Au-delà d’une lecture symbolique des événements de Sim’hat Torah, ce 7 Octobre, lecture déjà fortement chargée de sens, au-delà de cette lecture, les faits parlent par eux-mêmes, et sont inédits à divers niveaux, en tous les cas même inconnus depuis la Shoah.
Assassiner en masse plus de 1000 civils dans une fête régionale et dans les villages, tuer des bébés, les brûler, vider des villages en tuant leurs habitants, semblaient être des actes oubliés aujourd’hui, premier acte inédit.
De plus, enlever plus de 200 innocents pour les garder en otages contre des représailles, est un 2ème acte barbare, qui sépare les familles.
Enfin, ce n’est pas l’armée d’une nation ennemie qui a agi, mais une faction terroriste qui ne représente pas un peuple précis. Ces trois dimensions, inédites, donnent déjà un caractère particulier à cette attaque si brutale. Mais au-delà de ces 3 facteurs, c’est l’identité de la victime qui est la plus significative. Il ne s’agit pas d’attaquer les Israéliens, mais ce sont les Juifs qui sont visés, comme pendant la Shoah.
Dans une longue interview avec des étudiants de l’Université de Tel Aviv, généralement gauchistes, organisateurs de manifestations contre Netanyahou, les jeunes reconnaissent : « Ce ne sont pas les Israéliens qu’ils attaquent, mais ce sont les Juifs qu’ils veulent éradiquer » (Le Monde du 25 Octobre).
À plusieurs reprises, ces étudiants reconnaissent : « C’est le passé qui revient. Cela est semblable aux attaques antisémites du passé, dont on espérait la disparition. » Une étudiante exhibe l’étoile jaune que lui avait montrée son arrière-grand-mère « pour que l’on n’oublie pas l’Histoire », et voilà que l’Histoire se répète… Et cette étudiante ajoute : « Pourquoi s’en prendre aux corps morts ? Les balles ne suffisent pas ?! »
Les réactions de ces jeunes – colère, stupéfaction, haine – résument les mentalités qui changent. « Si j’ai pu défendre les droits des Palestiniens, il n’en est plus question, il faut éradiquer le 'Hamas ». Surprise – car c’était totalement inattendu –, ampleur, car plus de 3000 victimes ont été assassinées ou blessées, et enfin cruauté : corps dépecés, familles cassées ou brisées. À ces 3 éléments, s’ajoute encore la prise d’otages. Tous ces facteurs ont replongé les jeunes Israéliens dans les ténèbres du passé, d’un exil qu’ils croyaient révolu. Les Israéliens ont compris que c’étaient les Juifs qui étaient attaqués avec une brutalité inouïe. Le passé leur est revenu à la gorge ; la haine éternelle d’Essav, l’antisémitisme qu’ils croyaient dépassé, leur sont réapparus subitement dans la figure. Le traumatisme est immense.
Et pourtant ! Cette gifle du passé, ce réveil à la conscience que c’est le Juif qui est poursuivi comme hier et avant-hier, ce réveil aura-t-il des conséquences ? L’armée n’a servi à rien, malgré sa puissance. Les Services de renseignement, si sophistiqués, si modernes, ont été inutiles ! On retombe dans le passé, on redevient juif, mais… sans une seule fois s’interroger sur cet héritage, sur la signification de cette histoire, sur le contenu « transhistorique » (qui dépasse l’Histoire) d’Israël, alors que c’est le moment d’« ouvrir les yeux ». L’article du « Monde » cite bien ceux qui reconnaissent que l’on ne doit pas « fermer les yeux » après un événement de cette ampleur mais sans dire SUR QUOI « ouvrir les yeux » !!
Et c’est ici qu’il faut se réveiller : l’histoire du peuple juif ne s’est pas arrêtée avec la création de l’État d’Israël. Au moment où l’on s’y attend le moins, voilà que les ténèbres viennent s’attaquer à ceux qui s’y étaient le moins préparés, et qui étaient assurés que l’identité israélienne remplaçait aujourd’hui l’identité juive. Ce sont ces étudiants éloignés de la tradition qui reconnaissent : « (ces terroristes) veulent éradiquer le peuple juif, c’est l’existence juive qu’ils attaquent ! » Réveil brutal, mais va-t-il mener vers un retour, vers une recherche, vers une prise de conscience de la spécificité d’Israël ? Nul ne peut se targuer d’être prophète aujourd’hui. Mais on désirerait bien leur répondre que le hasard n’existe pas, que la destinée d’Israël est de témoigner du devenir juif, de l’action de la Providence : la Shoah a été possible, les attentats antisémites n’ont jamais cessé, les épreuves nous accompagnent, les bombes de Tsahal ne peuvent changer l’Histoire. Réalité dure, effrayante certes, mais significative. Il ne nous appartient pas d’énoncer des faits, ou de les éclairer avec nos critères. Il faut seulement ne pas oublier que la langue hébraïque utilise le terme de « couper » (Karèt) pour la conclusion d’une alliance (Korèt Brit). Cela implique une difficulté, un déchirement, mais cela assure la force de l’alliance. Ne cessons jamais d’ouvrir les yeux, et nous ressentirons que l’Alliance assure la permanence de l’être juif, par le lien avec l’observance et l’étude de la Torah !