Shlomo est perdu dans les steppes de Russie. Au bout de longues heures de marche, il finit par atteindre un village, et identifie immédiatement la synagogue. A peine-entre-t-il dans la synagogue qu’il s’effondre, épuisé par son voyage. Le Rabbi s’approche de lui, et lui prodigue ses meilleurs soins afin de le rétablir. Au bout d’une certain temps, le Rabbi propose à Sholomo un cheval afin de rentrer chez lui. Shlomo accepte avec plaisir, et le Rabbi lui précise : on l’a appelé « le cheval de Yitro . En effet, pour avancer il faut lui dire « Barouch Hashem » et pour s’arrêter « Amen ».
Heureux, Shlemo, prend la route vers sa demeure avec « le cheval de Yitro », il lui crie « Baroukh Hashem’ et le cheval démarre, puis Shelomo répète afin que le cheval accélère et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il galope franchement.
Soudain, un obstacle se dresse devant eux et « Shelomo s’écrie « Oh la ! Stop ! Stop ! » mais le cheval ne ralentit pas. Il parvient à éviter de justesse l’obstacle et commence à pâlir devant la vitesse du cheval qu’il ne parvient pas à faire ralentir. Soudain, il se souvient du conseil du propriétaire. Il crie « Amen » et le cheval s’immobilise. Soulagé, Shelomo s’exclame « Baroukh Hashem ! »
La paracha de la semaine est particulièrement solennelle dans la mesure où nous assistons à un évènement majeur de l’histoire du peuple juif : le don de la Torah, et notamment les fameuses dix paroles transmises par D.ieu d’abord directement au peuple, puis par l’intermédiaire de Moché Rabénou. Cette étape est, comme chacun sait, essentielle, dans la constitution du peuple Juif et dans sa relation privilégiée avec D.ieu.
En effet, jusqu’à présent l’aventure du peuple hébreu s’était confondue avec l’histoire d’une famille que nous avons suivie dans le livre de la Genèse. La proximité avec Hachem des premières générations, les Patriarches, était liée notamment à leurs qualités spirituelles exceptionnelles qui leur permettaient même une perception quasi-instinctive des mitsvot. Toutefois la Torah en tant que corpus de « commandements » et de prescriptions destinés à l’ensemble de peuple n’avait pas encore été révélée au peuple. C’est uniquement lorsque les Bnei Israël devenus un peuple nombreux accèdent à la liberté qu’elle leur sera donnée.
C’est ainsi qu’à la veille de recevoir la Torah, et après avoir vécu une série de miracles inouïs, le peuple vit une élévation spirituelle très forte, et comme le remarque Rachi, cette élévation se perçoit même dans l’harmonie exceptionnelle qui prévaut au sein du peuple :
Israël y campa (ch.19, v.2): Comme un seul homme, d’un seul cœur [d’où l’emploi du singulier], tandis que les autres étapes ont eu lieu dans des récriminations et des querelles (Mekhilta).
Rachi s’appuie sur une modification grammaticale du texte pour livrer son interprétation. En effet, le verset est rédigé de la manière suivante « Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï et y campèrent, Israël y campa en face de la montagne ». Le texte commence donc au pluriel puis passe au singulier. Rachi en déduit donc que les oppositions qui pouvaient apparaître au sein du peuple auparavant avaient cessé à la veille de recevoir la Torah et désormais le peuple vibrait à l’unisson “comme un seul homme d’un seul coeur”. L’unité semble donc être la condition préalable au don de la Torah, sa condition de possibilité. Et c’est précisément grâce à cette harmonie que les enfants d’Israël se sont montrés dignes de recevoir la Torah.
Il s’agit d’une leçon fondamentale qui nous est donnée et qui mérite d’être profondément méditée car, même si elle peut paraître évidente, la nature humaine a parfois tendance à l’oublier aidée en ce sens par le Yetser hara’ qui donne à l’homme beaucoup de « bonnes raisons » pour, D. ieu préserve, s’opposer les uns aux autres. Comme nous l’avons vu à propos des élèves de Rabbi Akiva dont l’élévation spirituelle était très forte et qui pourtant « ne se témoignaient pas assez de respect les uns vis-à-vis des autres » (Yevamot 62b), nul n’est exempt de ce risque, et parvenir à vivre dans la concorde avec autrui est probablement le travail permanent de toute une vie et doit être l’objet de nos tefilots, car il faut beaucoup d’aide du ciel pour y voir clair et éviter les écueils des conflits.
