Est-ce le plus grand paradoxe de tous les temps ? L’arme la plus terrifiante que les hommes ont inventée, peut-elle être celle qui jusqu’à présent a évité toute guerre possible ? C’est, en fait, un vrai miracle que, jusqu’à aujourd’hui, nul gouvernement responsable n’a osé utiliser cet instrument effrayant (sauf une première – et espérons la dernière – fois à Hiroshima et Nagasaki, en 1945, pour clore la Seconde Guerre Mondiale). Le miracle est qu’Américains comme Russes, Chinois et Nord-Coréens – et Israéliens aussi bien sûr – c’est-à-dire ceux qui ont le pouvoir d’appuyer sur le bouton nucléaire, ont bien compris l’enchaînement catastrophique qui résulterait de l’emploi de cette arme.
C’est ici que doit réfléchir le croyant. Quand l’on sait que l’Eternel surveille et protège les voies de l’humanité, il apparaît clairement qu’il ne saurait exister d’évènement humain, en dehors de la volonté du Tout-Puissant. Que sert-il, alors, de créer des armes, dont l’utilisation peut être la source de destruction de l’humanité ? Exprimons cela en termes plus précis : que signifie, dans la perspective de l’action de la Providence, que signifie donc cette épée de Damoclès (menace de mort permanente !) qui menace l’humanité ? Il est évident que les gouvernants différents ne font pas entrer ce dilemme dans leurs calculs géopolitiques. Il n’y a que le danger réel et l’utilisation de la menace qui les occupent. A nous, il importe de réfléchir, dans la perspective messianique – basée sur les annonces des Prophètes et les commentaires rabbiniques – il importe de réfléchir sur cette situation totalement inédite de la menace d’une destruction totale d’un peuple ou d’une région. Actuellement, il ne s’agit que de quelques nations qui ont cette arme entre les mains, mais il est évident que cela risque de s’étendre à d’autres pays. En toute hypothèse, l’univers entier, c’est-à-dire toute l’humanité, est concernée par ce problème. Alors, le problème n’est plus stratégique, ou géopolitique. L’Eternel veut donner une leçon à l’humanité, qu’elle connaisse son caractère éphémère, et sa dépendance d’une Force supérieure. L’épidémie a déjà réussi à montrer l’interdépendance des nations, et cela a déjà été une leçon pour l’humanité. La menace nucléaire devrait avoir un rôle semblable, mais lié, maintenant, à la liberté de l’homme. Imaginons un instant que les secrets de la fabrication de cette bombe tombent entre les mains de terroristes irresponsables ! Ce serait un danger pour l’humanité entière. Celui qui sait lire l’action de la Providence n’oublie pas qu’Hitler avait chassé de son pays les savants juifs qui préparaient la fabrication d’une bombe atomique, et ce sont ces mêmes savants, émigrés aux Etats-Unis, qui ont permis la fabrication des bombes qui, lancées sur le Japon, ont mis fin à la Seconde Guerre Mondiale. Imaginons un instant ces secrets entre les mains de Hitler, et soyons conscients qu’il y a une Providence qui surveille l’univers. Mais cela ne doit, en aucun cas, limiter la liberté de la créature et, donc, sa responsabilité.
A partir de cette optique, nous devons apprécier les éléments géopolitiques qui nous sont connus. Certes, ces éléments ont leur signification, et chaque individu doit connaître sa responsabilité. Cependant, pour chaque fidèle, il ne faut jamais oublier notre dépendance de l’Auteur de la création. A partir de cela, la menace d’une guerre nucléaire nous apparaît de façon différente, et l’on pourrait presque oser dire que la menace peut être positive. Si nous savons, si nous sommes conscients que le danger se rapproche de nous, alors peut-être saurons-nous nous réveiller ! Dans Haazinou, le dernier chant adressé aux enfants d’Israël, avant les bénédictions finales, Moché résume l’Histoire et conclut ainsi au nom de l’Eternel : « J’aiguiserai l’éclair de mon glaive, et ma main empoignera la justice » (Devarim 32, 41). Le Rav Elie Munk, dans son commentaire, explique ce verset : « Que D.ieu empoigne la justice de Sa main laisse entendre discrètement que la justice est atténuée par la clémence, alors que s’il n’y avait pas la clémence, le monde courrait à sa destruction devant le glaive de l’Eternel qui le détruit comme un éclair » (Kol HaTorah, Deutéronome, p. 351). Notre époque connaît le glaive de l’Eternel, l’arme nucléaire qui pourrait détruire le monde, mais la clémence de l’Eternel peut empêcher cette ultime fin. A nous, il revient de prier que cette arme, terrifiante, menaçante, ne tombe pas dans des mains irresponsables, à nous d’implorer la clémence divine, que ce glaive disparaisse et qu’apparaisse aux yeux de l’univers la gloire divine. Ce n’est pas l’arme matérielle qui est significative : elle n’est qu’un symbole. A nous de faire que ce symbole menaçant disparaisse, mais cela exige de bien prendre conscience que la Providence dirige l’Histoire.