La Torah décrit l’expiation requise pour divers péchés liés au vol. Entre autres, on rapporte le cas où une personne donne à son prochain quelque chose à garder et lorsque le propriétaire le demande, son « ami » nie avoir reçu un tel dépôt. La Torah décrit son action malhonnête comme une « trahison envers Hachem». Le vol est généralement placé dans la catégorie des relations interpersonnelles, alors pourquoi est-il ici décrit comme une trahison vis-à-vis d’Hachem et non comme une trahison vis-à-vis du propriétaire de l’objet ?

Cette question est posée par Rabbi 'Akiva dans le Torat Kohanim, et est rapportée ici par Rachi. Ce dernier explique que lorsque quelqu’un accorde un prêt à son prochain, il le fait en présence de témoins, ou il rédige un document que les témoins signent, attestant du prêt. Dans toute transaction commerciale, il existe un contrat ou un document certifiant les détails de la transaction. Par conséquent, si quelqu’un prête de l’argent à son prochain, et que l’emprunteur nie l’avoir reçu, le prêteur peut prouver le prêt et l’emprunteur ne pourra plus le nier. Celui qui nie la dette conteste, en fait, les témoins de la transaction.

Cependant, lorsque quelqu’un demande à son ami de lui faire une faveur et de garder un objet de valeur, il ne se donne pas la peine de faire venir des témoins ou de faire rédiger un contrat, parce qu’il fait confiance à son prochain. Un seul autre « Parti » est au courant de cet arrangement privé – Hakadoch Baroukh Hou. Par conséquent, lorsque le gardien nie le dépôt, il est considéré comme démentant le « Tiers » entre eux – Hachem. La Torah affirme donc qu’il agit « traîtreusement vis-à-vis d’Hachem », puisqu’il nie Son témoignage. 

Nous en déduisons qu’il faut toujours être conscient que nos actions sont observées par Hachem, même si personne d’autre n’en est conscient. Et si d’autres personnes apprennent les actions malhonnêtes d’une personne, la faute contre Hachem est multipliée, étant donné qu’on y ajoute le ’Hilloul Hachem provoqué.

Le Rav Aharon Lopianksy dans son livre Ben Torah pour la vie, critique très vertement les pratiques « commerciales » malhonnêtes, quoique courantes, même, malheureusement, chez des Juifs « pratiquants ». Il raconte l’histoire suivante pour donner un exemple de ce comportement. Un certain M. Cohen travaillait avec un fournisseur non-juif (appelons-le Bob). Celui-ci raconta à M. Cohen qu’un autre client juif avait décidé de ne payer que soixante-dix pour cent de la somme facturée (alors que le prix avait été convenu d’avance). M. Cohen contacta le client juif, tentant de lui faire prendre conscience du ’Hilloul Hachem engendré. La réponse du client juif fut : « C’est ce que tout le monde fait. » Bien évidemment, cela ne justifie pas un tel comportement et nous savons tous qu’au bout du compte, l’individu ne gagne rien à agir de manière malhonnête. Pire encore, l’impression qu’il donne de la façon dont les Juifs « pratiquants » agissent est très négative et présente des conséquences risquées.

Le Rav Lopiansky raconte également le genre d’histoires opposées, où le comportement droit et intègre des Juifs pratiquants provoqua d’incroyables bienfaits. Pendant la Shoah, Rav Moché Zupnik, originaire d’Allemagne, étudiait à Mir. Il fut grandement impliqué dans la fuite des étudiants de la Yéchiva de Mir vers le Japon. Le plus difficile, dans cette opération, fut d’obtenir des visas de transit pour le Japon. Un consul japonais à Kovno, le célèbre M. Suighara, accepta de délivrer des visas alors qu’il avait reçu l’ordre de ne pas le faire. Mais techniquement, il lui était impossible d’accorder tous les visas pendant les quelques jours dont il disposait. Rav Zupnik lui demanda de lui apprendre à remplir les papiers afin qu’il puisse l’aider. Même avec cette aide, ils restaient incapables de travailler assez vite. 

Quelque chose de remarquable se produisit alors. Le secrétaire du consul était un agent de la Gestapo allemande, nommé Wolfgang Gudze. À leur grande surprise, il proposa de les aider avec la paperasse. En l’espace de quelques jours, les trois hommes (un consul japonais, un élève de la Yéchiva de Mir et un nazi !) parvinrent à délivrer 2400 visas. Inutile de dire que l’agent de la Gestapo aurait pu facilement arrêter tout le processus, et il risqua sa vie en aidant les Juifs. Avant de partir, il a dit à Rav Zupnik : « J’ai un grand respect pour votre race » (à savoir, pour les Juifs pratiquants). Ce nazi avait eu suffisamment d’interactions avec des Juifs religieux et en avait vu assez pour les admirer et les respecter, au point qu’il risqua sa vie pour les aider. De toute évidence, il ne fut pas impressionné par leurs Mitsvot Ben Adam Lamakom (comme la mise des Téfillin ou la Brit-Mila). C’est leur comportement dans le relationnel (l’honnêteté, l’affabilité, l’entraide) qui fit si grande impression sur lui et qui permit finalement de sauver des milliers de vies.

Le Rav Lopiansky termine ce récit en imaginant les conséquences d’un Juif honnête qui a certainement impressionné ce nazi. « J’imagine un comptable qui arrive au Ciel après 120 ans. En tant que bon comptable, il a fait le calcul de toutes ses Mitsvot et 'Avérot et il s’attend à un motel trois étoiles à son arrivée au Gan Eden. Or, au fur et à mesure qu’il s’approche des portes célestes, il voit une grande agitation et une immense banderole : "Bienvenue au sauveur du monde de la Torah !!" Il est choqué ; il n’a jamais sauvé qui que ce soit, et encore moins le monde de la Torah !?

Mais si ! En s’acquittant de son travail avec calme et intégrité, en traitant tout le monde avec dignité, en agissant avec fidélité et respect des Mitsvot, il sanctifia en fait le Nom d’Hachem. Il provoqua un tel Kiddouch Hachem que tous ses clients – même celui qui allait par la suite devenir un agent de la Gestapo – reconnurent que ce peuple était spécial. Bien que son activité fût très "discrète", ses corollaires sont immenses ! »

Puissions-nous tous être dignes de confiance envers notre prochain et envers Hachem.