A la troisième néoménie depuis le départ des Israélites du pays d'Égypte, le jour même, ils arrivèrent au désert de Sinaï.
En ce jour-ci
Le premier du mois. Le texte aurait dû porter : « ce jour-“là” » (hahou) ! Pourquoi : « ce jour-“ci” » (hazè) ? Pour que les paroles de la Tora te soient toujours aussi neuves que si elles t’avaient été données aujourd’hui même (Chabath 86b)
19,2
Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï et y campèrent, Israël y campa en face de la montagne.
Ils partirent de Refidim
Pourquoi le texte s’impose-t-il de répéter d’où ils sont partis ? Il a pourtant déjà été indiqué plus haut qu’ils ont campé à Refidim (supra 17, 1), de sorte qu’il est évident qu’ils en sont partis ! C’est pour assimiler leur départ de Refidim à leur venue dans le désert de Sinaï : De même que celle-ci s’est faite dans le repentir, de même celui-là s’est-il fait dans le repentir (Mekhilta)
Israël y campa
Comme un seul homme, d’un seul cœur [d’où l’emploi du singulier], tandis que les autres étapes ont eu lieu dans des récriminations et des querelles (Mekhilta)
En face (nèguèd) de la montagne
A l’est. Toutes les fois que l’on trouve le mot nèguèd (« en face »), il s’agit de la face est (Mekhilta)
19,3
Pour Moïse, il monta vers le Seigneur et le Seigneur, l'appelant du haut de la montagne, lui dit: "Adresse ce discours à la maison de Jacob, cette déclaration aux enfants d'Israël:
Et Mochè monta
Le deuxième jour. Et toutes ses montées ont eu lieu de bon matin, comme il est écrit : « Mochè se leva de bon matin » (infra 34, 4)
Tu diras ainsi
Dans ce langage et dans cet ordre (Mekhilta)
A la maison de Ya‘aqov
Ce sont les femmes. Tu leur parleras avec douceur
Et tu raconteras (wethaguéd) aux fils d’Israël
Il a commenté à l’intention des hommes les punitions et les détails, employant à cet effet des paroles aussi dures que des tendons (guidin) (Chabath 87a, Mekhilta)
19,4
‘Vous avez vu ce que j'ai fait aux Égyptiens; vous, je vous ai portés sur l'aile des aigles, je vous ai rapprochés de moi.
Vous
Ce n’est pas par tradition que vous l’avez appris, ni par des paroles que je vous le transmets, ni par des témoins que je vous en fais attester, mais vous-mêmes « avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte ». Ils se sont rendus coupables envers moi de bien des fautes avant de s’en prendre à vous, mais je ne les ai punis que pour les torts qu’ils vous ont causés (Mekhilta)
Je vous ai portés
C’est le jour où Israël est arrivé à Ra‘amsés. Car ils étaient éparpillés dans tout le pays de Gochèn, et en un instant, quand le moment est venu pour eux de partir, ils ont tous été rassemblés à Ra‘amsés. Le Targoum Onqelos le rend par : « je vous ai fait mettre en route », par égard au respect dû au Tout-Puissant (Mekhilta)
Sur des ailes d’aigles
Comme un aigle qui porte ses petits sur ses ailes. Car tous les autres oiseaux déplacent leur progéniture en la soulevant entre leurs pattes, de crainte d’un autre volatile pouvant voler au-dessus d’eux. L’aigle, en revanche, qu’aucun autre oiseau ne peut dominer, n’a peur que de l’homme et des flèches qu’il pourrait lui lancer. C’est pourquoi il installe ses petits sur ses ailes, en se disant : « Mieux vaut que ce soit moi que transperce la flèche plutôt que mes enfants ! » J’ai agi de la même manière : « l’ange de ha-Eloqim partit… » (14, 19), « [la colonne de nuée] vint entre le camp des Egyptiens et entre le camp d’Israël » (14, 20). Les Egyptiens lançaient des flèches et des projectiles de pierre, et c’est la nuée qui les recevait
Je vous ai amenés à moi
Ainsi que le rend le Targoum Onqelos
19,5
Désormais, si vous êtes dociles à ma voix, si vous gardez mon alliance, vous serez mon trésor entre tous les peuples! Car toute la terre est à moi,
Et maintenant
Si vous l’acceptez dès maintenant, cela vous sera agréable ensuite, car tous les débuts sont difficiles (Mekhilta)
Vous gardez mon alliance
Que je conclus avec vous pour l’observance de la Tora
Un trésor
Un trésor bien-aimé, comme dans : « et le trésor des rois » (Qohèleth 2, 8) constitué par les objets de valeur et les pierres précieuses amassés par les rois. De même serez-vous pour moi un trésor plus cher que les autres peuples. Mais ne dites pas que vous seuls m’appartenez, et que je n’en ai pas d’autres que vous ! Qu’ai-je d’autre qui puisse rendre évident l’amour que je vous porte ? « Car à moi est toute la terre ». Mais à mes yeux et devant moi ils ne comptent pas
19,6
mais vous, vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte.’ Tel est le langage que tu tiendras aux enfants d'Israël."
