Le rav Ovadia était considéré comme un des plus grands, si ce n’était pas le plus grand, des décisionnaires hala’hiques. Au cours de sa vie, le rav a écrit plus de 40 livres de responsa sur la Hala’ha, et ses livres représentent le socle de toute discussion hala’hique et de toute « hala’ha tranchée »,appliquée dans l’ensemble du monde juif. Jusqu’à ses derniers jours, les questions les plus délicates et pointues posées dans les tribunaux rabbiniques étaient soumises au rav pour qu’il tranche lui-même. Lors de ses obsèques à Jérusalem, ses enfants et en particulier le nouveau Richon Lé-Tsion, rav Its’hak Yossef ont tous promis de perpétuer son enseignement et ses directives de décisionnaire.
Mais quelle était la spécificité de la « psika » du rav Ovadia Zatsal ?
Avant de connaître les arguments clés sur lesquels le rav za’’l se reposait pour trancher la hala’ha, il faut savoir que son approche était très influencée par la mission qu’il devait remplir. En effet, le rav avait une ardeur énorme pour l’étude de la Torah. Il étudiait tous les jours jusqu’à 2-3 h du matin, ne dormant que 4 h par jour, et chaque instant libre était consacré à l’étude. Le rav était prêt à arrêter son étude uniquement pour s’occuper du peuple d’Israël qu’il aimait. Il estimait qu’il fallait l’encourager à respecter scrupuleusement la Hala’ha, sans pour autant imposer des décrets que le public ne pourra pas accomplir. Le rav ressentait en lui la douleur et la difficulté de son prochain et cela s’est particulièrement remarqué dans les nombreux cas d’« Agounot » (femme mariée dont le mari a disparu) qu’il avait traités et résolus.
Son sentiment de mission n’était pas seulement sur la Hala’ha, mais aussi sur le judaïsme de chacun. Il répondait à chaque invitation pour des cours de Torah et en profitait pour encourager chacun à se consacrer à l’étude et à l’accomplissement des Mitsvot. Le rav qui était la tête spirituelle d’un parti politique puissant et influençant dans la politique israélienne, n’avait qu’un intérêt : pouvoir à travers son influence améliorer le judaïsme général en Israël, et développer les écoles religieuses dans tout Israël pour donner une éducation juive à chacun. Il aspirait également à pouvoir construire des synagogues, des mikvaot, et à permettre le développement des yéchivot. Conscient de l’importance de sa mission, le rav s’appuyait sur trois bases hala’hiques essentielles pour trancher :
1ère base : ‘’ koa’h déhétéra adif ‘’
Le rav s’appuyait sur ce principe que la Guémara appelle ‘’ koa’h déhétéra adif’’ (l’opinion de celui qui autorise est préférable). Il estimait que la Torah ne nous demande pas de chercher des raisons pour interdire, mais au contraire : elle veut trouver des raisons pour permettre. C’est pourquoi l’on compare la « psika » du rav à celle de Beth Hillel : la Hala’ha était souvent tranchée comme eux parce que leurs approches étaient de chercher tous les arguments pour permettre ou à défaut pour alléger l’interdit.
2ème base : Kibalnou daat maran
Rabbi Yossef Karo, auteur du Beth Yossef et Choul’han Arou’h, avait été accepté par les communautés de son époque comme le principal rav et décisionnaire d’Érets Israël. Le statut de Rabbi Yossef Karo est considéré comme celui du Mara déatra (le maître de l’endroit) que la Hala’ha oblige à suivre son opinion même si celle-ci est discutée par d’autres décisionnaires. Depuis la parution du Choul’han Arou’h, beaucoup d’opinions ont été écrites et au fil du temps, la Hala’ha n’a pas toujours été suivie selon le Choul’han Arou’h. Rav Ovadia a pris sur lui la défense de l’opinion du Choul’han Arou’h tout en argumentant et de répondre aux questions des poskim sur lui, et de rétablir de suivre la hala’ha comme lui, avec quelques règles de restrictions sur l’opinion du Choul’han Arou’h, restrictions reconnues depuis l’écriture du Choul’han Arou’h.
De plus, le rav Ovadia a mis en évidence l’opinion des poskim séfarades, car tous les livres du Choul’han Arou’h imprimés de l’époque étaient en provenance des pays ashkénazes, et tous les commentateurs n’avaient pas connaissance des opinions et même des coutumes séfarades, et donc il devait changer autour de lui beaucoup de hala’hot qui étaient basées sur les poskim ashkénazes, mais pas toujours en accord avec le Choul‘han Arou’h ou des poskim séfarades.
3ème base : trancher selon la majorité
Lorsqu’au Beth-Din (tribunal rabbinique) il y a plusieurs opinions pour trancher un problème, la Torah nous indique de suivre celle de la majorité. Le rav par sa connaissance phénoménale des poskim, regardait toutes les opinions au fil des années et leurs tendances et à travers cela il s’appuyait sur la majorité surtout si par son étude personnelle il était arrivé à la même conclusion. Cette particularité était unique à lui, car dans les 100 dernières années au moins, on ne trouve pas un rav d’une connaissance aussi vaste et enrichie dans les livres des Richonim et A’haronim et des Poskim.
Par le Rav Ouri Banon, Roch-Collel et directeur des institutions Kol It'shak dans le quartier de Ramot 06 à Jerusalem.