"Cher Rav Sitruk,
A l’heure où ces lignes passent sous presse, nous venons d’apprendre que vous partiez.
Le sentiment que nous sommes si nombreux à ressentir va bien au-delà de la simple tristesse.
Se bousculent dans nos esprits des milliers d’images. Des images de vos cours sublimes, de vos sourires, de vos combats, de vos conseils, de votre courage. Des images si nombreuses que l’on se demande comment elles ont pu appartenir à une seule existence. Grace à vous nous comprenons enfin le sens du mot « Rav » qui signifie, « beaucoup ».
Comme il a dû pleurer, pleurer à chaudes larmes, l’ange qui a eu la terrible charge de venir vous chercher. Lui qui, depuis des années, se réjouissait de voir sa mission repoussée par vos mérites, par nos prières, par le besoin si grand que nous avions de vous avoir à nos côtés.
Ce que nous ressentons ne borne pas à de la peine, car c’est un peu de nous, que nous voyons partir. Qui peut un instant imaginer ce que nous serions devenus, nous, juifs de France, sans votre apport inestimable ? Qui peut un instant songer à ce que notre judaïsme aurait été sans la force de votre engagement ?
Avant même d’écouter la Torah que vous saviez transmettre, sans égal, nous étions déjà illuminés par ce que vous représentiez : la noblesse d’une vie de vérité. Noblesse, c’est bien le mot, car vous avez su, comme personne n’y est depuis parvenu, installer sur la Torah une couronne de Gloire. Vous avez su tourner vers D.ieu les yeux de tous : religieux, laïcs, pratiquants, sceptiques, fidèles, juifs de kippour, juifs, non-juifs.
Tous vous admiraient, jusqu’à ces chefs d’état abreuvés de vos conseils, et comprenant en vous ecoutant que le monde ne comptait qu’un seul Roi.
Aujourd’hui je me sens comme une lettre, un chapitre, une page... une page d’un livre comptant des centaines de milliers d’autres pages. Les pages de votre livre, ce livre que vous avez écrit en y consacrant une vie, votre énergie, votre santé aussi. Ces juifs innombrables qui sont venus vous dire au revoir, ils constituent le plus beau livre qu’un homme puisse écrire.
Notre tradition veut que lorsqu’un sage édite un ouvrage, il lui fasse, de façon allusive, porter son propre nom. Vous vous appelez Haim. C’est donc, à la veille de Rosh Ashana, le « Sefer Haim » qui vous accompagne sur le Mont des Oliviers. Le « Sefer Haim » dans lequel nous formons le voeu que votre épouse, vos enfants, vos élèves et tout le peuple juif soient encore longtemps inscrits, surmontant cette épreuve et sanctifiant votre mémoire.
Car à travers nos vies, c’est incontestablement la vôtre qui se poursuit."
Jonathan ICHAI
pour Alef Ledoroth