Depuis quelques semaines, un scandale secoue la France : dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), les dysfonctionnements sont nombreux : mauvais traitements, absence de soins, relations négatives envers les pensionnaires. Un livre a été publié sur ce sujet, dont le titre résume bien le problème : Les Fossoyeux. Ce livre est destiné à stigmatiser des activités visant à gagner de l’argent, et donc à en dépenser le moins possible. Ces révélations ont fortement troublé les Français, jusque dans les sphères gouvernementales. Des enquêtes ont été faites pour examiner ces faits. A la source de ces agissements se trouve, bien sûr, un sentiment de supériorité sur les personnes âgées, considérées comme étant devenues marginales, et utiles seulement dans des buts lucratifs. Au-delà de ces dysfonctionnements dans les maisons de vieillards, on connaît aussi – dans une autre perspective non moins négative – l’attente des héritiers qui n’espèrent qu’une chose, la mort des parents qui les rendra riches. Un troisième aspect négatif consiste à considérer que « la vieillesse est un naufrage » (expression du Général de Gaulle à propos de la trahison de Philippe Pétain, qui avait signé un armistice avec les nazis, et est allé rencontrer Hitler). Il est certain que des faiblesses physiques ou psychologiques peuvent influencer le jugement des personnes âgées, qui n’auraient plus la même lucidité. C’est une réalité, mais cela provient – sauf dans le cas de maladies avérées – d’une conception essentiellement matérialiste et pessimiste de la vie terrestre.
Cette attitude est totalement opposée à la perspective de la Torah, car elle n’est pas fondée sur la foi en un devenir positif, en un cheminement progressif. La vieillesse, dans ce contexte laïque, est une descente, une chute, une baisse. Selon la Torah, c’est le contraire qui est perçu. Dans un premier temps, le terme même de « Zaken », vieux est un acrostiche de 2 mots : « Zé Chékanah ‘Hokhma », celui qui a acquis de la sagesse. Mais allons plus loin : les Zékénim sont les Anciens, c’est-à-dire les plus expérimentés. La Torah rapporte, dès le début de la mission de Moché Rabbénou, qu’il s’est adressé aux « Anciens » du peuple (Chémot 4, 29). Plus tard, après les plaintes du peuple, l’Eternel dit à Moché de s’associer à 70 Anciens pour diriger les enfants d’Israël (Bamidbar 11, 24-25). De même, les Sages rapportent que Moché, ayant reçu la Torah du Tout-Puissant, l’a transmise à Josué, qui à son tour l’a transmise aux « Zékénim », aux Anciens et eux, l’ont transmise aux prophètes (v. Pirkei Avot 1, 1). Les « Anciens » ont toujours un rôle dirigeant, lié à l’organisation du peuple. Il apparaît déjà clairement que les anciens, les vieux, ne sont pas quantité négligeable, et sont chargés de transmettre la sagesse.
Cette perspective s’éclaire de façon plus large si on l’inscrit dans un plan Divin, plus général. La création ne recule pas, elle progresse vers un horizon transcendantal. La Torah précise : « Tu te lèveras en présence d’une personne âgée ; et tu honoreras la personne du vieillard » (Vayikra 19, 32). Loin de considérer la vieillesse comme un handicap : elle doit marquer un but. Le vieillard, symbole de sagesse, n’est pas marginalisé dans la Torah. Il doit représenter, pour le Juif croyant, un exemple à imiter. Toute attitude tendant à regarder avec dédain, ou avec manque de respect, les personnes âgées, appelle un blâme. Le verset invitant à respecter les vieillards ajoute : « Et tu redouteras ton D.ieu, Je suis l’Eternel » (Ibid.). Il existe une corrélation entre le respect de la vieillesse et la crainte du Ciel, car l’âge avancé est un aspect de la crainte de D.ieu
Il apparaît que la relation à la vieillesse est un problème de civilisation, de signification de l’existence. Le problème évoqué plus haut, les dysfonctionnements des EHPAD, est une conséquence directe de l’incompréhension de la valeur de la vie. Certes, il peut exister un problème d’intégration sociale pour les personnes âgées, mais ce qui importe, selon la Torah, c’est de savoir apprécier le prix de la longévité, de « l’aide du Ciel » (Siyata Dichmaya) à chaque étape de l’existence. C’est une leçon importante pour notre génération, où les tendances négatives sur ce sujet risquent d’influencer nos contemporains. La Torah nous guide et nous montre le chemin de la vérité, du sens de l’harmonie dans le quotidien. Message salutaire, nécessaire dans un temps où l’utilitarisme triomphe. Respecter, honorer les vieillards, c’est respecter l’Eternel.