions comme Roi sur la terre dans ce sens où nous désirons que ce soit Hashem qui dirige nos vies, guide nos pas, et nul autre !
Rosh Hashana a toujours été un rendez-vous particulier, empreint d’une très grande solennité. Mais cette année prend un relief tout particulier. Le monde d’aujourd’hui ne ressemble plus au monde d’hier. Et, chacun a pu percevoir à quel point l’humanité pouvait rapidement perdre pied.
Aussi, dans ce contexte difficile, Rosh Hashana vient nous rappeler que le monde a un seul Roi, un seul guide qui veille sur lui et le protège : le Maître du monde.
Or Son message est clair, l’Eternel exhorte chacun d’entre-nous à prendre conscience de notre valeur, à nous armer de bonnes résolutions, à renforcer notre détermination à faire le bien. L’Eternel ne nous a pas livré à nous-mêmes, Il nous a donné la Torah, les mitsvot, Il nous exhorte à développer la générosité, l’entraide, la sollicitude les uns vis-à-vis des autres.
Puisse l’Eternel nous permettre de cheminer dans cette voie, de trouver la force, et la lucidité pour comprendre comment nous pouvons changer nos vies, changer le monde en prenant parfois simplement de petites résolutions qui contribuent à orienter nos vies vers les chemins porteurs de bénédictions.
Puissions-nous tous, avec l’aide d’Hashem, être inscrits dans le livre des vivants matériellement, en bonne santé et spirituellement, assister très rapidement à la fin de cette épidémie, à la venue du Mashia’h et à la reconstruction du Beth Hamikdash.