« Rabbi Yéhochoua dit : « Le 'Ayin Hara' (mauvais œil), le Yétser Hara' (mauvais penchant) et la haine des créatures expulsent l’homme du monde. »
QUESTIONS
1. À quoi se réfèrent ces termes ?
2. Que signifie qu'ils expulsent l'homme du monde ?
3. Cette Michna correspond-elle à une autre Michna dans Avot, affirmant que la Kina (jalousie), le Kavod (les honneurs) et la convoitise excluent l'homme de la société ?
Rabbi Yéhochoua nous enseigne que trois éléments excluent l'homme de ce monde : le mauvais œil, le mauvais penchant et la haine des créatures. Avant d'analyser en profondeur la définition de ces trois attributs négatifs, il est instructif de comprendre ce que signifie « qu'ils expulsent l'homme de ce monde. »
Il semblerait d'après les commentateurs qu'il existe trois interprétations possibles : les deux premières seront abordées ci-dessous et la suivante, dans le prochain article. Première interprétation : un individu doté de ces traits de caractère mourra plus tôt que prévu. Il se peut qu'il soit puni pour ses fautes, mais il est également possible que ces trois défauts affectent négativement sa santé et l'entraînent à mourir plus tôt. On sait bien que la jalousie, la haine et la luxure ont un effet néfaste sur la santé, donc un individu qui est enclin à ces attitudes, peut littéralement quitter ce monde plus tôt.[1]
Une autre interprétation possible est qu'un homme sera, que D.ieu préserve, expulsé du Monde à venir en raison de ces fautes, s'il est sujet à ces trois défauts. Cette interprétation est renforcée par une remarque du Taz dans son commentaire sur Rachi sur la Torah de la Paracha Emor. Cette Paracha finit par le récit tragique du Mékalel, fils d'un égyptien et d'une femme juive, qui commit une faute grave, le blasphème, et en conséquence, fut condamné à mort. L'épisode commence par les termes : « Il arriva que le fils d'une femme israélite, lequel avait pour père un Égyptien, sortit. »[2] Les commentateurs soulignent que le sens de « sortit » est ambigu. Rachi, citant le Midrach, explique que d'après la Torah, cela signifie qu'il « sortit de son 'Olam (monde).»[3] Les commentateurs expliquent qu'il abandonna sa part dans le Monde à venir en raison de la terrible faute qu'il commit. Le Taz explique : « Cela signifie d'après moi que depuis le jour de sa naissance, chaque membre du peuple juif est lié au Monde Supérieur [le 'Olam Haba] dans un lieu saint. Mais lorsqu'il faute, il quitte ce lieu auquel il est attaché ; d'où l'emploi de ces termes : "il sortit."»[4]
Cette explication nous offre un point de vue fondamental sur la perspective de la Torah du système de récompense et de punition dans le monde futur. On pourrait penser qu'un homme dans ce monde-ci n'a aucune connexion intrinsèque avec le 'Olam Haba, mais plutôt qu'au moment de sa mort, il monte au ciel, reçoit des récompenses (comme une tombola) pour les Mitsvot qu'il accomplit, et est sanctionné en perdant des avantages pour les fautes commises. La rétribution, c'est-à-dire le 'Olam Haba, est considérée comme sa récompense. Le Taz nous montre que ce n'est pas le cas – en réalité, depuis sa naissance, le Juif a une relation intrinsèque au 'Olam Haba – quelle est l'origine de cette relation ? C'est bien entendu son âme ; en accomplissant des Mitsvot, il nourrit son âme et améliore pour ainsi dire la nature du 'Olam Haba dont il bénéficiera – et en l'absence de repentir, il devra se rendre au Guéhénom pour se purifier des impuretés de son âme en raison de sa faute.[5] La faute du Mékalel était si grande, au point qu'il en perdit son 'Olam Haba. [6] En conséquence, nous voyons de là que le système de récompense et de punition dans le monde à venir n'est pas arbitraire, mais un homme crée son propre monde futur ou son absence de celui-ci. Pour revenir à la Michna, selon cette interprétation, un homme sujet à ces trois défauts risque de perdre sa propre part dans le Monde futur.
[1] Les torts causés par ces défauts seront abordés dans les articles suivants.
[2] Vayikra 24;10.
[3] Rachi, Vayikra, 24:10, au nom de Vayikra Rabba, Emor 32:3.
[4] Divré David, cite dans Tallalé Orot 24,10.
[5] Le thème de la nature du Guéhénom et sa finalité dépasse le cadre de cet article. Contentons-nous de dire que la conception non-juive de l'enfer ne ressemble en rien à la description de la Torah du Guéhénom. En bref, en dépit de sa nature clairement désagréable, le Guéhénom a une fonction bénéfique, en ce qu'il purifie l'homme au point qu'il lui est désormais possible d'entrer dans le 'Olam Haba.
[6] Le Ets Yossef sur le Midrach relève qu'il est évident que le Mékalel ne se repentit pas de sa faute. En effet, le Midrach affirme qu'il perdit son monde futur à ce titre.