« Il aperçut même un crâne flotter à la surface de l'eau. Il lui dit : "Du fait que tu as noyé quelqu'un d'autre, ils t'ont noyé, et au final, ceux qui t'ont noyé seront noyés à leur tour." »

QUESTIONS

  1. Comment Hillel a-t-il su que cette personne avait noyé d'autres personnes ?
  2. Comment Hillel a-t-il su que les meurtriers de cet homme seraient eux-mêmes tués ?
  3. Pourquoi la Michna met-elle en valeur un crâne, et non un corps ?

Cette Michna relate brièvement comment Hillel aperçut un crâne flotter à la surface de l'eau, et il fait remarquer que cette personne avait été assassinée, puis jetée à l'eau, à titre de punition pour avoir lui-même tué un homme et l'avoir jeté à l'eau. Hillel ajoute ensuite que ceux qui ont tué le meurtrier finiront par subir eux-mêmes le même sort.

Les commentateurs se demandent comment Hillel savait de manière certaine que le mort avait été lui-même coupable de meurtre. Un certain nombre d'entre eux répondent que Hillel connaissait personnellement cette personne tant qu'il était en vie, et Hillel savait que c'était un meurtrier. Or, une autre question se pose : comment Hillel pouvait-il être sûr et certain que ces assassins subiraient le même sort ? La réponse la plus élémentaire : Hillel enseignait qu'un homme sera puni mesure pour mesure pour ses actions. Mais les commentateurs relèvent que parfois, des meurtriers meurent d'une mort naturelle, alors comment Hillel pouvait-il affirmer de manière certaine que les meurtriers de cet homme subiraient le même sort ? Certains sont d'avis que Hillel ne visait pas ici un principe immuable, mais qu'en général, un homme subira le même sort que celui qu'il a fait subir à d'autres.[1]

Cette idée se retrouve dans plusieurs endroits chez nos Sages. La Guémara décrit un cas où un homme tue accidentellement un autre homme, et en conséquence, le tueur par inadvertance doit se rendre dans une ville de refuge jusqu'à la mort du Cohen Gadol. La Guémara déclare que la personne tuée était en fait passible de mort en raison de ses actions précédentes, et méritait donc d'être tuée. De plus, le tueur par accident était coupable d'une faute dont la sanction était l'exil, et de ce fait, Hachem orchestra les événements de manière à ce qu'il tue par accident l'autre personne qui méritait de mourir.

L'idée de mesure pour mesure s'applique également à une sanction qui ne débouche pas sur la mort. La Michna dans Sota énumère diverses personnes qui commirent des fautes avec certaines parties de leur corps et furent punies consécutivement sur ces parties de leur corps. Par exemple, Chimchon fauta avec ses yeux, et il fut puni lorsque les Philistins lui retirèrent ses yeux.

Or, pour répondre à la question de savoir pourquoi nous voyons des meurtriers qui ne sont pas assassinés eux-mêmes, le 'Hida[2]nous enseigne que Hillel se référait à l'idée de la réincarnation. Si un individu meurt dans ce monde-ci sans s'être repenti de ses fautes, il devra retourner dans ce monde en réincarnation afin de subir la punition pour ses actions dans une vie antérieure. Hillel affirmait donc que les meurtriers de cet homme seraient punis au final en subissant le même sort – même si cela n'avait pas lieu de leur vivant, cela aurait lieu dans une réincarnation future. Pour soutenir cette idée, la Michna affirme que Hillel aperçut un Goulgolet, c'est-à-dire un crâne. Or, si on s'appuie sur l'explication du Ari zal, ce terme fait allusion au terme hébraïque signifiant réincarnation : Guilgoul, et Hillel remarqua que cette personne morte était punie pour avoir assassiné quelqu'un d'autre dans son Guilgoul précédent.

Rav Chalom Schwadron remarque qu'il est aisé de penser que le concept d'une punition mesure pour mesure vient de la Midat Hadin, l'attribut de rigueur d'Hachem. Or, Rav Schwadron souligne qu'il s'agit en fait d'un aspect de la qualité de compassion d'Hachem. En effet, lorsqu'un homme se fait punir dans un domaine où il a fauté, il reconnaîtra plus facilement la raison de ses souffrances et se repentira de sa faute. Quant à quelqu'un qui meurt en conséquence de sa faute, l'imperfection spirituelle qu'il a infligée à son âme a été compensée par la souffrance endurée par celle-ci.

Nous avons vu comment le concept de mesure pour mesure fonctionne dans ce monde-ci. Ceci nous enseigne que l'homme finira par répondre de ses actes, et si ce n'est dans ce monde, ce sera dans le Monde à Venir. Mais nous avons également vu que l'idée de mesure pour mesure est un reflet de la compassion d'Hachem, et que lorsqu'un homme souffre, il devra analyser ses actions pour déterminer si cette souffrance intervient mesure pour mesure pour un acte qu'il aurait commis. Puissions-nous obtenir la clarté afin de tirer les leçons de nos souffrances pour rectifier nos erreurs et nous rapprocher d'Hachem.

 

[1] Voir Tossefot Yom Tov.

[2] Hakdama LePessa'h Enayim. Voir aussi Midrach Chemouël, Anaf Ets Avot et le Tossefot Yom Tov. Ce dernier  n'est pas d'accord avec cette explication.