La Parachat Pékoudé est la dernière Paracha du Livre de Chémot. Dans le dernier verset, la Torah raconte : « Car la nuée d’Hachem était sur le Michkan le jour, et le feu y était la nuit, aux yeux de toute la maison d’Israël dans tous leurs déplacements. »[1] Quand elle parle du peuple juif, la Torah n’utilise pas le terme plus courant, « Bné Israël » – enfants d’Israël – mais les appelle plutôt la « Maison d’Israël ». Une question évidente se pose. Pourquoi la Torah les appelle-t-elle la Maison d’Israël à ce stade ? D’autant que dans le dernier verset des Livres de Vayikra et de Bamidbar, le peuple juif est appelé « Bné Israël ».
Le Rav Na’houm Lansky, l’un des Raché Yéchiva de Ner Israël, propose une réponse intéressante.[2] Il compare la fin du Séfer Chémot à son début. Comment commence le Séfer Chémot ? « Et voici les noms des enfants d’Israël qui étaient venus en Égypte avec Ya'akov, chaque homme et sa maison (Béto) sont venus. »[3] On introduit le Séfer en parlant de la maison d’un individu et l’on termine par l’idée de « Maison d’Israël ». Le Rav Lansky explique que le Livre de Chémot traite de la genèse du peuple juif. C’est là que nous sommes devenus une nation. Cependant, la nation juive n’est pas simplement un conglomérat de millions de personnes. Le peuple juif est une « nation de familles » et c’est ce qui fait de nous un véritable « 'Am ». C’est le foyer qui forge le peuple. Ainsi, en commençant par parler de la maison juive et en terminant par la nation juive surnommée « Maison d’Israël », la Torah nous apprend que le fondement de notre nation est la famille.
Le concept de « Bayit » revient de nombreuses fois dans le Livre de Chémot. Par exemple, à propos de la Mitsva de Korban Pessa'h, la Torah enseigne : « Ils prendront un agneau par maison paternelle, un agneau par ménage. »[4] L’accent est mis sur le fait que le Korban Pessa'h doit être accompli par la famille en tant que partie intégrante de la nation. Là aussi, la Torah montre que la formation de la nation juive se fait famille par famille. Sans foyers solides, la nation ne peut pas « fonctionner » correctement.
Ce message est très pertinent pour le monde contemporain, avec l’effondrement des valeurs religieuses dans la société. Le concept de « famille nucléaire » est passé aux oubliettes dans de nombreuses communautés non juives et laïques, et souvent, les résultats sont désastreux pour la société dans son ensemble. Il est bien connu que les communautés où l’unité familiale est forte ont beaucoup plus de succès dans de nombreux domaines. En revanche, dans les endroits et les groupes où l’unité familiale est faible et où les familles monoparentales sont courantes, les taux de criminalité, de toxicomanie et d’autres comportements négatifs sont beaucoup plus élevés, l’éducation y est ébranlée et la réussite générale connaît un taux bien plus faible. Ainsi, pour le monde extérieur, le message du Rav Lansky est d’une grande importance, mais est-il pertinent aussi pour les personnes qui ont la chance de vivre une vie de Torah ?
En réalité, il ne suffit pas de se marier et d’avoir des enfants pour créer un foyer. Il ne suffit pas d’une unité familiale ; il est essentiel de veiller à ce que cette unité se développe et réussisse, car sans cela, ses membres ne seront pas en mesure d’être productifs dans l’ensemble de la communauté.
Le Rav Chimchon Raphaël Hirsch développe cette idée quand il détaille les lois à propos des personnes devant aller en guerre. La Halakha dispense un jeune marié de partir à la guerre pendant sa première année de mariage afin de se réjouir avec sa femme[5]. En général, s’il y a le choix entre l’accomplissement d’une Mitsva qui incombe au public (Mitsva Dérabim) et l’accomplissement d’une Mitsva privée, c’est la Mitsva publique qui prime. Alors pourquoi le fait de se réjouir avec sa femme pendant la première année de mariage a-t-il priorité sur la Mitsva d’aller au combat avec le reste du peuple ? Rav Hirsch explique qu’en restant à la maison pendant sa « Chana Richona », le jeune marié œuvre à la construction forte de sa relation avec son épouse, ce qui est le fondement d’un foyer juif, qui, à son tour, représente le fondement de la société juive. Par conséquent, le fait de travailler sur sa relation de couple est considéré comme une Mitsva publique puisque cela affecte directement la nation. Nous ne sommes un peuple que parce que nous sommes un ensemble de foyers solides.
Nous connaissons de nombreuses histoires de grandes personnalités de la Torah qui firent des choses incroyables pour le Klal Israël et qui, en même temps, n’oublièrent jamais que leur priorité était la famille, leur famille. En consacrant leur temps précieux à leur famille, ils ne négligèrent pas le Klal Israël. Au contraire, ils aidèrent la nation en renforçant ses fondations.
[1] Chémot (40,38).
[2] Rapporté par Rav Issakhar Frand.
[3] Chémot (1,1).
[4] Chémot (12,3).
[5] Cela s’applique à une guerre de Réchout.