Au début du Séder de la nuit de Pessa’h, nous relatons - en lisant le texte de la Haggada - les réactions si différentes des quatre fils eux-mêmes attablés pour lire le récit de la Sortie d’Égypte : le 'ha'ham (le fils sage et bon), le racha (le méchant qui se rebelle), le tam (le fils simple), et le cheeyno yodéa lichol (celui qui ne sait même pas quoi demander)...
Or en fait, la Paracha de cette semaine "Bo" évoque la question posée par le méchant : « Que signifie donc pour vous ce rite ? », (Chemot, 12, 26).
La réponse de la Haggada à ce fils rebelle ne tarde pas : « C'est dans cette vue que l'Éternel a agi en ma faveur, quand je sortis de l'Égypte », (Idem 13, 8). Et le commentateur Rachi d’ajouter : « L'Éternel a agi en ma faveur [est une] allusion à la réponse à donner au fils méchant : ‘Hachem me l’a fait à moi, mais pas à toi ! Car si tu avais été là-bas, tu n’aurais pas mérité d’être sauvé… ».
Le 'ha'ham demande quant à lui : « Que sont ces statuts, ces lois et ces règlements, que l'Éternel, notre D.ieu, vous a imposés ? », (Dévarim, 6, 20). Voilà pourquoi il a droit, lui spécifiquement, à une réponse très « intellectuelle »… Car la véritable question qui s'impose ici consiste à se demander en quoi la question du racha diffère-t-elle de celle du 'ha'ham, au point de lui asséner à lui aussi une réponse aussi brutale ?
À ce propos, le Maguid de Doubno nous raconte la parabole suivante…
Deux invités pénétrèrent dans une riche demeure et ils aperçurent aussitôt un valet qui écorchait les murs à l’aide d’un stylet… Le premier s’approcha de lui et lui demanda pour quelle raison son maître lui avait ainsi donné l’ordre de commettre cet acte de vandalisme. Quant au second invité, il demanda carrément au valet pourquoi il avait décidé lui-même de causer une telle détérioration à la maison de son maître.
En fait - ici comme dans la Haggada - la nette dissemblance entre ces deux questions a pour origine le caractère personnel très opposé des deux invités.
Le premier est de nature très soumise : il ne peut donc pas du tout imaginer un instant qu’un tel saccage soit le fruit d’une initiative « personnelle ». Cela ne pourrait venir que d’un ordre du maître et il ne reste en somme qu’à s’enquérir de la raison de cet ordre…
Par contre, le second invité a une nature insubordonnée : il n’est jamais prêt à recevoir les directives de quiconque ! Si bien qu’en découvrant cette dégradation des murs, il ne peut que concevoir qu’il s’agit bel et bien là d’un acte rebelle et de saccage…
De la même manière, le fils ‘ha’ham est soumis au Joug divin et il demande donc ce que signifie vraiment ce « rite » que D.ieu nous a imposé au premier soir de la fête de Pessa'h.
Par contre, le fils racha n’en fait toujours qu’à sa tête et refuse toute obéissance. Cet indiscipliné par nature s’exclame alors : « Que signifie pour vous ce rite ? ». Et l’on comprend bien que la formulation même de sa question exclut donc toute soumission ou crainte envers D.ieu… Voilà pourquoi nous lui rétorquons que s’il s’était trouvé lui-même là-bas, il n’aurait pas mérité d’être sauvé de l’esclavage égyptien !