Dans la parachat Ekev (7, 14) il est écrit : בָּרוּךְ תִּהְיֶה מִכָּל הָעַמִּים: לֹא יִהְיֶה בְךָ עָקָר וַעֲקָרָה וּבִבְהֶמְתֶּךָ (Tu seras béni entre tous les peuples, parmi toi comme parmi tes bêtes, nul ne sera stérile)
Le Midrach donne à ce verset l’interprétation suivante : « Parmi toi comme parmi tes bêtes [béhémtékha] » – même tes charretiers [bahamin] seront sages et intelligents, et sauront répondre aux arguments de l’incrédule (Dévarim Rabba 3, 8).
On raconte qu’à l’époque de Rav Yonathan Eibeshitz, qui était souvent invité à débattre contre les représentants de l’Eglise sur le bien-fondé du judaïsme, un curé avait un jour déclaré au roi et à sa cour : « Certes, face à Rav Yonathan, nous ne parvenons guère à faire valoir nos arguments. Mais ceci est seulement dû à sa grande sagacité et nullement à la justesse de ses réponses. Mais je suis certain que si l’on m’amenait un Juif ordinaire, je serais capable de le convaincre de la supériorité de la foi chrétienne. »
Le roi accepta de relever le défi et, après avoir fait appeler Rav Yonathan, il proposa qu’on oppose au curé le premier Juif qui passerait devant le palais royal. Un charretier juif vint à passer par là, il fut aussitôt arrêté par la garde royale et conduit dans la salle du trône.
Le curé lui dit alors : « Je suis prêt à t’offrir une bourse pleine d’or, à t’assurer une subsistance pour le restant de tes jours et même à te garantir que tu auras droit au monde futur, à condition que tu acceptes de renier ta foi. »
Le roi somma le charretier de répondre ce que bon lui semblait. Ce dernier, encouragé par la présence du Rav, répondit ainsi : « Je ne suis guère cultivé pour argumenter face au curé. Cependant, je peux lui répondre d’après les notions que mon métier m’a apprises. Mon père, de mémoire bénie, était lui-même charretier et peu avant son décès, il me laissa quelques recommandations. Il m’apprit ainsi que si quelqu’un venait un jour me proposer d’échanger mon cheval contre le sien, en m’offrant de surcroît une belle somme d’argent, je devrais refuser. Il m’expliqua que si cet homme était prêt à me céder son cheval et à m’offrir en plus de l’argent, c’est une preuve formelle que sa bête souffre d’un mal indécelable. Il n’y a donc aucun doute qu’elle ne tardera pas à mourir entre mes mains.
La proposition du curé me paraît assez similaire : si le monde futur des Chrétiens est si doré, pourquoi me suggère-t-il d’y adhérer en me proposant en plus de l’argent et une source de revenu pour le restant de mes jours ? A mes yeux, c’est bien la preuve que le monde futur des Chrétiens souffre d’une « maladie incurable », et c’est pour cette raison que le curé cherche à me faire renoncer au monde futur des Juifs. »
En entendant cette réponse, le curé blêmit pendant que le roi et les princes s’esclaffèrent. Le roi fit raccompagner le charretier juif en lui offrant de beaux présents.
C’est en ce sens qu’il est dit dans le Midrach : « Même tes charretiers seront sages et intelligents », car même le plus simple des Juifs saura rétorquer aux arguments les plus retors (histoire racontée par le Rav Ovadia Yossef, de mémoire bénie).