La Paracha de cette semaine est tirée du livre des Juges. L’époque des Juges est marquée par un déclin spirituel du peuple juif qui, influencé par les nations environnantes, se laissait parfois séduire par des cultes idolâtres.

Cette mauvaise conduite du peuple va amener Hachem à le punir par l’intermédiaire d’ennemis qui se dressaient contre les Juifs et les opprimaient. Confrontés à cette oppression, le peuple se repentait alors de sa mauvaise conduite et suppliait Hachem de les délivrer de la férule de leurs oppresseurs.

C’est alors qu’Hachem envoya des Juges pour diriger le peuple et le mener vers la bonne voie. Les premiers Juges s’appellent ainsi Otniel, Chamgar, ou encore Ehoud. Mais le peuple va retomber dans l’idolâtrie et un nouvel ennemi se dressera alors contre le peuple juif : le roi cananéen Yavine et son chef d’état-major Sissera.

Ces derniers imposèrent une oppression terrible au peuple juif à la fois physique et spirituelle. Se rendant compte que son infidélité à Hachem était responsable de cette oppression, le peuple va se repentir une nouvelle fois de son mauvais comportement et supplier Hachem de le délivrer de la main de son oppresseur.

A cette même époque, une femme exceptionnelle vivait au sein du peuple juif. Elle était issue de la famille de Naftali et s’appelait Déborah. Elle était elle-même Juge et siégeait, nous dit-on, sous un palmier, le fameux « palmier de Déborah ». Son élévation spirituelle va également l’amener à devenir prophétesse. Elle fait ainsi partie des sept prophétesses que compte le peuple juif.

Déborah va se rendre près de Barak et l’exhorter à prendre les armes pour combattre leur ennemi cananéen, l’assurant que D.ieu lui donnerait une victoire miraculeuse. Et de fait, alors que les troupes d’Israël s’avançaient vers le camp ennemi réputé pour sa cruauté et sa grande violence, Hachem va susciter une grande confusion au sein de l’armée cananéenne, et parallèlement, la montée des crues du fleuve Kishon va engloutir l’armée de Sissera. Ce dernier va s’enfuir et trouvera refuge au sein du camp de Héver, dans la tente de Yaël. Celle-ci l’avait attiré effectivement dans sa tente par un subterfuge afin de le tuer.

Dans ce contexte, notre Haftara nous présente le chant entonné par Déborah et Barack (appelé également Lapidot, dont nos Sages nous disent qu’il était en fait le mari de Déborah) afin de remercier Hachem de ses miracles et d’avoir libéré miraculeusement le peuple des mains de Yavine et de Sissera.
 

Liens entre la Haftara et la Paracha

De nombreux parallèles peuvent être dressés entre la Paracha et la Haftara.

Le premier d’entre eux est évidemment lié à la grandeur des chants de louanges et de remerciements à Hachem. La Paracha nous présente ainsi le chant entonné par Moché Rabbénou et le peuple au bord de la mer des Joncs (Yam Souf) après le miracle de son ouverture. La Haftara, pour sa part, nous présente le chant entonné par Déborah et Barack à l’issue de la victoire miraculeuse contre Sissera.

D’autres points communs peuvent être relevés entre nos deux textes. Dans les deux cas, les ennemis du peuple juif ont été vaincus par l’eau : la mère de Yam Souf dans la Paracha et le fleuve Kishon dans la Haftara. Dans les deux événements, le peuple est en proie à un ennemi qui se caractérise par son refus de reconnaître l’autorité de D.ieu dans le monde : Pharaon d’une part, Sissera d’autre part. De même, dans nos deux textes, nous constatons que D.ieu a miraculeusement « perturbé » le camp ennemi.

Enfin, la Paracha évoque la guerre contre Amalek à sa conclusion, et Déborah y fait également allusion dans son chant à travers la victoire de Yéhochoua.
 

L’écho de la Haftara

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le mari de Déborah se nomme Lapidot. En réalité, ce nom n’est pas véritablement le prénom d’origine du mari de Déborah, mais simplement un surnom qui lui a été donné en raison d’un événement particulier auquel il a participé.

Nos Sages nous disent qu’à l’origine, le mari de Déborah n’était pas érudit en Torah mais désirait ardemment le devenir et améliorer son service d’Hachem. Par conséquent, Déborah lui proposa de porter au sanctuaire de Chilo des mèches épaisses afin de permettre aux prêtres d’allumer le sanctuaire, qui lui-même diffuse une lumière spirituelle auprès de l’ensemble du peuple.

Déborah et Barack attachèrent une importance particulière à amener eux-mêmes ces mèches régulièrement au sanctuaire. Cet engagement amena ainsi le mari de Deborah à s’y rendre régulièrement. Il put ainsi s’imprégner de l’atmosphère de sainteté qui y régnait et qui a irradié sur sa personnalité, pourrait-on dire. Il s’est mis progressivement à étudier davantage la Torah pour finir par acquérir une grande stature spirituelle. En se mettant au service des prêtres et de tous ceux qui servaient le sanctuaire de Chilo, le mari de Déborah a ainsi pu acquérir lui-même un grand mérite spirituel.

