Il ne s’agit jamais, dans cette chronique, de faire preuve d’animosité envers ceux qui ne se laissent pas éclairer par les lumières de la Torah mais quelquefois, on désire leur dire : « Voyez ce qui se passe, voyez la lutte du monde entier contre Israël ! » L’O.N.U. vient de voter à une majorité de 70% des votants une motion demandant l’inculpation de l’État d’Israël, au Tribunal International de La Haye, afin de condamner Israël pour des faits commis dans les territoires de Judée-Samarie, reconnus comme des colonies d’Israël. À chaque occasion possible, la haine des nations pour Israël trouve une autre raison pour marquer son opposition à l’existence même de l’État. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour l’État, mais ce n’est pas nouveau. Depuis longtemps, on a pu constater que l’espérance exprimée par Herzl, que l’existence d’un État juif mettrait fin à l’antisémitisme, cette espérance a été déçue, et, bien souvent, le représentant d’Israël à l’O.N.U. évoque le Juif qui doit affronter les non Juifs. Certaines nations peuvent être plus positives, mais une grande partie reste « de l’autre côté », selon l’expression appliquée par les Sages à l’attitude d’Avraham : « Le monde entier est d’un côté, et Avraham de l’autre » (Avraham Ha-'Ivri, ainsi compris, signifie le Juif de l’autre côté – 'Ivri vient du mot Ever-côté). Ce n’est pas l’Etat d’Israël qui dérange les nations, mais « l’être juif ».
Mais ce que les faits nous enseignent ne doit pas être étranger à notre réflexion. Dans la même page du journal qui rapporte le vote de l’O.N.U., un autre titre est significatif : « L’ancien Premier Ministre d’Israël attaque les étudiants orthodoxes des Yéchivot et prétend que les bourses accordées à ces étudiants ébranlent l’économie de l’État d’Israël ». Ici, le ver qui abîme le fruit se découvre ! Comment ne pas voir les faits et relever que lorsque l’on attaque Israël, une critique parallèle s’élève contre le monde de la Torah. C’est le lien qui doit éveiller notre attention. Une critique violente, visant à donner du monde de la Torah une image négative, apparaît ainsi comme une traduction intérieure de la haine d’Israël. Faire haïr les responsables de l’étude de la Torah revient à présenter ces étudiants comme les nations représentent les Juifs. C’est la rencontre dans une même page de journal de ces deux évènements qui nous invite à bien « voir les faits », et qui permet de mieux lire la direction de l’Histoire. Les Juifs empoisonnaient les puits au Moyen-Âge, ils trahissaient leur pays (Dreyfus), aujourd’hui dans les « territoires occupés », ils font souffrir les « pauvres palestiniens », et les orthodoxes déstabilisent l’économie d’Israël. Certes, il ne faut pas faire d’amalgame, ni généraliser des situations bien différentes, ni exagérer les réactions dans un sens comme dans un autre, mais ce qui importe, c’est de stigmatiser le doigt accusateur « contre les différents ».
Une conclusion unique lie ces situations : la séparation d’Israël des nations et la difficulté pour les non-religieux de comprendre l’importance cosmique de l’étude de la Torah, ces deux facteurs ont une même source : « la spécificité de l’être juif ». La bénédiction que l’on récite avant la lecture de la Torah résume, en une phrase, ce problème : « Qui nous a choisis parmi tous les peuples et nous a donné la Torah ». Bon gré mal gré, une distinction existe, spirituelle, nullement ethnique. La preuve en est l’intégration positive des prosélytes qui peuvent être des maîtres réputés. La spécificité de la Torah s’exprime même au-delà de la compréhension rationnelle. Alfred Dreyfus n’était pas un Juif religieux, mais ce qu’on lui reprochait, c’était sa judaïté. Pourquoi Léon Blum ou Pierre Mendès-France, tous deux chefs de gouvernement français (en 1936 et en 1954), ont-ils été tant haïs, et déstabilisés, malgré leurs résultats politiques ? Ils avaient le tort d’être Juifs. Kafka, lui-même Juif tchèque, retrace dans un de ses livres une famille mise de côté par la société et considérée comme des parias par les autres membres de la société (Famille Barnabé dans « Le Château »). Or de même que l’être juif ne peut pas s’intégrer, de même l’étudiant en Torah apparaît dans la société comme un intrus, voire un parasite ! Rationnellement, il est difficile de concevoir ce que signifie une étude de la Torah. Cela ne peut être comparé à aucune autre étude, car il n’est pas question, dans cette étude, d’enregistrer des faits ou d’analyser sèchement des lois : l’étude de la Torah, c’est élucider le verbe divin. Il n’est pas possible de comprendre la pérennité d’Israël sans référence à l’étude de la Torah, du Talmud et des commentaires rabbiniques. Les Yéchivot ont maintenu le peuple juif en Bavel, en Espagne, en Europe orientale, en Afrique du Nord. La Providence a voulu, à chaque époque, que l’étude approfondie du Talmud donne son cachet, sa valeur spirituelle à l’histoire juive. L’Éternel a fait, à notre époque, que les centres de Torah, ces études en Yéchivot trouvent leur place essentiellement en terre d'Israël. C’est assurément une bénédiction, aujourd’hui, et il faut espérer que ce soit une étape dans le devenir messianique annoncé par les prophètes. C’est ce cachet, vu de l’extérieur par ceux qui n’en sont pas conscients, qu’il importe de préserver. De même que la haine du Juif est un élément historique, l’aversion envers les étudiants de la Torah est aussi traditionnelle ! Sachons répondre à ce défi, afin que la lumière de la Torah éclaire l’Histoire, sachons « lire les faits » et, sans orgueil ni sentiment de supériorité, tentons aussi de continuer ainsi l’histoire trimillénaire du peuple juif, et rapprochons de la sorte la Délivrance !