La Paracha de cette semaine nous introduit la personnalité de Yossef Hatsadik qui sera centrale jusqu’à la fin du livre de Béréchit.
Nous assistons aux évènements les plus difficiles de sa vie : sa vente comme esclave par ses frères, les accusations mensongères de la femme de Putiphar, le séjour en prison qui se prolonge jusqu’à la fin de notre Sidra.
Toutefois, en dépit des évènements extrêmement difficiles que Yossef vit, nous constatons qu’il ne sombre pas dans la révolte contre son sort, ni dans le désespoir.
La première attitude de Yossef face aux évènements de la vie qu’il ne comprend pas est de se taire. Durant la première moitié de la Paracha, nous trouvons un Yossef muet et presque passif, comme un pion que l’on déplace. Nous ne l’entendons pas protester contre ses frères, ni quand il est vendu comme esclave, ni dans la maison de Potiphar, ni lorsqu’il est envoyé en prison. Il reprend la parole toutefois à la fin de notre texte lorsqu’il propose à ses co-détenus d’interpréter leurs rêves.
Nous pouvons apprendre de ce premier point l’importance des vertus suivantes : la « Emouna » et le « Bita’hon », « la foi » et la « confiance en D.ieu ». Même dans les périodes d’adversité les plus fortes comme nous voyons ici, Yossef ne tombe pas dans le désespoir, et il ne remet pas en cause, D.ieu nous en préserve, sa confiance dans la providence divine. Il fait « le dos rond », il ne fait pas d’éclat, il ne se rebelle pas contre le destin, et il attend que la tempête passe. Et même, lorsque ces sentiments d’injustice, ou d’absence de sens, se répètent, il ne perd pas sa confiance inébranlable dans l’Eternel.
Il comprend ainsi probablement que la volonté de D.ieu est à l’œuvre, qu’elle emprunte des chemins particuliers, incompréhensibles aux yeux des hommes, mais qu’elle mène sans aucun doute à un avenir meilleur, plus lumineux.
Cette confiance de Yossef dans la providence divine lui permet également d’entretenir et maintenir une autre vertu précieuse : la confiance en soi.
En effet, nous constatons que les évènements tragiques qu’il a vécus n’ont altéré ni son intelligence, ni sa perspicacité, ni son sens de l’initiative. Aussi, tout ce qu’il entreprend est couronné de succès, aussi bien dans la maison de Putiphar que dans la prison, et plus tard auprès de Pharaon. Lui-même ne doute pas de ses capacités et accepte facilement les responsabilités qu’on lui donne ; il prend même parfois l’initiative en proposant spontanément à ses co-détenus d’interpréter leurs rêves.
Cette qualité de « confiance en soi » ne doit pas être assimilée à de l’orgueil injustifié ou une prétention vaine. Il s’agit simplement d’une juste appréciation des qualités et des dons dont l’Eternel nous a gratifiés. Chacun est titulaire de certaines qualités, certaines prédispositions, d’une sensibilité particulière qui sont destinées à nous permettre d’accomplir notre mission sur terre, et de jouer notre partition dans la symphonie globale de la création. Il est important de connaître ses qualités afin de les pouvoir les exploiter de manière appropriée, et ne pas passer à côté de sa vocation, en raison d’une humilité déplacée.
EN effet, occulter une qualité que l’on possède ne relève pas de la modestie, mais d’un mensonge que l’on se fait à soi-même et d’une ingratitude face aux cadeaux qu’Hachem nous a faits. Les plus grands sages de la Torah étaient éminemment modestes mais ils ne rejetaient pas leurs connaissances en Torah, et ils assumaient pleinement leur rôle de « décisionnaire » ou de « leader ».
Aussi, nos Sages nous recommandent de placer dans chacune de nos poches deux papiers : le premier où serait inscrit « Ani ‘Afar Vaéfèr » « Je suis cendre et poussière » et le deuxième qui indiquerait « Bichvili Nivra Ha’olam » « le monde a été créé pour moi ».
Notre tradition nous invite ainsi à appréhender dans le même mouvement d’une part la petitesse de l’homme, ses capacités limitées, sa dépendance vis-à-vis de l’Eternel ; et, d’autre part, son éminente dignité au point que chacun d’entre nous justifie la création du monde ! Nous sommes tous porteurs d’un trésor qu’Hachem nous a confié : il peut d’agir de capacités intellectuelles pour étudier, d’une grande sensibilité pour faire du ‘Hessed, aider son prochain etc. Notre vie justifie à cet égard, à elle-seule, la création du monde et l’aventure humaine !
Notre Paracha nous montre que cette vérité est si forte et si fondamentale qu’aucun évènement ne doit entamer notre sentiment profond de dignité, d’être les enfants d’Hachem qui veille sur chacun de nous. Cette confiance en soi est une richesse intérieure que personne ne peut nous enlever, à l’image de Yossef qui l’emmène avec lui, partout, dans les moments positifs et ceux qui le sont moins.
Nos Sages nous donnent une parabole pour illustrer ce principe. Un général très respecté a été accusé à tort d’un délit et jeté en prison. Au milieu de ses co-détenus, il semblait être un prisonnier standard. Mais chaque nuit, lorsque tout le monde dormait, il se levait, ouvrait un petit coffre et sortait son uniforme de général. Il le revêtait quelques instants et le remettait ensuite dans son petit coffre. Un jour, un détenu le surprit et l’interrogea le lendemain sur ce comportement qui se répétait tous les soirs. Il lui confia alors : « Avant d’être emprisonné, j’étais un général honorable et très respecté, j’avais une très belle image de moi. Chaque fois que je porte ces vêtements, je me souviens de cette époque, je réalise qui je suis vraiment ; et cela m’aide à garder une image positive de moi. »
Puissions-nous également préserver en toute circonstance notre conscience du lien privilégié que nous avons avec l’Eternel et qui constitue notre dignité ! Ce privilège est inaliénable, il est logé au plus profond de chacun d’entre nous, et il est la source de toute la lumière que nous sommes appelés à diffuser dans le monde !