Et vous
Des princes, comme dans : « Et les fils de David étaient pontifes (kohanim) » (II Chemouel 8, 18)
Celles-là sont les paroles
Rien de moins ni rien de plus
19,7
Moïse, de retour, convoqua les anciens du peuple et leur transmit toutes ces paroles comme le Seigneur le lui avait prescrit.
19,8
Le peuple entier répondit d'une voix unanime: "Tout ce qu'a dit l'Éternel, nous le ferons!" Et Moïse rapporta les paroles du peuple au Seigneur.
Mochè rapporta les paroles du peuple…
Le lendemain, à savoir le troisième jour, car il était monté de bon matin. Mais Mochè avait-il besoin de les rapporter ? Le texte enseigne ici une règle de bonne conduite, en ce que Mochè n’a pas dit : « Du moment que celui qui m’a envoyé connaît la réponse, je n’ai pas besoin de la lui faire savoir.
19,9
L'Éternel dit à Moïse: "Voici, moi-même je t'apparaîtrai au plus épais du nuage, afin que le peuple entende que c'est moi qui te parle et qu'en toi aussi ils aient foi constamment." Alors Moïse redit à l'Éternel les paroles du peuple.
Dans l’épaisseur de la nuée
Dans ce que la nuée avait d’épais, à savoir l’obscurité [dont il est question plus loin (infra 20, 18)]
Et qu’en toi aussi
Y compris les prophètes qui viendront après toi
Mochè raconta…
Le lendemain, qui était le quatrième jour du mois
Les paroles du peuple…
La réponse que j’ai entendue de leur part, c’est qu’ils veulent entendre de toi-même. Celui qui entend de la bouche d’un intermédiaire n’est pas comme celui qui entend de la bouche du roi lui-même. Nous voulons voir notre roi
19,10
Et l'Éternel dit à Moïse: "Rends-toi près du peuple, enjoins-leur de se tenir purs aujourd'hui et demain et de laver leurs vêtements,
Hachem dit à Mochè
Si vraiment ils ont besoin qu’on leur parle, va vers le peuple
Tu les consacreras
Tu les prépareras. Qu’ils se tiennent prêts aujourd’hui et demain
19,11
afin d'être prêts pour le troisième jour; car, le troisième jour, le Seigneur descendra, à la vue du peuple entier, sur le mont Sinaï.
Ils seront prêts
Séparés de leur femme (Mekhilta)
Pour le troisième jour
Qui sera le sixième jour du mois. Le cinquième jour, Mochè a construit l’autel situé sous la montagne et les douze monuments dont il est question plus loin (infra 24, 4), la Tora n’observant pas l’ordre chronologique des événements (Mekhilta)
Aux yeux de tout le peuple
Cela nous apprend qu’il n’y avait pas d’aveugle parmi eux : ils avaient tous été guéris (Mekhilta)
19,12
Tu maintiendras le peuple tout autour, en disant: ‘Gardez-vous de gravir cette montagne et même d'en toucher le pied, quiconque toucherait à la montagne serait mis à mort.
Tu limiteras
Fixe-leur des barrières qui leur servent de signes afin qu’ils n’approchent pas de la limite
En disant
La limite leur dira : « Gardez-vous de monter à partir d’ici ! » Et toi, tu leur donneras des instructions à ce sujet
Et d’en toucher l’extrémité
Pas même l’extrémité
19,13
On ne doit pas porter la main sur lui, mais le lapider ou le percer de flèches; homme ou bête, il cesserait de vivre. Mais aux derniers sons du cor, ceux-ci monteront sur la montagne’".
Car lapider
D’où nous apprenons que les condamnés à être lapidés étaient précipités en contrebas du lieu de la lapidation, lequel était d’une hauteur de deux tailles d’homme (Sanhèdrin 45a)
Il sera lapidé
Il sera projeté en bas, vers la terre, comme dans : « Il les a lancés dans la mer » (supra 15, 4)
Quand s’étendra le son du cor
Quand le cor « tirera » un son prolongé, ce sera signe du retrait de la chekhina et de l’arrêt de Sa voix. Et lorsque Je me serai retiré, ils auront le droit de monter
Du cor
C’est le chofar fait à partir de la corne du bélier. Le mot « bélier » se dit en arabe : « yovla ». C’était le chofar du bélier de Yits‘haq
19,14
Moïse descendit de la montagne vers le peuple, lui enjoignit la pureté et ils lavèrent leurs vêtements.
