Jeudi passé, la Cour européenne de Justice siégeant au Luxembourg a rendu son verdict : l’abattage rituel en Belgique (Flandres et Wallonie) sera interdit si celui-ci n’est pas précédé de l’étourdissement de l’animal, ce qui revient à dire qu’on ne pourra plus y accomplir la Che’hita (abattage rituel) conformément au rite traditionnel juif.
La problématique et le grand mal à l’aise que provoque ce verdict dans la communauté juive belge, européenne et mondiale tiennent à l’absurde de la situation.
Comme si on venait donner des leçons d’humanité au peuple qui a donné au monde toutes ses notions de morale et qui, il y a 3000 ans, a reçu et a diffusé, entre autres, le commandement interdisant de faire souffrir un animal, « Tsa’ar Ba’alé ‘Haïm ». Par cette injonction complètement originale et révolutionnaire à une époque où la barbarie était de mise (les pratiques idolâtres exhortaient au sacrifice humain, l’inceste sous toutes ses formes était pratiqué - voir Parachat Kedochim), la Torah livre aux hommes la façon la plus humaine de tuer un animal.
Nos Sages et les animaux
Les histoires de nos Sages sur ce thème dans le Talmud ne manquent pas, comme celle de Rabbi Yéhouda Hanassi, surnommé Rabbi, à qui on a reproché de ne pas avoir été assez compatissant avec un jeune veau qu’on amenait à l’abattage.
Des maux de dents et de têtes insupportables et incessants ne l’avaient alors plus quitté et ce n’est que bien des années plus tard, lorsqu’il réprimanda des personnes qui voulaient tuer un rat, que ses maux disparurent. Il comprit alors qu’il avait mal agi avec le veau (voir Talmud Baba Métsia 85a et Pné Moché sur Talmud Yérouchalmi, Kilaïm, 9/4).
C’est une Halakha connue qu’un juif doit nourrir ses animaux domestiques avant de lui-même se mettre à table. C’est-à-dire que son poisson rouge, son canari, ou les 400 volailles de son poulailler passent avant lui…
Si vous êtes un juif pratiquant et que vous avez l’intention de faire une désinsectisation dans votre appartement, vous devrez choisir celle qui est la plus rapide et ne laissera pas agoniser les cafards de longues minutes, les pattes en l’air, sur votre parquet. Car, pour la Torah, les insectes sont des êtres vivants, et il faut en tenir compte.
Il y a un témoignage bouleversant qui est rapporté au sujet d’un juif déporté qui cria par la petite lucarne du wagon à bestiaux dans lequel il était enfermé, à un voisin sur le quai de la gare : « Va nourrir mes poules, je ne sais pas quand je vais rentrer… ».
Malgré tout, les stéréotypes et les préjugés ont la vie dure. Dans de nombreux pays d’Europe, c’est devenu un phénomène : des décrets contre la Che’hita surgissent de plus en plus fréquemment. Des campagnes tendancieuses essayent de convaincre les citoyens qu’il faut abolir l’abattage rituel juif, sous couvert qu’il cause souffrance aux animaux et qu’il faut préférer, à sa place, diverses techniques d’abattage « en douceur ».
Lorsque le spécialiste parle...
Le Rav Israël Meir Levinger, qui a été le rabbin de Bâle et Munich, est vétérinaire et zoologue et l’un des plus grands spécialistes dans le domaine de la Cacheroute des bovins et de la volaille. Il a effectué des enquêtes complètes et approfondies dans ce domaine, a écrit les conclusions de ses observations dans des ouvrages traduits en plusieurs langues, où il prouve que, justement, la Che’hita est le meilleur moyen de tuer un animal en lui causant le minimum de souffrances.
Ecoutons-le :
« Les enquêtes et observations que j’ai effectuées, étendues sur des dizaines d’années, n’ont pas été faites d’un point de vue "Hilkhati" (conforme à loi juive), mais uniquement d’un point de vue professionnel et scientifique. Le but bien sûr : jauger les données sur le terrain de la façon la plus objective possible et en tirer les conclusions.
Mes travaux ont été approuvés et signés par le professeur Spöri, chef du département de physiologie de l’université de Zurich, incontesté et un des plus grands spécialistes dans le domaine. Il a pu écrire et signer son avis sur l’abattage rituel juif en ces termes : "Si, à D.ieu ne plaise, j’étais condamné à mort, j’aurais choisi la Che’hita comme moyen d’exécution, et aucun autre moyen."
