Une société doit être régie par des lois. Une société a besoin de juges qui décident de la culpabilité ou de l’innocence des membres de la société. Le problème qui se pose est le mélange des rôles : les juges peuvent-ils se mêler de la législation ? C’est, semble-t-il, le problème qui agite notre société ! Les juges peuvent-ils juger de la valeur de la législation ? À ce moment, la démocratie est en péril, quand les juges s’immiscent dans le sens où ils voudraient voir la loi légiférer. Le parti pris des juges peut-il se mêler avec leur jugement sur la loi ?

Quand les enfants d’Israël sont sortis d’Égypte – avant même qu’ils soient arrivés au Mont Sinaï, le Tout-Puissant a donné un résumé de la Torah pour 3 domaines : le domaine de l’organisation sociale (les lois civiles), le respect des parents ainsi que le Chabbath et les sept lois noa'hides (foi en D.ieu, refus du meurtre et de la débauche). Avant même d’arriver au Mont Sinaï pour recevoir les 10 Commandements, un certain résumé de la Loi est nécessaire : croire en un Créateur, respect des parents et donc d’autrui, et aussi organisation juridique, sociale.

Le Tout-Puissant a créé le monde, a créé l’homme, et Il leur donne des principes pour maintenir cette création. De Solon (auteur de la législation grecque) à Montesquieu (auteur de « L’esprit des Lois » au 18ème siècle), légiférer et ensuite juger est la démarche normale de la société. Mais, si « juger » s’interfère dans le « légiférer », la société est boiteuse, et c’est le problème actuel : la démocratie exige que le peuple – c’est-à-dire l’ordre social – dirige la voie de l’humanité. Le peuple – appelé le PRINCE – doit dire ce qu’il veut qu’on fasse. La démocratie, c’est la voix donnée au peuple pour exprimer sa volonté, ainsi que l’on faisait à Athènes. Le peuple – « démos » en grec – se réunissait sur l’Agora (la place publique) pour fixer les lois, d’après la législation de Solon. Le dictateur prend la place du « prince » et légifère seul. C’est cette dictature – pour ne mentionner que le 20ème siècle – qu’ont exercée Staline, Hitler, Mussolini ou Franco. Ils ont pris la place du peuple. C’est ce qui semble apparaître aujourd’hui d’une autre façon – moins cruelle certes, mais injustifiée cependant – sous la forme d’une dictature des prétoires. Les juges prennent de plus en plus la place des législateurs, en décidant du bien-fondé des lois. Un livre récent, a été écrit précisément par un Conseiller d’État, Jean-Eric Schoettl, qui a vu de près ce virage de la loi vers le juge, « La Démocratie au péril des prétoires » (Gallimard, 2022). Ce livre décrit de nombreux exemples où la loi est mise en question par le juge. Cela inclut aussi les instances internationales où, souvent, c’est le « caprice » du juge qui impose son verdict à la législation.

Où se situe, ici, le rôle, absolu en soi, de la législation « torahique », conforme à la Loi du Sinaï ? 

Une première remarque mérite d’être soulignée : d’une part, tirage au sort des décisions concernant le partage d’Erets Israël avec Yéhochoua et Eléazar, et parallèlement, décision de distribuer les terrains en fonction du nombre de la population. L’intervention divine était que le sort, d’une part, la quantité de population, par ailleurs, obtenaient le même résultat : les plus nombreux obtenaient une part plus grande, et les moins nombreux une part plus petite. Cette convergence avait pour but de démontrer que c’est l’Éternel qui intervient, mais que l’homme doit, de son côté, « agir », c’est-à-dire effectuer sa « Hichtadlout » (effort de l’homme). « Aide-toi, le Ciel t’aidera » n’est pas une formule vide, mais exprime l’idéologie de la Torah. À ce niveau, la législation sociale de la Torah est claire : la Loi n’a pas, selon la Torah, un caractère éphémère. Un législateur décide d’une loi, vient un autre qui décide autrement, et arrive le juge qui prononce différemment et s’oppose au législateur. Tel est l’avatar d’une législation laïque décidée par un cerveau éphémère. De même, ce qui est bon pour une société n’est pas nécessairement bon pour une autre société. C’est la raison du conflit entre le prétoire et la démocratie. Une preuve contemporaine de ce passage éphémère fut la chute, brutale, de l’idéologie marxiste considérée, pendant plus de cent ans, comme l’avenir de l’humanité, promettant des lendemains « qui chantent », le « grand soir de l’humanité ». Mais cette preuve qui illustre notre propos n’est qu'un exemple dans l’histoire de la législation. Le Kibboutz – bastion de l’idéologie « égalitaire » – est devenu une part de l’économie capitaliste de l’État. La France a déjà connu cinq Républiques, dont chacune édite de nouvelles lois.

La Torah est le fruit de la Volonté divine. La Transcendance ne saurait être sujette aux modifications de l’époque. Par hypothèse, la Torah est le véhicule de la Parole du Créateur. La Torah écrite, expliquée par la Torah orale, codifiée par les Sages, par Maïmonide, puis dans le Choul’han ‘Aroukh, contient la totalité de la législation du judaïsme. Il ne saurait y avoir de conflit entre les Sages : discussion, oui, désaccord, non. La Torah légifère. Elle est la Parole divine, et les rabbins sont les juges. Le « Dayan » – juge – doit être un Talmid Hakham (Rav érudit). C’est la force de la Torah, et peut-être pourrait-on se permettre de dire que l’opposition – député contre juge – est significative d’une époque déboussolée, sans référence avec l’Absolu. « Achrénou » ! Remercions le Créateur de nous guider dans l’obscurité, et de nous éclairer.