De la montagne vers le peuple
Ce qui nous apprend que Mochè n’est pas allé vaquer à ses affaires, mais qu’il s’est rendu « de la montagne vers le peuple »
19,15
II dit au peuple: "Tenez-vous prêts pour le troisième jour; n'approchez point d'une femme."
Soyez prêts dans trois jours
Pour la fin du troisième jour, c’est-à-dire le quatrième jour. Car Mochè, de son propre mouvement, a ajouté un jour supplémentaire, comme l’enseigne rabi Yossi (Chabath 87a). Et pour celui qui professe que les Dix Commandements ont été donnés le six du mois, Mochè n’a rien ajouté, de sorte que les mots : « pour trois jours » doivent être compris : « pour le troisième jour »
Ne vous avancez pas vers une femme
Pendant tous ces trois jours, afin que les femmes s’immergent rituellement le troisième jour et qu’elles soient dans un état de pureté pour recevoir la Tora. Car il aurait pu arriver, si elles avaient eu des rapports pendant ces trois jours, qu’elles laissent échapper de la semence après leur immersion et qu’elles redeviennent impures. En revanche, en attendant pendant trois jours, elles laissaient à la semence le temps de se putréfier et de perdre sa fertilité, l’empêchant de rendre impure celle qui en aurait suinté
19,16
Or, au troisième jour, le matin venu, il y eut des tonnerres et des éclairs et une nuée épaisse sur la montagne et un son de cor très intense. Tout le peuple frissonna dans le camp.
Quand c’était le matin
Cela nous apprend qu’Il les y a précédés, ce qui est contraire aux usages humains où l’on ne voit pas le maître attendre l’arrivée du disciple. Il en est de même dans : « Lève-toi ! Va dans la plaine, et là je te parlerai ! […] Je me suis levé et suis allé dans la plaine, et voilà que s’y tenait la gloire de Hachem » (Ye‘hezqel 3, 22-23)
19,17
Moïse fit sortir le peuple du camp au-devant de la Divinité et ils s'arrêtèrent au pied de la montagne.
A la rencontre de ha-Eloqim
Cela nous apprend que la chekhina est sortie à leur rencontre, comme le fiancé sort pour accueillir la fiancée. Cela correspond au verset : « Hachem est venu “du” Sinaï (missinaï) » (Devarim 33, 2), et non : « est venu “au” Sinaï (lessinaï) » (Mekhilta)
Dans le bas de la montagne
Au sens littéral : « au pied de la montagne ». Mais le midrach explique que la montagne a été arrachée à son endroit et a été renversée sur eux comme une coupole (Chabath 88a)
19,18
Or, la montagne de Sinaï était toute fumante, parce que le Seigneur y était descendu au sein de la flamme; sa fumée montait comme la fumée d'une fournaise et la montagne entière tremblait violemment.
Toute fumante (‘achan)
Le mot ‘achan n’est pas un substantif, étant donné que la lettre chin est ponctuée ici d’un pata‘h. Mais c’est un verbe [conjugué à la troisième personne du masculin singulier du passé] : « il fumait », tout comme amar (« il disait »), chamar (« il gardait »), chama’ (« il écoutait »). D’où la traduction du Targoum Onqelos : « le mont Sinaï fumait », et non : « en fumée ». Toutes les fois que le mot ‘achan, dans le texte, est ponctué d’un qamats, il s’agit d’un substantif
Une fournaise
A chaux. Serait-ce comme ce genre de fournaise et pas davantage ? Aussi le texte ajoute-t-il : « et la montagne brûlait dans le feu jusqu’au cœur du ciel » (Devarim 4, 11). Et pourquoi est-il question ici d’un four à chaux ? C’est pour que l’oreille reste accoutumée à entendre ce qu’elle a l’habitude de comprendre, le texte lui fournissant des données qui lui sont familières. Il en est ainsi de : « Il rugit comme un lion » (Hoché‘a 11, 10). Et pourtant, qui a donné sa force au lion si ce n’est Lui, alors que le texte Le compare à cet animal ? C’est donc que nous Le décrivons en le comparant à Ses créatures, afin que l’oreille reste accoutumée à entendre ce qu’elle a l’habitude de comprendre. De même dans : « Et Sa voix était comme le son des grandes eaux » (Ye‘hezqel 43, 2). Et pourtant, qui a donné leurs voix aux eaux si ce n’est Lui, alors que le texte Le compare à ce qu’Il a créé ? C’est pour que l’oreille le comprenne
19,19
Le son du cor allait redoublant d'intensité; Moïse parlait et la voix divine lui répondait."