Le professeur Spöri, est-il besoin de préciser, n’est pas juif. »
Rav Levinger, pouvez-vous nous décrire les étapes de la Che’hita juive et comment elle entraine le moins de souffrance possible à l’animal ?
Voici le processus : l’abattage se produit par une seule, longue coupe sans aucune interruption, qui passe par toutes les parties tendres du cou au moyen d’un couteau long et parfaitement aiguisé. La peau d’un bovin est épaisse comme la semelle d’une chaussure, la lame du couteau utilisé doit donc impérativement être d’une netteté parfaite : elle est d’ailleurs vérifiée consciencieusement à de très nombreuses reprises lors de la Che’hita.
La coupure nette ne dure pas plus de 2-3 secondes et n’entraine aucune de douleurs. D’une traite, sont tranchées toutes les parties tendres du cou comprenant les voies respiratoires, l’œsophage, les nerfs, les veines et les artères du cou, c'est-à-dire tous les canaux qui mènent le sang au cerveau.
La tension artérielle de l’animal tombe en 5, et parfois 3 secondes. Cette chute de tension entraine un choc et l’animal perd ses fonctions cérébrales presque instantanément. Dans toutes autres manières d’égorgement, on voit des indications de fonctions cérébrales dans le cerveau bien plus longtemps.
Toutes ces données sont issues d’observations sur le terrain. Les conclusions de ces travaux, compilées dans mes livres (traduits en plusieurs langues), à la lumière de notre savoir scientifique d’aujourd’hui, ne laissent aucun doute : la Che’hita est le moyen le plus efficace pour éviter la souffrance à l’animal.
Mes travaux ont permis à certains pays d’Europe de lever l’interdit d’abattage rituel sans étourdissement préalable.
Un peu d‘historique
La Suisse a été la première en Europe à interdire la Che’hita.
En 1892, la Société protectrice des animaux suisse a lancé une initiative populaire contre l’abattage rituel. L’initiative a été acceptée par referendum le 20 août 1893 par la majorité des citoyens suisses. Depuis lors, pas de Che’hita sur le sol helvétique.
En Angleterre, aux U.S.A et en Hollande, des tentatives d’abolir la Che’hita ne cessent de voir le jour. Un point intéressant à souligner est que ceux qui sont derrière les initiatives anti-Che’hita aux Pays-Bas, "Le Parti pour les Animaux", reçoivent l’appui avoué du parti d’extrême droite local.
Ces dernières années, les organismes juifs européens comme la "Vé’ida des Rabbanim d’Europe" et le "Congrès juif européen", s’élèvent comme un mur pour protéger la Che’hita de ses détracteurs.
Le Rav Piszon, membre de la Vé’ida, qui fait partie des délégations pour la défense de la Che’hita et a participé aux expériences sur le terrain, nous dit que si, nous, nous n’avons pas besoin de preuves scientifiques pour savoir que le Maître du monde, qui aime Ses créatures, nous a donné les lois les plus humaines au monde, maintenant, devant nos adversaires, nous en avons les preuves scientifiques.
En conclusion
Nous ne saurons jamais ce qui a motivé la décision des magistrats luxembourgeois.
Ignorance totale des données scientifiques et empiriques qui prouvent que la Che’hita est le meilleur moyen pour éviter des souffrances à l’animal ? Il semble pourtant que les plaignants (communauté juive belge) ont bien présenté aux juges les conclusions de ces travaux.
Stéréotypes bien encrés sur les juifs pratiquants ?
Décision populiste qui aime à faire passer la compassion pour les animaux avant un rite millénaire « ancestral et dépassé » qui n’a certainement pas pris en compte les avancées technologiques actuelles ?
D’aucuns diront tout simplement : antisémitisme latent.
Ce qui est sûr est que le ton, la localisation géographique de cette propagande "anti-Che’hita" laissent perplexes. Les nations auraient-elles quelque chose sur la conscience qu’elles tenteraient désespérément d’oublier ?!
On sait bien que la meilleure façon de se débarrasser d’une culpabilité trop lourde est d’accuser notre victime de perpétrer tous les maux qu’on lui a infligés.
Juifs, abattage, cruauté : quoi de plus facile que de prendre ces mots si chargés et de les retourner comme des flèches contre un peuple qu’on a tellement fait souffrir !