Pour y parvenir, il faut également essayer de ressentir au plus profond de soi, les paroles de nos Sages qui nous disent qu’aux yeux d’Hachem, le peuple juif est semblable à ses enfants ; et de la même manière qu’un père ne souhaite pas voir ses enfants se disputer, de la même manière D.ieu ne souhaite pas voir le peuple Juif en dissension. Là-encore, il faut s’efforcer de ne pas comprendre seulement intellectuellement ces paroles de nos Sages mais les ressentir avec notre cœur. Nous devons percevoir le peuple Juif comme une seule famille, un seul être dont l’harmonie collective profite à chacun.
Voilà pourquoi, la relation à autrui est une partie intégrante de notre Avodat Hachem (service), et ce n’est pas un hasard si les les 10 paroles que nous allons relire ce chabat se divisent en une moitié concernant notre relation à D.ieu et une autre moitié concernant notre relation aux hommes. Il s’agit d’une invitation à comprendre que la meilleure manière d’incarner la Torah c’est non seulement la pratique des mitsvots mais aussi la rectitude, et la bonté vis-à-vis des hommes.
C’est ainsi que la Torah accorde une importance capitale au fait de « juger son prochain favorablement » « lekaf ze’hout ». Nos Sages nous disent qu’il s’agit d’une mitsva dont le salaire est immense, à la fois dans ce monde et dans le monde futur, et qui permet à l’homme qui « juge favorablement son prochain » d’être jugé à son tour favorablement par D.ieu.
Finalement, il faut voir dans le visage d’autrui le visage de son frère, au sens propre du terme, même si nous n’avons pas le sentiment que lui-même nous perçoive comme son frère et là commence peut-être la difficulté.
En effet, face à des personnalités que nous percevons comme « difficiles », nous nous sentons parfois dispensés d’être vertueux. Or, notre véritable « avodat Hachem » « service divin » commence précisément dans de telles situations où nous agissons avec un esprit de concorde uniquement pour respecter la volonté de D.ieu. Cela n’est bien sûr facile pour personne, sauf pour quelques être d’élite dont il faut s’inspirer, mais il ne faut avoir aucun doute que tout effort dans cette direction amène l’homme à une élévation considérable.
Rappelons-nous à ce sujet les mots du Talmud (Traité Chabat, 88b) : « Ceux qu’on insulte et qui n’insultent pas, qui entendent leur honte et ne répondent pas, qui agissent par amour et sont heureux dans leur malheur, le verset dit à leur propos « Mais ceux qui L’aiment seront semblables au soleil qui avance dans sa gloire ». Effectivement celui qui arrive à se défaire des rivalités humaines, pour ne percevoir dans la relation à autrui que ce que D.ieu attend de lui, celui-là atteint non seulement un apaisement de l’âme et de l’esprit prodigieux, mais aussi et surtout une très forte proximité avec Hachem. A l’image du soleil, il diffuse autour de lui une lumière profonde, sur laquelle le Yetser Hara’ n’a pas de prise, et qui participe à l’harmonie du monde.
David et Samuel ont étudié ensemble pendant 20 ans. A l’approche de la Bar Mitsva de son fils, David donne une invitation à Samuel qui la décline immédiatement.
« Comment ça tu ne viens pas ? »
« Je ne peux pas ! »
« Mais je tiens absolument à ce que tu sois là ! »
« Ecoute, tu ne comprends pas ! Je ne suis pas juif, je ne peux plus jouer la comédie plus longtemps. »
« Mais, comment ça, tu plaisantes ! Cela fait 20 ans qu’on étudie ensemble ! Tous ces shabat passés ensemble ! »
« C’était uniquement pour la stimulation intellectuelle ! »
« Mais, enfin, on a étudié qu’un goy n’avait pas le droit de faire Shabat ! et toi tu as toujours respecté Shabat !»
« C’est ce que tu crois, mais je prenais toujours une clef dans ma poche en sortant. »
« Mais, c’est normal on a un erouv ici. Tu n’as rien transgressé. »
« Ah, ce érouv ! Chez nous, on n’a pas l’habitude de s’appuyer sur un erouv pour s’autoriser à porter ! »