« Si un prince [chef] commet une faute et fait, par inadvertance, quelque chose qu’Hachem son D. défend de faire et se trouve ainsi coupable. » (Vayikra, 4:22)

Rachi explique sur les mots « Si un prince commet une faute » : Le terme employé est [apparenté à] « achré » – [ceci nous apprend qu’] heureuse est la génération dont le dirigeant cherche à expier ses fautes involontaires...

La Thora parle des korbanot (sacrifices) requis pour expier certaines fautes. Quand la Thora précise le cas du Nassi, elle utilise un langage inhabituel : « acher », tandis que dans les autres trois paragraphes du chapitre, elle emploie, pour exprimer la même idée, le mot « véim » qui signifie « et si ». Rachi explique, en rapportant la guemara[1], que cela fait référence au mot « achré », heureux. Cela nous apprend que la génération dont le Nassi cherche l’expiation de ses fautes est « chanceuse ».

Les commentateurs se demandent pourquoi. On comprend facilement que le Nassi soit lui-même heureux, mais où est le bonheur de la génération ?

Pour répondre à cette question, rappelons un principe important : l’attitude d’un dirigeant dans sa vie privée doit être intrinsèquement liée à ses actions dans le domaine public, dans son rôle de représentant du peuple. On voit souvent, dans la société laïque, des dirigeants qui ne manifestent pas les meilleures qualités. Ils peuvent, par exemple, faire preuve d’immoralité, manquer d’honnêteté dans leurs affaires...

Ils prétextent généralement que la vie privée n’a aucune conséquence sur la façon de guider le peuple. Mais la Thora a une opinion bien différente à ce sujet. Le comportement d’une personne est le reflet de son niveau moral et s’il est défaillant, cela signifie qu’il n’est pas capable de diriger correctement la nation.

Cette idée est particulièrement pertinente dans l’humilité, la capacité d’admettre ses erreurs. Personne n’est censé être parfait – en effet, les Prophètes nous informent qu’il n’existe aucun homme qui n’ait jamais fauté[2]. Cependant, la volonté d’assumer la responsabilité de ses actes montre le niveau de la personne. Si un chef est capable de reconnaître ses méfaits, et tente de les corriger, alors on peut être sûr que cette qualité se manifestera également en public.

Il est fondamental, pour un leader, d’avouer une erreur de jugement ou une attitude incorrecte. Ne pas parvenir à évaluer objectivement son comportement et à se repentir indique une faille dans son leadership.

C’est le sens de la guemara affirmant que la génération dont le dirigeant expie ses fautes est heureuse. C’est pourquoi les dirigeants en Thora ont toujours été d’une vertu exemplaire dans leur vie privée.

Ce niveau sublime qu’ont atteint nos Sages est illustré par l’histoire suivante. Le Alter de Kelm était l’un des maîtres du Moussar[3]. Il avait l’habitude de voyager pour récolter des fonds pour ses institutions. Ces dernières finançaient les frais de ses voyages. À ses retours, il faisait le compte rendu au trésorier, des sommes obtenues et de ses dépenses. Un jour, il revint avec une liasse de billets et une demi-cigarette[4]. Puisqu’il n’en avait fumé que la moitié durant sa mission, il rendait à présent l’autre partie[5] !

Un homme qui fait tellement attention à de si petits détails et qui se montre si intègre est certainement un leader digne de confiance.

Puissions-nous tous mériter de vivre moralement autant dans nos vies privées que dans nos affaires publiques.



[1] Arayot, 10b.

[2] Kohéleth, 7:20. Une guemara semble contredire cette théorie (Chabbat 55b, Baba Batra, 17b) – elle affirme que quatre personnes ne commirent jamais de péché. Toute explication à ce paradoxe sera la bienvenue.

[3] Enseignements éthiques, visant au raffinement du caractère. Mouvement inspiré par rav Israël Salanter zatsal.

[4] Inutile de préciser que les dangers de la cigarette étaient à l’époque beaucoup moins connus. De nos jours, les dirigeants en Thora la réprouvent fortement.

[5] Sparks of Moussar, rav ‘Haïm Ephraïm Zaitchik, p. 75-76.