Allait se renforçant beaucoup
Habituellement, lorsqu’un homme sonne de la trompette, le son va s’affaiblissant avec le temps. Ici, il « allait se renforçant beaucoup ». Et pourquoi cela ? Pour que l’oreille reste accoutumée à entendre ce qu’elle a l’habitude de comprendre
Mochè parla
Quand Mochè a parlé et a fait entendre les Commandements à Israël – qui n’a entendu de la bouche du Tout-Puissant que : « Moi-même suis Hachem, ton Eloqim… » et : « Tu n’auras pas d’autres dieux sur ma face » (infra 20, 2 et 3) – le Saint béni soit-Il l’a aidé en lui donnant la force d’amplifier sa voix et de la faire entendre
Répondit par un son
Il lui a répondu au sujet du son, comme dans : « qui répondra par le feu » (I Melakhim 18, 24), c’est-à-dire au sujet du feu, pour le faire descendre
19,20
Le Seigneur, étant descendu sur le mont Sinaï, sur la cime de cette montagne, y appela Moïse; Moïse monta,
Hachem descendit sur le mont Sinaï
Serait-ce qu’Il est vraiment descendu sur elle ? Aussi le texte précise-t-il : « depuis le ciel j’ai parlé avec vous » (infra 20, 19). Ceci nous apprend qu’Il a incliné les cieux supérieurs et inférieurs et qu’Il les a étendus par-dessus la montagne comme un drap sur le lit. Le trône divin est alors descendu sur eux (Mekhilta)
19,21
et le Seigneur lui dit: "Descends avertir le peuple: ils pourraient se précipiter vers le Seigneur pour contempler sa gloire et beaucoup d'entre eux périraient.
Avertis le peuple
Avertis-les pour qu’ils ne montent pas sur la montagne
De peur qu’ils ne détruisent…
Pour qu’ils ne compromettent pas leur position, dans le désir qui les porte vers Hachem, pour Le voir, et qu’ils s’approchent de la montagne
Et il en tombera beaucoup
Même s’il ne devait en tomber qu’un seul, il compterait « beaucoup » pour moi (Mekhilta)
De peur qu’ils détruisent
Toute destruction compromet l’ordonnancement d’une construction. De même, ceux qui se séparent d’un groupe humain en compromettent l’ordonnancement
19,22
Que les pontifes aussi, plus rapprochés du Seigneur, s'observent religieusement; autrement il pourrait sévir parmi eux."
Et aussi les pontifes
Y compris les premiers-nés qui étaient chargés du service (Zeva‘him 115b)
Qui s’avancent vers Hachem
Pour présenter les sacrifices. Eux non plus ne se prévaudront pas de leur privilège pour monter
Qu’ils se consacrent
Qu’ils se tiennent prêts à se tenir à leur place (voir verset 10)
De peur qu’Il ne fasse brèche
L’idée de brèche correspond à celle de « tuer » et à faire une brèche dans leurs rangs
19,23
Moïse répondit au Seigneur: "Le peuple ne saurait monter sur le mont Sinaï, puisque tu nous as avertis par ces paroles: ‘Défends la montagne et déclare-la sainte!’"
Le peuple ne pourra pas
Je n’ai pas besoin de les avertir, car cela fait trois jours qu’ils sont soumis à l’interdiction. Ils ne pourront pas monter, car ils n’en ont pas le droit
19,24
Le Seigneur lui repartit: "Descends, dis-je, puis tu remonteras accompagné d'Aaron. Mais que les pontifes et le peuple ne s'aventurent pas à monter vers le Seigneur, il pourrait sévir contre eux."
Va
Et avertis-les une seconde fois. Car on doit mettre en garde celui qui n’a pas encore agi, et répéter l’avertissement au moment de l’action (Mekhilta)
Tu monteras
Se pourrait-il qu’ils soient avec toi ? Aussi le texte précise-t-il : « tu monteras, toi ». On en conclura que tu auras une place bien délimitée, que Aharon aura une place bien délimitée, et que les pontifes auront une place bien délimitée. Mochè s’est approché de plus près que Aharon, et Aharon de plus près que les pontifes. Quant au peuple, qu’il ne franchisse pas ses barrières pour monter vers Hachem
De peur qu’Il ne fasse brèche (yifrats) contre eux
Bien que le mot yifrats soit ponctué d’un qamats bref, il ne change pas sa forme grammaticale. Voici la règle : lorsqu’un mot ponctué d’un ‘holem est suivi d’un trait d’union, cette voyelle est remplacée par un qamats bref
19,25
Moïse redescendit vers le peuple et lui en fit part.
Le premier du mois. Le texte aurait dû porter : « ce jour-“là” » (hahou) ! Pourquoi : « ce jour-“ci” » (hazè) ? Pour que les paroles de la Tora te soient toujours aussi neuves que si elles t’avaient été données aujourd’hui même (Chabath 86b)