La lecture de la Paracha de Nitsavim est relativement courte bien que ces versets méritent d’être médités longuement. Ils constituent une interpellation directe aux hommes qui peut parfois surprendre tant son contenu est d’une pleine actualité.
La solennité de cette Paracha est d‘autant plus forte qu’elle précède Roch Hachana et coïncide avec les derniers moments d’introspection et de Techouva offerts à l’homme avant le « jour du jugement ». Et, de fait, la lecture de ce texte permet d’appuyer ce travail de repentir.
Intéressons-nous tout d’abord au titre de cette Paracha « Nitsavim » « Vous vous tenez debout aujourd’hui devant l’Eternel votre D.ieu… » qui peut être utilement rapproché des deux Parachiot qui l’encadrent.
La semaine précédente, nous avons lu les passages difficiles de « malédictions » de Ki Tavo, et, à cet égard, notre Paracha vient nous rassurer en nous disant : « Regarde, en dépit de ces versets difficiles, vous êtes encore vivants aujourd’hui, vous vous tenez debout devant l’Eternel… ».
Toutefois, cette position stationnaire n’est pas suffisante, vous devez profiter de cette vie qui vous est accordée pour avancer, progresser, vous mettre en mouvement, comme l’indique le titre de la Paracha de la semaine prochaine « Vayelekh… » « Tu iras vers… ».
Or, cette dynamique de mise en mouvement n’est pas toujours naturelle, car elle invite l’homme à aller parfois vers l’inconnu. La nature humaine est parfois averse au « risque », au « changement » surtout lorsque celui-ci suppose de rompre avec des habitudes ancrées en l’homme et qui lui semblent même agréables. Il préfère bien souvent le confort du statu-quo au risque du mouvement et du changement. Et, cela est tout particulièrement vrai dans le domaine spirituel.
En effet, ce qui motive l’homme à changer, à rompre avec ses habitudes, c’est bien souvent la perspective d’un gain tangible, d’une amélioration de sa qualité de vie, d’acquérir davantage de richesse ou une meilleure position sociale (Rav A. Twerski, Living each week). Mais, en matière de spiritualité, le gain peut sembler vague, flou, l’homme ne visualise pas précisément ce que signifie « être plus près d’Hachem », « coïncider avec son âme », « permettre à son âme d’exprimer tout sa richesse ». Aussi, le confort du statu-quo spirituel l’emporte parfois sur la volonté de progresser spirituellement et de mettre en œuvre les efforts matériels pour y parvenir.
Voilà pourquoi, cette Paracha qui commence par faire le constat de cet immobilisme peut être lue comme une invitation à se mettre en mouvement et à ne pas écouter cette douce mais dangereuse berceuse qui souhaite maintenir l’homme dans une position stationnaire.
Elle nous rappelle ainsi quelle est le sens de la « Techouva » que nous devons accomplir durant ce mois de Eloul : se donner les moyens d’avancer, de progresser, en nous débarrassant des habitudes, des raisonnements, des auto-justifications qui nous empêchent d’avancer et de progresser.
Le terme de « Techouva » désigne lui aussi l’idée de mouvement, un mouvement en arrière, pour revenir sur nos fautes, comprendre comment elles ont pu survenir, et prendre des résolutions pour éviter qu’elles ne surviennent plus à nouveau à l’avenir.
La Paracha va répéter à deux reprises la nécessité de se repentir « afin que tu retournes à l'Éternel, ton D.ieu, et que tu obéisses à sa voix en tout ce que je te recommande aujourd'hui, toi et tes enfants, de tout ton cœur et de toute ton âme » (Devarim 30.2) et un peu plus loin « Tandis que toi, revenu au bien, tu seras docile à la voix du Seigneur, accomplissant tous ses commandements que je te prescris aujourd'hui » (Devarim 30.8).
Nos Sages nous invitent à comprendre dans cette apparente répétition que le repentir, la Techouva est un mouvement qui s’auto-entretient (Rav A. Twerski). Plus un homme prend l’habitude d’examiner ses actes, d’identifier ses fautes, d’être exigent avec lui-même, plus sa sensibilité au bien et au mal se raffine et plus il permet à son âme de grandir.
La Techouva est ainsi un mouvement perpétuel qui révèle à l’homme les trésors qui étaient enfuis en lui et qu’il ignorait. Plus l’homme creuse en lui-même, plus il est en mesure de faire jaillir les sources de bonté, de générosité, et de droiture morale dont il était porteur.
Et c’est peut-être là un des sens de la fameuse exhortation de notre Paracha à « choisir la vie ». Ce choix réside probablement dans notre capacité à refuser le confort illusoire du statu-quo spirituel pour se mettre en mouvement, à la fois pour revenir sur ses erreurs, mais aussi pour aller de l’avant dans une quête de perfectibilité et de progrès permanent. Seule cette dynamique est de nature à dévoiler à l’homme ce que signifie réellement « vivre » : coïncider avec la source de son âme et élever, grâce à elle, la nature et le monde qui nous entoure à son niveau spirituel le plus élevé.
A quelques heures de Roch Hachana, relisons donc ces merveilleux versets qui concluent notre Paracha : « J'en atteste sur vous, en ce jour, le ciel et la terre: j'ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et la calamité; choisis la vie! Et tu vivras alors, toi et ta postérité. Aime l'Éternel, ton Dieu, écoute sa voix, reste-lui fidèle: c'est là la condition de ta vie et de ta longévité, c'est ainsi que tu te maintiendras dans le pays que l'Éternel a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner » (Devarim, 30. 19-20).