Cette première anecdote peut être mise également en parallèle d’un autre point évoqué par notre Haftara. Nous savons que les soldats qui se sont joints à l’effort de guerre étaient issus des tribus de Naftali et d’Issakhar qui fournirent ainsi près de 10 000 hommes.

Nos Sages nous enseignent que ces deux tribus ont été choisies car elles s’étaient illustrées dans le passé par des mérites spécifiques.

Lorsque Yaakov devenait être enterré dans la caverne de Makhpéla, notre tradition nous enseigne qu’Essav était également présent et s’opposait à cet enterrement. Il arguait ainsi que la place lui appartenait. Naftali eut alors la présence d’esprit de dire à ses frères qu’il se souvenait de l’endroit où son père avait conservé l’acte de propriété de cette caverne et, joignant le geste à la parole, il se mit en chemin immédiatement pour aller chercher en Egypte cet acte de propriété et le ramener à la caverne de Makhpéla. Naftali était effectivement connu pour sa grande rapidité. Lorsqu’il revint toutefois, ‘Houchim, le fils de Dan, qui était sourd et ne supportait pas cet ultime affront fait à son grand-père, avait déjà tué Essav et permis l’enterrement de Yaakov.

Zévouloun est connu, pour sa part, pour avoir subvenu aux besoins de son frère Issakhar, et lui avoir permis de se consacrer à l’étude de la Torah durant toute sa vie.

Tous ces éléments mis en lumière par notre Haftara soulignent la grandeur de certains actes matériels lorsqu’ils sont orientés vers un objectif spirituel. En effet, en matière de spiritualité, un écueil fréquent consiste à penser que seule la réflexion, la prière, la méditation représentent des actes spirituels élevés et témoignent d’une haute élévation d’esprit. L’exemple du mari de Déborah qui a acquis sa grandeur spirituelle en se mettant au service des prêtres, ou encore les mérites qu’ont acquis Naftali et Zévouloun grâce aux efforts matériels qu’ils ont mis en œuvre dans un objectif spirituel, nous montrent bien que l’acte et la capacité à agir d’un homme façonnent son être et influent sur sa grandeur spirituelle. Nous savons bien dans la Torah combien les Mitsvot et les actes de bonté et de générosité sont importants et même essentiels au Service divin.

Une réflexion, une étude qui serait déconnectée d’actes n’aurait aucun sens dans la Torah. Les Pirké Avot l’ont énoncé clairement : « Celui dont les actes sont supérieurs à la connaissance, sa connaissance durera ; en revanche, si sa connaissance est supérieure à ses actes,  sa connaissance ne durera pas ».

Enfin, puisque cette année, ce Chabbath coïncide pleinement avec Tou Bichevat, le nouvel an des arbres, il nous semble opportun de noter un autre parallèle entre la Paracha, la Haftara et Tou Bichevat.

En effet, nos textes évoquent tous deux la présence de palmiers. La Paracha d’une part mentionne l’arrivée des enfants d’Israël à Elim où se trouvaient 12 sources d’eau et 70 palmiers, et la Haftara, d’autre part, évoque la personnalité de Déborah connue pour avoir rendu la justice sous un palmier. Cet arbre a une présence rassurante : il témoigne tout d’abord d’un environnement clément, de la proximité de sources d’eau auprès desquelles il puise les éléments nécessaires à sa croissance, mais aussi à la survie des hommes. La présence de Déborah, près d’un palmier, souligne précisément qu’elle siégeait en public, près des hommes et qu’elle n’était pas retirée en ermite loin de la civilisation.

La fête de Tou Bichevat nous rappelle également qu’il est possible de dresser un parallèle entre l’arbre et l’homme : chacun a ses racines, ses branches et ses fruits, symbolisés notamment par les descendants d’un homme, mais aussi les enseignements et les bonnes actions qu’il laisse derrière lui et qui sont susceptibles de fructifier.

L’eau est comparée également à la Torah. Nous pourrions ainsi dire que, aussi vrai que le palmier a besoin d’eau pour vivre, l’homme a besoin de la Torah pour exister.

Nos Sages voient également dans le palmier une symbolique supplémentaire. Dans le Talmud (Méguila 14a), nos Maîtres nous enseignent que le palmier a ceci de spécifique qu’il concentre toute sa sève dans son tronc, contrairement aux autres arbres où la sève irrigue également les branches. Nos Sages veulent voir dans cet arbre le symbole de la fidélité au Maître du monde, au D.ieu unique. De même que la sève du palmier est concentrée dans son tronc, de même la sève de l’homme, son cœur, doit être orientée fidèlement vers le Maître du monde tout au long de sa vie. Voilà pourquoi, peut-être, le roi David compare le Tsadik au palmier : « Tsadik Katamar Yifra’h ».

Puisse Hachem nous donner le mérite de multiplier nos actes, l’application des Mitsvot tout comme la réalisation d’actes de bonté, et nous permettre de garder notre cœur fidèlement orienté vers Lui. Nous pourrons peut-être alors espérer faire partie des « amis d’Hachem » qu’évoque la fin de notre Haftara qui sont « comme le soleil qui décuple sa puissance ».