Jeudi 11 Avril 2019, au lendemain des élections à la Knesset (le parlement israélien), la population israélienne a appris que le vaisseau spatial israélien, fièrement nommé « Béréchit », qui devait « alunir » s’est écrasé, peu de temps avant de réaliser sa mission, en ayant encore eu la possibilité d’envoyer à la Terre des photos du paysage lunaire. L’échec déçut, mais cependant l’expédition mérite une appréciation spéciale. Le fait, pour la technologie israélienne, d’être en compétition avec les grandes puissances mondiales est incontestablement un succès de prestige.
Il n’est pas indifférent, non plus, de considérer cette expédition d’un point de vue spirituel. Il est évident qu’il ne s’agit, en aucun cas, d’une perspective de « révolte » contre le Ciel, ou même d’une tentative semblable à celle de la génération de Babel, de nier l’existence de la Transcendance. Le but est d’exprimer, avec fierté, la puissance de la technologie israélienne. Et c’est cet aspect qui inspire notre propos. Est-il significatif que cette expérience se soit soldée, en fin de parcours, par un échec ?
Il est évident – et certainement satisfaisant pour la fierté de la technologie israélienne, qu’il s’agit d’une avancée importante. Sans essayer de nous inscrire dans une perspective négative, il convient, pourtant, de réfléchir un instant. Se transformer en puissance scientifique impose une réflexion approfondie sur le rôle du peuple juif dans le devenir historique. On connaît le verset des Psaumes : « Les cieux appartiennent à l’Eternel ; la Terre, Il l’a donnée aux humains » (Psaumes 115, 16). Certes, ce verset n’évoque pas les difficultés de la conquête des cieux par l’homme ( ! ), mais plutôt l’opposition entre le matériel et le spirituel. Le monde spirituel est l’apanage du Tout-Puissant, alors qu’Il a laissé le monde matériel à l’humanité. Cette division entre le matériel et le spirituel semble contredite par un autre verset : « La terre et tout ce qu’elle renferme appartient à l’Eternel » (Psaumes 24, 1). Le Talmud résout cette contradiction apparente : « Avant de prononcer une bénédiction (pour jouir des biens matériels), la terre appartient encore à l’Eternel, et quand l’on a récité la bénédiction (pour avoir le droit de jouir des biens matériels), alors la terre peut appartenir à l’homme » (Traité Bérakhot 35b). C’est peut-être dans cette remarque des sages sur le droit de possession du monde matériel que l’on voudrait s’interroger sur notre relation au monde matériel. Il a été créé par le Tout-Puissant à partir du néant, et il nous est permis d’en jouir, à condition d’en reconnaître l’Auteur. La « Bérakha » (bénédiction, acte de reconnaissance) est la clé, le moyen d’acquisition du monde matériel. Si nous Le reconnaissons comme l’Auteur de la création, il nous sera permis de profiter de ce monde. Un demi-verset du Livre d’Isaïe reprend la même idée : « שאו מרום עיניכם – Levez vos yeux vers le Haut et reconnaissez Qui a créé tout cela » (Isaïe 40, 26). Si l’on remarque que les initiales des trois mots cités ici : ש, מ, ע constituent le premier mot du « שמע » (Chéma’, qui est la prière fondamentale du Juif croyant – véritable devise du Judaïsme), alors il apparaîtra clairement que le « haut » n’est pas l’alunissage, mais l’élévation spirituelle vers le Créateur.
Il n’est certes nullement question de minimiser un exploit remarquable, mais d’en souligner la valeur relative. Assurément, il nous faut espérer que la prochaine tentative sera, elle, couronnée de succès, mais ce qui intéresse essentiellement le croyant, c’est de contribuer à la sanctification du Nom divin. La conclusion du « Chéma’ » – évoquée plus haut, est : « Vous serez saints ». La vraie vocation du peuple juif est de contribuer à élever la spiritualité de l’univers et à faire en sorte que l’humanité entière reconnaisse Qui a créé l’univers, Qui a créé « Béréchit », dont il est dit : « C’est pour la Torah (c’est-à-dire, dans le but de reconnaître le Créateur) que le monde a été créé ». « Béréchit » – commencement – implique qu’il y ait un but, une destination ultime, et cette destination finale, c’est la reconnaissance du Créateur par l’humanité entière.