Ticha' Béav est là, il convient de chercher comment s’améliorer, afin de s’assurer que cette année soit la dernière sans Beth Hamikdach. La célèbre Guémara dans Guitin concernant Kamtsa et Bar Kamtsa est très riche en enseignements sur la cause de la destruction du Beth Hamikdach et sur ce que nous devons rectifier pour qu’il soit reconstruit.
La Guémara nous apprend que Yérouchalaïm fut détruite à cause de Kamtsa et Bar Kamtsa. Un homme dont le nom n’est pas divulgué était l’ennemi juré de Bar Kamtsa, mais un ami de Kamtsa. Il envoya son domestique inviter Kamtsa à un festin, mais le messager invita par erreur Bar Kamtsa. Lorsque Bar Kamtsa arriva, l’hôte, furieux, voulut qu’il s’en aille. Mal à l’aise, il proposa de payer sa part et d’avoir le droit de rester. Quand cette proposition fut rejetée, il se déclara prêt à payer la moitié du coût total du banquet, pour peu qu’on ne le mette pas à la porte, mais cela aussi lui fut refusé. Plusieurs rabbins présents restèrent silencieux durant ce regrettable incident. Indigné de leur passivité, Bar Kamtsa entreprit de médire du peuple juif devant les autorités romaines, ce qui donna lieu à de malheureux événements et pour conclure, à la destruction du Temple.
Le Iyoun Ya'akov demande pourquoi Kamtsa est jugé coupable d’une partie de ces événements, alors qu’il n’a rien fait dans cette histoire… Le Ben Ich ‘Haï propose la réponse suivante : Kamtsa était en réalité présent au festin et vit comment Bar Kamtsa fut traité. Il aurait pu éviter tout ceci en expliquant le malentendu des invitations. Or, il existe un principe selon lequel, si quelqu’un peut protester contre un méfait, mais ne le fait pas, il est tenu pour responsable de cet acte. Le Ben Ich ‘Haï poursuit en ajoutant que selon le Maarcha, Bar Kamtsa était le fils de Kamtsa… S’il en est ainsi, Kamtsa était certainement au courant de la mésentente entre son fils et son ami, mais n’a tout de même rien fait pour les réconcilier. À cause de cette passivité, Kamtsa est en partie coupable de la destruction du Temple.
D’autre part, les rabbins semblent aussi être partiellement fautifs dans ces incidents, car ils ne firent rien pour éviter l’humiliation de Bar Kamtsa. L’inaction et l’insensibilité sont donc au centre de cette histoire et furent la cause des terribles conséquences que l’on sait. Si l’une des personnes présentes s’était efforcée d’éviter les injustices, le Beth Hamikdach n’aurait peut-être pas été détruit. Leur indifférence devant la tragédie qui se déroulait sous leurs yeux conduisit à leur passivité.
Le fait que l’insensibilité fut à l’origine de la destruction du Beth Hamikdach semble quelque peu contredire la Guémara dans Yoma, qui affirme que la Sinat ‘Hinam (la haine gratuite) fut la cause ultime de la destruction. En réalité, une analyse plus profonde nous indique que la Sinat ‘Hinam ne désigne pas seulement une haine active, profonde ; elle inclut également l’insensibilité. Nous apprenons cela de l’une des premières fois où la racine du mot Sina (haine) apparaît dans la Torah : dans la Parachat Vayétsé, après le mariage de Ya'akov avec Ra’hel et Léa, la Torah nous dit : « Hachem vit que Léa était "Senoua" ». Le Ramban explique qu’en réalité, quand un homme est marié à deux femmes, celle qu’il aime le moins s’appelle Senoua – il ne la déteste pas, mais il l’aime moins que sa favorite. Ainsi, affirme le Ramban, Ya'akov ne haïssait pas Léa ; c’est plutôt que son amour pour elle était moindre. Nous en déduisons que le mot Sina ne signifie pas forcément une haine active et viscérale, mais il peut indiquer un manque d’amour et d’attention. Donc, la Sinat ‘Hinam dont il est question dans la Guémara de Yoma n’était pas nécessairement une haine virulente ; elle peut aussi avoir été une insensibilité et un manque de préoccupation à l’égard d’autrui.
Dans le même ordre d’idées, rav Yehonathan Eibeshitz, écrit que la Sinat ‘Hinam décrite dans la Guémara ne se réfère pas à une haine active, mais à une indifférence devant la chute d’autrui vers l’hérésie. Il note que de nombreuses sectes hérétiques se sont développées à cette période et ce, parce que les gens ne voulaient pas émettre de réprimandes. Il s’exclame : « Existe-t-il quelqu’un de plus haineux que celui qui voit son ami se noyer dans une rivière [de fautes] et qui ne réagit pas ?! » Sur la base de cette définition de la Sina, il est clair qu’il n’y a pas de contradiction entre l’histoire de Kamtsa et Bar Kamtsa et la Guémara dans Yoma. La Sinat ‘Hinam dont on parle dans Yoma n’implique pas seulement la haine active et farouche, mais inclut également l’insensibilité vis-à-vis de la souffrance d’autrui et le refus de l’aider à s’élever spirituellement.
Le fait que le Beth Hamikdach ne soit toujours pas reconstruit montre que ces failles sont encore très courantes de nos jours et qu’elles touchent de nombreux aspects de notre vie, comme partager la souffrance de l’autre, tenter d’aider les personnes moins chanceuses que nous, et rapprocher ceux qui sont éloignés de la Torah. C’est le moment plus que jamais d’analyser notre comportement, et de nous améliorer dans ce domaine.
Que Ticha' Béav soit le dernier jeûne et le dernier deuil que nous ayons eu à subir, Amen !