« Parle aux enfants d’Israël, tu leur diras : " Un homme ou une femme qui se dissociera en faisant vœu de Nazir pour se rendre Nazir pour Hachem." » (Bamidbar 6,2)
La Paracha de cette semaine nous parle de la Mitsva de Sota qui est immédiatement suivie par celle du Nazir (un homme qui s’abstient de boire du vin, de se couper les cheveux et de se mettre en contact avec les morts). Rachi explique la juxtaposition des sujets, en citant la Guémara (Sota 2a). La Sota est une femme qui est suspectée d’agissements immoraux et qui doit subir un processus humiliant décrit dans la Torah. Souvent, le catalyseur de ce genre de comportement est l’ivresse. Par conséquent, celui qui voit ce qui arrive à la Sota décide, pour ne pas en venir à la même fin, de s’interdire le vin.
Une autre Guémara (Nazir 4b) raconte une histoire qui donne une raison différente au naziréat. Chim'on Hatsadik dit : « Toute ma vie, je n’ai jamais consommé le Korban Acham (offrande expiatoire) d’un Nazir, si ce n’est une seule fois (où j’étais sûr qu’il avait agi Léchem Chamaïm). Une fois, j’ai vu un Nazir venir du Sud (pour offrir son sacrifice à Jérusalem). Il était très beau et ses cheveux étaient très beaux. Je lui ai demandé : "Mon fils, qu’est-ce qui t’a poussé à couper tes cheveux (en fin de période de naziréat) ?" Il me dit : "J’étais berger et je suis allé puiser de l’eau pour mes brebis. J’ai alors vu mon reflet dans l’eau et mon Yétser Hara s’empara de moi et voulut me chasser du monde (à cause de l’orgueil). J’ai alors dit à mon propre Yétser Hara : ‘Tu es Racha. Pourquoi excites-tu tant ma beauté, vouée à se transformer un jour en poussière et en vers ? Je promets que je raserai mes cheveux pour l’honneur du Ciel.’" » Chiméon Hatsadik conclut : « Je me suis levé et je l’ai embrassé sur le front en lui disant : "Mon fils, que ceux qui font vœu de naziréat comme tu l’as fait se multiplient en Israël. C’est à propos de gens comme toi que le verset affirme : ‘Un homme ou une femme qui se dissociera en faisant vœu de Nazir pour se rendre Nazir pour Hachem.’ (Bamidbar 6,2)". »
Qu’est-ce qui a motivé le jeune homme à devenir Nazir ? Un sentiment d’arrogance engendré par ses beaux cheveux. Il décida alors d’entamer une période de naziréat – de faire pousser ses cheveux puis de les couper et d’offrir un sacrifice. Or, d’après nos Sages (référence citée par Rachi), un individu devient Nazir à cause de la Taava (luxure, désir de s’engager dans un comportement immoral) et non de la Gaava (orgueil). Comment comprendre cette « contradiction » ?
Le ’Hidouché Lev[1] note une divergence similaire à propos de la Mitsva de Sota, qui peut nous aider à répondre à la question sur le Nazir. Rachi[2] écrit, sur la base du Midrach, qu’une personne ne s’implique dans l’immoralité qu’à cause d’un Roua’h Chtout (esprit de folie). Les commentateurs estiment de cela fait référence à la Taava qui égare l’esprit de l’homme. Mais la Guémara donne une cause différente : Rabbi ’Hiya Bar Aba dit au nom de Rabbi Yo’hanan : "Tout homme arrogant (Gass Roua’h) finit par trébucher dans l’interdit de s’unir à une femme mariée". Là aussi, il semble y avoir une contradiction entre les causes du comportement immoral pouvant provoquer une situation de Sota. Est-ce la Taava ou la Gaava ?
Le ’Hidouché Lev répond que la cause directe de la faute de la Sota est la luxure, mais qu’au fond, l’origine de la lubricité est l’arrogance. En effet, quand une personne est arrogante, elle croit que tout lui revient, et par conséquent, elle est prête à tout, même à dépasser les limites, pour obtenir ce qu’elle pense mériter. Dans cet ordre d’idées, le ’Hidouché Lev cite un Midrach[3] qui raconte l’histoire d’un homme marié souhaitant agir immoralement avec une autre femme, mais dont les plans furent déjoués. On lui reprocha son arrogance ; en effet, la plupart des hommes mariés sont heureux, mais il avait été avide de jouir davantage et c’était à cause de son orgueil.
Le ’Hidouché Lev précise qu’un homme ne convoite que les choses qu’il pense mériter et qu’il pourrait recevoir. Ainsi, s’il n’était pas arrogant, il n’aurait pas voulu agir immoralement avec la femme d’un autre homme (car il estimerait ne pas mériter plus que ce qu’il a), comme c’est le cas de la plupart des hommes mariés.
La même idée s’applique au cas du Nazir. Les deux Guémarot semblent se contredire (l’une affirme qu’il devient Nazir à cause de la Taava et l’autre pense que cela provient d’un sentiment de Gaava). En réalité, les deux défauts entraînent la faute et un homme peut donc décider de devenir Nazir à cause de sa lubricité ou de son arrogance. Toutefois, selon le ’Hidouché Lev, la cause sous-jacente de sa convoitise est l’arrogance, car cette attitude le pousse à croire qu’il a droit à toutes sortes de plaisirs.
Pour s’éloigner de la faute, il convient donc de s’écarter tout d’abord de l’orgueil. En effet, si l’on s’efforce d’apprécier humblement ce que l’on a, on parviendra à s’attaquer à la cause profonde du comportement immoral.
[1] ’Hidouché Lev Nasso, p. 17 et 18.
[2] Bamidbar 5,12.
[3] Bamidbar Raba 9,3.