Si l’on désire connaître la perspective de la Torah face à la science en général, il convient de se rappeler les bénédictions que l’on doit dire à la vue d’un savant non juif, d’une part, et à la vue d’un Sage versé dans l’étude de la Torah. Pour le premier on dit : « Béni soit Celui qui a donné un élément de Sa sagesse à Ses créatures ». Pour le second, on dit : « Béni soit Celui qui a partagé Sa sagesse à ceux qui Le révèrent » (Traité Brakhot 58a). Différence d’abord entre le don et le partage, puis entre les « créatures » et « ceux qui Le révèrent ». Selon les commentateurs (Maharal, Maarcha), la différence distingue le don – horizontal – et le partage – vertical – à « ceux qui Le révèrent ». Dans le même passage de la Guémara, une autre anecdote est rapportée. « Une foule afflue pour assister au passage d’un cortège royal, afin de voir le roi. Parmi cette foule, se trouve Rav Chéchèt (Sage d’Israël, aveugle) ; il est en compagnie d’un Sadducéen (hérétique). Passe un premier cortège, bruyant, alors le public est assuré que le roi arrive. Rav Chéchèt dit que ce n’est pas le roi. Un deuxième cortège, plus nombreux, plus bruyant, apparaît. Encore une fois, Rav Chéchèt a dit : « Ce n’est pas le Roi ». Plus tard, un grand silence se fit, et Rav Chéchèt dit : « Le Roi arrive » et explique à l’hérétique : « L’Éternel se cache derrière les phénomènes. On ne Le voit pas, mais Il est présent » (Traduction approximative du texte de la Guémara).
Un évènement scientifique historique s’est déroulé récemment. Plus de 300 chercheurs, répartis dans divers observatoires, ont dévoilé la photo du trou noir, qui est au centre de la Voie Lactée, la galaxie dans laquelle nous nous trouvons. Il était important de dévoiler ce trou noir, car après avoir découvert le Big Bang, qui explique l’origine de l’univers, il importe de découvrir les trous noirs qui sont révélés par le Big Bang, pour trouver la source première de l’univers. La photo, assez floue, de ce trou noir est donc, pour les astrophysiciens, une étape importante ! Mais vers où ? Qu’y a-t-il au-delà ? QUI est à l’origine de ce « trou noir » ?
La réponse reste horizontale, mais pas verticale. On se prend à comprendre la réflexion de Rav Chéchèt, le Sage aveugle, qui savait que ce n’est que dans le mystère, dans le silence, que peut apparaître le Roi !
Aux savants non juifs, le Tout-Puissant a fait le don d’une partie de Sa sagesse. Ils peuvent, avec difficulté mais en faisant de grands efforts, révéler le « trou noir », mais pas découvrir Celui Qui l’a fait. Cela s’est-il fait tout seul ? Ici apparaît la seconde bénédiction : « Il a fait connaître un aspect de Sa sagesse ». C’est la réponse verticale ici à l’interrogation première. La bénédiction est différente, car c’est la sagesse divine qui est, ici, perçue par le Talmid ’Hakham, dépositaire d’un élément de la sagesse divine, source du créé.
L’Éternel se cache, derrière Sa création, et c’est cette idée que le Sage, aveugle, révèle à l’hérétique. Ainsi, les deux bénédictions, que l’on récite devant un savant non juif, et devant un Talmid-'Hakham, expliquent la présence divine dans l’univers, voilée derrière l’obscurité matérielle (le trou noir), les obstacles de l’existence, mais en réalité fortement présente. L’histoire de Rav Chéchèt et du Saducéen suit, dans la Guémara, le texte sur les deux bénédictions, car elle illustre parfaitement notre compréhension de l’univers : rationnelle, logique (dimension horizontale), conforme à l’éthique, c’est ce que l’on est habitué à voir, et que l’hérétique voyait justement, mais c’est une illusion, un trou noir qui occulte le véritable Auteur de l’univers. Autrement, comment comprendre ces trous noirs, ces masses énormes ? D’où viennent-elles ? Qui les a créées ? Rav Chéchèt répond au Saducéen par la phrase énoncée pour le prophète Elie : « Sors et tiens-toi sur la montagne pour attendre l’Éternel. Et de fait, l’Éternel Se manifesta. Devant lui, un vent intense, et violent, entrouvrant les monts et brisant les rochers, mais dans ce vent n’était point l’Éternel. Après le vent une forte secousse. L’Éternel n’y était pas encore. Après la secousse, un feu, l’Éternel n’était point dans le feu. Puis après le feu, un doux et subtil murmure » (I Rois 19, 11-12). Alors, Rav Chéchèt expliqua : « Quand est arrivé le Roi, je prie, et l’hérétique lui dit : Mais comment peux-tu bénir, puisque tu ne vois pas ? » (Brakhot 58a). N’est-ce pas ici la réponse à apporter aujourd’hui à tous ceux qui refusent de voir ? La vérité divine, incluse dans le Talmud et dans la tradition mystique, est une part de l’étincelle divine qui assure la pérennité d’Israël. Sachons dire cette bénédiction : elle est incluse dans l’étude vivante du Talmud, dans la pratique quotidienne des Mitsvot, et elle prépare l’avènement messianique. Apparemment cachée, elle est visible pour ceux qui veulent voir la vérité, divine, éternelle.