La Haftara de cette semaine « Vatomer Tsion » est la deuxième des Haftarot de consolation, elle est également issue du livre d’Isaïe.
Ce texte décrit un dialogue entre l’Eternel et le peuple juif désigné par le terme « Tsion ». Au cours de ces versets, le prophète évoque le retour d’une multitude d’enfants d’Israël sur leur terre ancestrale, il souligne la protection éternelle de D.ieu et Son refus résolu d’abandonner le peuple Juif. La seule chose que D.ieu nous demande, nous rappelle Isaïe, est de nous repentir de nos fautes.
Isaïe nous livre dans cette Haftara de merveilleux versets de réconfort : « Hachem réconfortera Tsion. Il réconfortera toutes ses ruines. Il fera de son désert un Gan Eden et de sa plaine, un jardin d'Hachem ! On y trouvera de la joie et du bonheur, des actions de grâce et le son des cantiques. » (Isaïe, 51-3)
Liens entre la Haftara et la Paracha
Bien que cette Paracha ait été choisie principalement en raison de ses versets de consolation très émouvants adressés au peuple Juif, il est possible d’identifier des liens avec la Paracha Ekev.
En effet, un des fils conducteurs de la Haftara réside dans le retour des enfants d’Israël sur la terre qui leur a été promise par Hachem. Or, la Paracha Ekev évoque à de nombreuses reprises cette même thématique, à travers la conquête d’Erets Israël, les victoires sur les autres peuples, la fertilité de la terre, et la gratitude que nous devons témoigner à Hachem. De même, le second paragraphe du Chéma’ présent dans notre Paracha évoque les bénédictions sur la terre liées au respect des commandements de la Torah.
L’écho de la Haftara
Lorsqu'Hachem adresse des paroles de consolation à l’homme affligé, c’est bien souvent à travers les traits d’une mère bienveillante et affectueuse. Notre Haftara l’illustre parfaitement, notamment dans les premiers versets, où D.ieu indique au peuple Juif que de même qu’une mère ne peut pas abandonner ses enfants, ni tarir l’amour qu’elle éprouve pour eux, de même D.ieu n’abandonnera jamais Ses enfants. Mais le prophète va plus loin, en disant que même si on trouvait une mère qui pourrait abandonner ses enfants, Hachem, Lui, ne les abandonnera jamais « Gam Elé Tichkakhna, Véanokhi Lo Echkakhèkh » « Et même si elles peuvent oublier [leurs enfants], Moi Je ne les oublierai pas » (Isaïe, 48-15).
Les Sages du Talmud ont donné à ces versets une interprétation métaphorique bien connue (Traité Brakhot 32b). Ils nous invitent à y voir un message d’espoir envoyé au peuple Juif de ne jamais désespérer de son salut, quel que furent ses fautes. Et même s’il n’y a pas d’oubli devant l’Eternel, Il a la faculté d’occulter certaines réalités pour préserver Ses enfants.
Aussi, le terme « Elé » désigne-t-il dans le verset mentionné plus haut la faute du veau d’or, lorsque les Bné Israël se sont exclamés à la vue du veau « Elé Elokékha Israël » « Voici tes dieux Israël », et D.ieu de nous dire à travers Isaïe qu’Il pourra oublier cet épisode dramatique incarné par ce terme « Elé » « J’oublierai ce "Elé" ».
Mais, alors, si D.ieu peut oublier certaines choses, peut-Il oublier Ses promesses de salut à notre endroit ? Non, Il ne les oubliera pas, et nos Sages nous enseignent que « Anokhi Lo Echkakhèkh » signifie « Je n’oublierai pas le "Anokhi" [qui introduit les 10 commandements « Anokhi Hachem Elokékha »] ».
C’est ainsi que la promesse de consolation contenue dans notre Haftara s’appuie notamment sur la possibilité que nos fautes soient effacées, grâce à un repentir sincère, mais aussi sur la promesse que nos bénédictions et notre relation privilégiée avec Hachem perdureront toujours.
