« Il dit à Aharon : "Prends un veau adulte pour expiatoire et un bélier pour holocauste, tous deux sans défaut, et amène-les devant Hachem. Quant aux enfants d'Israël, tu leur parleras ainsi : Prenez un bouc pour expiatoire, un veau et un agneau âgés d'un an, sans défaut, pour holocauste." » (Vayikra 9,2-3)
La Paracha commence par une description des Korbanot à apporter lors de l’inauguration du Michkan. Aharon devait apporter un veau, et les Bné Israël devaient apporter un bouc et un veau. Le Torat Kohanim explique que ces offrandes représentent l’expiation de fautes passées. Aharon devait faire pardonner sa participation à la faute du veau d’or et donc, mesure pour mesure, il dut apporter un veau. Et le peuple juif devait expier deux fautes, celle du veau d’or, comme Aharon, et celle de la vente de Yossef.
Ce Midrach soulève plusieurs questions. Tout d’abord, pourquoi était-ce nécessaire d’expier ces fautes précisément lors de l’inauguration du Michkan ? Deuxièmement, le fait que le peuple juif dût expier la faute du veau d’or et celle de la vente de Yossef en même temps indique un certain dénominateur commun entre les deux actes. Quel est-il ? Enfin, le Midrach affirme que le peuple devait expier la vente de Yossef, mais non Aharon. Pourquoi ? Aucun membre du peuple n’avait personnellement participé à la vente ; ils devaient réparer une faute commise par leurs ancêtres. Or Aharon étant le descendant de Lévi (qui joua un rôle important dans la vente), il devait donc certainement participer aussi à l’expiation de cette faute.
Le Kli Yakar[1] répond à une partie de ces questions. Il estime que le point commun entre ces deux fautes fut la place importante de la jalousie dans les deux épisodes. Nous savons que les frères étaient jaloux de Yossef et c’est ce qui les incita à vendre leur frère. Le Kli Yakar affirme que les Juifs qui commirent la faute du veau d’or étaient également poussés par la convoitise. « Ce veau fut érigé parce que plusieurs Juifs étaient jaloux de Moché, comme Kora’h et son assemblée. À cette époque, de nombreuses personnes lui voulaient du mal, et érigèrent cet abominable veau pour pouvoir s’affranchir de certaines contraintes… »
Pour prouver ses dires, le Kli Yakar souligne que des siècles plus tard, Yérovam, le premier roi du royaume Nord d’Israël, dressa également des veaux, ce qui entraina le drastique schisme entre les deux royaumes d’Israël. Quelle fut l’origine de cette terrible faute ? C’était sa jalousie à l’égard du roi de Yéhouda.
Le Kli Yakar explique ensuite pourquoi Aharon avait besoin de rectifier seulement sa participation à la faute du veau d’or et non celle de son ancêtre à la vente de Yossef. Tandis que le peuple juif gardait encore des traces de jalousie - qui fut à l’origine de la vente de Yossef -, Aharon avait personnellement rectifié totalement ce défaut en agissant en faveur du Chalom au sein du peuple. On peut ajouter qu’il ne fut aucunement jaloux de son frère Moché, alors que ce dernier prenait sa place de dirigeant et de prophète du peuple. Ainsi, Aharon montra qu’il n’était pas du tout envieux et il n’eut donc besoin d’expier que la faute du veau d’or.
Nous pouvons à présent comprendre pourquoi l’expiation de ces deux fautes se fit au moment de l’inauguration du Michkan, dont le rôle principal était d’unifier la nation. Si les Juifs avaient encore été touchés par ce vilain défaut, ils n’auraient pas pu profiter des bienfaits du Michkan[2].
Ainsi, la jalousie est tellement destructrice qu’elle joua même un rôle dans la faute du veau d’or, une faute qui semble plutôt appartenir au domaine du Ben Adam Lamakom. De plus, cette convoitise qui provoqua la faute du veau d’or et celle de la vente de Yossef eut des conséquences tellement graves qu’elle nécessitait une expiation à l’un des moments les plus importants de l’histoire du peuple juif.
Puissions-nous mériter d’éliminer toute trace de ce défaut de nos vies.
[1] Kli Yakar, Vayikra 9,3
[2] Sur la base du Oznaïm Latorah, rapporté par Rav Issakhar Frand.