Si l’on voulait définir notre époque, d’un point de vue de civilisation, nous dirions qu’elle a dépassé l’ère électronique pour entrer dans l’ère de l’intelligence artificielle. Qu’est-ce à dire ? « L’artifice », c’est l’invention de l’homme qui utilise les éléments naturels. L'intelligence artificielle, aujourd’hui, vient s’ajouter à l’intelligence cérébrale, qui a sa source dans le cerveau. C’est l’homme qui est à la source, mais « l’art » s’ajoute au cerveau, et nulle entité différente ou étrangère n’intervient ! L’artifice s’ajoute à la nature. Le problème qui se pose est de savoir si l’artifice ne va pas dépasser l’homme, alors que celui-ci l’a inventé pour servir l’homme. Va-t-il remplacer l’homme, et donc aliéner sa liberté ? La fabrication de « robots humanoïdes » peut-elle créer une nouvelle société « humanoïde » devenue indépendante de l’homme « naturel » ? C’est ici que se pose le problème existentiel pour l’humanité de demain. Le journal « L’Express » vient de publier un numéro spécial pour soutenir les apports positifs de l’intelligence artificielle, et pour démontrer en quoi elle améliorera la vie de l’homme. C’est dans tous les domaines que cette amélioration peut se faire sentir, estiment les journalistes. Cela s’applique aux diverses activités et tend à améliorer l’utilisation du monde matériel ! La seule réserve, légère, est dans le domaine de l’éducation, où le Chat G.P.T. désordonne les examens, car les étudiants peuvent avoir tous les mêmes résultats, qu’ils ont… découverts grâce à l’Intelligence artificielle ! Il n’est nullement question, à ce stade, de décrier une invention très utile à l’humanité.
Le problème que l’on voudrait soulever ici se situe AILLEURS, non pas dans le domaine du monde concret, mais dans le domaine de l’image spirituelle de la créature. Merveilleuses, certes, sont les conséquences et les utilisations de ce projet, mais, en définitive, tout est fondé sur des données humaines, concrètes, mathématiques. Où est ici l’élan poétique, où se trouvent les rêves, les songes qui dépassent et transcendent l’homme, et lui accordent une dimension différente de la réalité objective ? La caractéristique de cette intelligence est de trouver sa source dans des calculs innombrables, dans des algorithmes exceptionnels, et c’est ici que le bât blesse. L’élan spontané, le désir d’exprimer une personnalité, un sentiment, ce désir est étranger à cette intelligence. Peut-être peut-on y voir une certaine forme de stylisation, mais c’est alors la conséquence d’un calcul, d’une rencontre entre des chiffres dans un cadre numérique. C’est évidemment le contraire d’une envolée poétique d’un Hugo ou d’un roman de Balzac. À ce stade, il importe de connaître les limites de ce petit prodige qui ensorcelle aujourd’hui les médias.
Mais où nous mène ce prodige ? Les prouesses technologiques risquent de nous empêcher de « voir plus clair », car elles risquent de nous faire oublier qu’il y a un Créateur. Certes, les débats talmudiques, quelque approfondis qu’ils soient au niveau des calculs théoriques, ces débats ne sauraient s’inscrire dans une intelligence artificielle, car elle ne saurait inclure tous les calculs des Sages du Talmud. Mais, en dehors de ces impossibilités, acceptons l’idée d’un Juif orthodoxe, docteur en mathématiques, et lui-même ancien pilote : « L’intelligence artificielle est un dérivatif aux maux de notre temps… Hachem nous a donné le monde, et nous a insufflé l’âme et la capacité d’imaginer. Nul ne peut prétendre changer ce monde. Seule la bêtise humaine et l’arrogance peuvent nous conduire aux désastres que nous vivons ». Et il conclut : « L’intelligence artificielle nous occupe et comble nos vides… » Et l’ancien pilote conclut que « le pilotage automatique est utilisé pendant le vol, mais ni au décollage, ni à l’atterrissage ! » (Efraïm Wasservogel, Kountrass n° 265 p. 14-15).
Il nous faut aujourd’hui apprendre à atterrir. Notre époque – comme celle de Bavel – se veut rivale du Créateur, et donc trouve des moyens pour utiliser le monde, sans mêler l’Auteur ! N’oublions jamais qu’il y a un BUT. Préparons-nous à l’atterrissage ! Il ne saurait tarder, mais cela dépend de notre foi en un Créateur !