Le titre de cette chronique est emprunté au célèbre livre de Montesquieu (législateur français au 18ème siècle), « L’Esprit des lois ». C’est cet auteur qui est à la source du droit moderne et qui a fondé la démocratie moderne, en expliquant que le gouvernement d’un Etat doit s’appuyer sur trois pouvoirs distincts : l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
C’est là, la base du régime démocratique. S’il arrive – comme ce fut bien souvent le cas, dans les 3 derniers siècles – que l’un de ces pouvoirs l’emporte sur les autres, c’est alors la dictature, ou le chaos. La tentative de Montesquieu fut de démontrer qu’une société qui cherche à survivre en tant que réalité indépendante doit reconnaître que trois éléments fondamentaux sont à la source de l’organisation de la société : nécessité d’un législateur (foi en un D.ieu créateur), Qui dit ce qu’il est nécessaire de faire (prophétie, révélation) pour organiser la société, et, enfin, Qui surveille ce que l’on fait, punit et récompense (Rédemption). Ne peut-on pas remarquer que les 3 pouvoirs évoqués par Montesquieu rejoignent, ici, les 3 éléments cités ? L’exécutif AGIT, le législatif propose des LOIS, et le judiciaire JUGE le fonctionnement. Est-ce une hyperbole de découvrir ainsi ces démarches parallèles ? Cela provient du fait que l’aventure humaine tourne, de façon incontournable, autour des 3 pôles : naissance, écoulement de la vie, et mort. Tel est, en effet, le schéma de la construction de l’existence : nolens volens, le départ et l’arrivée, nous sont imposés. Par contre, les vicissitudes de notre existence, bien que le cadre ne dépende pas de nous, c’est nous qui leur donnons un sens. C’est ce que disent les ‘Hazal dans les Pirké Avot : « Akavia fils de Mahalalel disait : "Sache d’où tu viens, où tu vas et devant Qui tu rendras compte de ton existence. D’où tu viens, d’une goutte misérable, où tu vas, vers un lieu où fourmillent les vers, mais devant QUI tu vas rendre compte de ton existence, devant la plus haute Autorité, le Roi des rois, le Saint, béni soit-Il." » (Pirké Avot 5, 1). Ce texte, émanant de l’Absolu, rend, par sa dimension verticale, au système de Montesquieu, horizontal par hypothèse, sa dimension verticale. Le relatif doit se lier à l’Absolu, et reconnaître sa spécificité, c’est-à-dire son éternité.
Une Assemblée législative peut émettre des lois, une autre assemblée peut venir et annuler ces lois qui proviennent d’une source humaine, donc finie. Toutes les lois émises par les hommes peuvent devenir caduques, par la volonté des hommes. La seule source légitime est la volonté divine. Seule cette légitimité lui permet de traverser les siècles. « Venant d’une source éternelle, la Torah ne peut être qu’éternelle » écrit le Rav Hirsch. Remarquons qu’avant la Révélation du Sinaï, l’Éternel a donné au peuple juif une « Loi provisoire », émise à Mara. Cette loi provisoire se composait des 3 éléments évoqués plus haut : règles de la « vache rousse » (où s’affirme notre foi en un Créateur Qui distingue le pur de l’impur), le Chabbath (reconnaissance du Créateur de l’univers) et organisation rationnelle de la société. Ces mêmes lois sont l’objet de l’interrogation du fils ‘Hakham : « Mitsvot » – lois évoquant un évènement historique –, le Chabbath, les « ’Houkim » (lois comme le Cha'atnez ou la Cacheroute qui prouvent notre foi en D.ieu, comme la loi de la vache rousse) et organisation rationnelle de la société avec les « Michpatim ». Tel est le triptyque de « l’esprit de la Loi » dans la Torah – foi en un Créateur, en une législation et en une histoire qui transcende l’univers. Cette Loi ne dépend pas des majorités électorales, mais elle accompagne le peuple, garantit sa pérennité et promet l’avenir d’une Torah comprise par l’univers.