Dans la Parachat Bamidbar, le chef de la tribu de Gad est parfois appelé Eliassaf ben Réouel et parfois appelé Eliassaf ben Déouel. Le ’Hida explique ce phénomène, au nom du Imré Noam.
Moché Rabbénou fut enterré à Har Nevo dans le territoire de Gad. Le Imré Noam estime qu’il s’agit d’une récompense pour le silence de Gad. Les tribus étaient placées par groupes de trois, avec une tribu à la tête de chaque groupe. Dan était le fils aîné de Bilha, et dirigea l’un des groupes. Gad était le fils aîné de Zilpa, mais il ne fut pas nommé à la tête de son groupe. Il aurait pu s’en plaindre et vouloir, tout comme Dan, diriger un groupe. Mais il resta silencieux et accepta la situation avec équanimité. Il reçut deux récompenses pour son silence. Tout d’abord, Moché Rabbénou fut enterré dans son territoire. De plus, le chef de tribu, qui était Eliassaf ben Déouel devint Eliassaf ben Réouel. Le mot « Réouel » signifie « ami de D.ieu », qui est un nom très élogieux.
Cela nous apprend l’importance du silence, quand bien même il semblerait justifié de prendre la parole. En outre, cette explication nous montre à quel point le silence profite à la personne qui se tait, comme l’enseigne la Michna de Pirké Avot : « Je n’ai rien trouvé de mieux dans la vie que le silence. »[1] Le silence profite véritablement à la personne, et le Imré Noam nous montre comment.
Rav Issakhar Frand raconte l’histoire suivante à propos du Sdé ’Hémed. Ce dernier fut un génie qui écrivit une encyclopédie (intitulée « Sdé ’Hémed » – il fut surnommé au nom de son ouvrage) qui couvre des sujets de Halakha de tous genres, triés par ordre alphabétique. Cette œuvre incroyable montre le savoir gigantesque de son auteur.
Le Sdé ’Hémed raconta à sa famille que jeune homme, il n’était pas doté d’une mémoire spéciale ni de talents intellectuels particuliers. Un jour, il fit une chose qui l’éleva à un très haut niveau et lui donna des pouvoirs surhumains. Que s’est-il passé ?
Il étudiait dans un Collel et l’un de ses compagnons d’étude était jaloux de lui et voulut nuire à sa réputation. Une femme arabe faisait régulièrement le ménage dans la maison d’étude et le compagnon d’étude la soudoya pour qu’elle accuse le Sdé ’Hémed d’avoir agi immoralement à son égard. Elle accepta le soudoiement et lança l’accusation. Tout le monde la crut et le Sdé ’Hémed eut tellement honte qu’il dut quitter le Collel et s’enfuir. Le responsable du Collel refusa de croire la femme de ménage et la congédia, mais cela ne changea pas la situation du Sdé ’Hémed – sa réputation était déjà entachée.
Par la suite, l’argent du pot-de-vin s’étant épuisé et la femme de ménage n’ayant plus de quoi vivre, elle alla chez le Sdé ’Hémed et avoua son péché. Elle promit de dévoiler la vérité et demanda qu’en retour, le Sdé ’Hémed l’aide à retrouver son poste, parce qu’elle avait épuisé toutes ses économies.
Le Sdé ’Hémed raconta qu’il fut tenté d’accepter sa proposition et de rétablir sa réputation. Mais il réalisa ensuite que s’il revenait au Collel et que l’Arabe racontait toute la vérité, il y aurait alors un double ’Hilloul Hachem – le premier était l’accusation d’une liaison illicite avec la femme de ménage et le second serait la réputation honteuse du compagnon d’études qui s’était abaissé au point de soudoyer quelqu’un pour calomnier son camarade.
Il décida donc de ne pas accepter la proposition. Il se contenta d’aller chez le Roch Collel et de lui demander d’accepter le retour de la femme de ménage, à condition que celle-ci n’avoue rien et ne raconte pas l’histoire du pot-de-vin.
Le Sdé ’Hémed écrivit qu’après cet incident, il devint une personne complètement différente. À partir de ce jour, il put accomplir des prouesses intellectuelles. Imaginez qu’une personne soit capable, à elle seule, d’écrire toute une encyclopédie ! Ce fut l’exploit du Sdé ’Hémed. Par quel mérite ? Parce qu’il garda sa bouche close !
Ce fut également l’attribut de Eliassaf ben Réouel. Il se tut et mérita de ce fait une récompense éternelle ; le nom « ami de D.ieu » et l’enterrement de Moché Rabbénou dans son territoire en Erets Israël.
Comme c’est souvent le cas, ces personnes (prises en exemple) étaient à un niveau extrêmement élevé, mais nous pouvons tous – chacun à son niveau – apprendre cela des illustres personnages et nous efforcer de rester silencieux lorsque nous sommes tentés de parler. Cela peut être en entendant une insulte, en voulant nous défendre (mais avec le risque de causer des conséquences néfastes ou de transgresser l’interdit de Lachone Hara'). Quel que soit le cas, la Michna nous rappelle que le silence est toujours très bon et bénéfique à l’homme.
[1] Avot 1,17.