Par ailleurs, nous pouvons voir dans notre Paracha une exhortation faite à l’homme à utiliser ses sens, notamment la vue et l’audition, au service de sa spiritualité afin d’élever sa vie matérielle.
Nous avions noté la semaine dernière que l’homme était invité à élever ses yeux vers les Ciel « Séou Marom Enékhèm » « Levez vos yeux en haut ». Cette semaine, voyons à nouveau une phrase similaire « Séi Saviv Enayikh Ouré » « Levez vos yeux autour et voyez ». A nouveau, Isaïe nous exhorte à lever les yeux, c’est-à-dire à savoir porter notre regard au-delà du donné immédiat du matériel et du monde qui nous entoure pour donner un sens nouveau aux événements. L’homme est invité à ne pas se contenter de ce que ses sens perçoivent spontanément mais à essayer de trouver dans chaque situation la trace du divin et une signification spirituelle. Ce n’est que lorsque l’homme lève ses yeux qu’il peut vraiment « voir » et comprendre le sens des évènements qu’il vit « Levez vos yeux et [uniquement après] vous verrez, vous comprendrez ».
Nous faisons tous l’expérience de la force d’inertie de la matérialité qui a tendance à nous aspirer dans ses problématiques, si bien que nous nous percevons comme étant « sous l’eau ». Notre tradition nous invite à faire le chemin inverse qui lui n’est pas naturel mais demande un effort, une démarche volontaire de la part de l’homme : lever la tête hors de l’eau, lever les yeux vers le ciel pour se rappeler que nous ne sommes pas seuls et que D.ieu est à nos côtés et nous appelle à jouer « le grand jeu de la vie » : dépasser le registre de la nature pour donner un sens spirituel à notre vie.
Dans la même direction, à côté de la vue, le prophète nous invite à faire un meilleur usage de notre capacité à entendre et à comprendre. En effet, en matière de spiritualité, l’homme semble être réticent à comprendre les mots pourtant simples que les Sages et les prophètes lui adressent. L’homme serait ainsi rassuré par un langage imagé, poétique, parfois abscons qui suppose d’être déchiffré, analysé, mais qui ne l’interpelle pas immédiatement. En revanche, si un prophète emploie une langage clair et direct, l’homme ferme ses oreilles, refuse d’entendre, voire se révolte.
Isaïe souligne avec force cette contradiction et cette inconséquence des hommes. « Hachem Elokim m’a gratifié d’un langage clair pour enseigner aux autres, sachant comment instruire ceux qui se languissent de la parole d’Hachem ». Et pourtant, en dépit de ses paroles claires et facilement compréhensibles, le peuple vouera le prophète aux humiliations et aux railleries, non pas car il ne les comprenait pas, mais plutôt parce qu’il ne voulait pas entendre.
Mais, ni Hachem, ni Son envoyé, Isaïe, ne se découragent. L’Eternel ne désespère jamais de Son peuple, et continue de l’interpeler pour qu’il ouvre ses oreilles et ses yeux à Son appel, qu’il coincide enfin avec sa vocation spirituelle et qu’il se rattache avec la source de sa Néchama (son âme).
« Ecoutez-moi vous qui poursuivez la justice et qui recherchez Hachem : Regardez le rocher à partir duquel vous avez été taillés… ». C’est encore à travers ces deux sens, l’audition et la vue, que D.ieu s’adresse à l’homme et c'est eux lui permettront de retrouver le chemin de la Téchouva et de la consolation définitive.
Celle-ci permettra à l’homme de goûter une félicité éternelle telle qu’il ne l’a jamais connue et une joie sous toutes ces nuances. « Hachem réconfortera Tsion. Il réconfortera toutes ses ruines. Il fera de son désert un Gan Eden, et de sa plaine, un jardin d'Hachem ! On y trouvera de la joie et du bonheur, des actions de grâce et le son des cantiques. » (Isaïe, 51-3)