Les sections de la Torah évoquant la vente de Yossef, son élévation en Égypte et l’arrivée de Ya'acov en Égypte, ces sections sont toujours lues à la Torah au moment de la fête de 'Hanouka et cette rencontre est significative, car toute l’Histoire est incluse dans cette rencontre entre le fils de Ya'acov et la civilisation égyptienne. Il grandit chez Ya'acov, il étudie avec lui la Torah – et c’est ainsi qu’ils apprennent ensemble le problème posé par l’assassinat d’un homme par un anonyme, que la communauté doit expier par la mort d’une génisse. Il a donc vécu en dehors de l’influence idolâtre qui régnait autour de Ya'acov.
Voilà donc Yossef seul, sans famille, confronté à la civilisation égyptienne, à la débauche égyptienne. Il doit résister à ces séductions : il refuse de se laisser séduire par la femme de Poutiphar, et il se retrouve esclave, en prison ! Ne peut-on pas voir la force d’âme de Yossef qui ne cesse de se référer à D.ieu ? À la femme de Poutiphar, il dit : « Comment puis-je commettre un si grand méfait et pêcher envers D.ieu ? » (Beréchit, 39,9). À Pharaon qui lui demande l’interprétation du songe, il répond : « Loin de moi (d’expliquer le rêve) ! C’est D.ieu qui répondra pour donner la paix à Pharaon » (Ibid. 41, 16). Après l’interprétation, il répète : « Ce que D.ieu veut faire, Il l’a annoncé à Pharaon » (Ibid. v. 25). À ses frères, avant de se faire reconnaître, il affirme : « Faites ceci et vous vivrez ; je crains D.ieu » (Ibid. 42,28). Et, plus tard, après s’être fait reconnaître, il conclut : « Et maintenant, ce n’est pas vous qui m’avez fait venir ici, c’est D.ieu… Dites à mon père : “Ainsi parle ton fils, Yossef, D.ieu m’a fait le maître de toute l’Égypte… » (Ibid. v. 9). La référence à l’action du Tout-Puissant est constante. C’est la leçon que Yossef donne ; il ne cesse jamais de reconnaître l’intervention de la Providence.
La foi en D.ieu de Yossef est illustrée par ses rapports avec les vêtements, c’est-à-dire avec son apparence extérieure. À 5 reprises, les vêtements reflètent les divers moments de la vie : heureux chez son père, il reçoit la tunique bigarrée (כתונת פסים) ; quand il est vendu en esclave, la tunique est trempée dans le sang ; en Égypte, la femme de Poutiphar lui prend son vêtement, preuve de sa calomnie. Appelé chez Pharaon, il change d’abord de vêtement, car il était habillé en prisonnier. Finalement, il reçoit un habit royal, symbole de son élévation. Les vêtements sont le reflet des circonstances, et symbolisent donc sa réaction au monde extérieur, bien que ses réactions aux divers évènements de son existence ne soient pas clairement exprimées.
Yossef symbolise le refus de l’assimilation, et par là, il assure la permanence du message des trois Patriarches. Aussi il annonce à ses frères la libération d’Égypte, en leur demandant de transporter son corps pour le faire enterrer en Terre Sainte. Dans le désert, le cercueil de Yossef était transporté à chaque étape par les enfants d’Israël et l’arche dans laquelle était le corps de Yossef était placée à côté de l’Arche Sainte. Le Midrach ajoute : « Les gens demandaient : “Que fait cette arche à côté de l’Arche Sainte ?” Et la réponse était : “Celui qui est couché dans cette arche a accompli tout ce qui est écrit dans les tables de la Loi qui sont dans l’Arche Sainte”. » Peut-on mieux témoigner du rapport entre l’observance de Yossef et la pérennité d’Israël ? C’est le sens de ce Midrach qui rapporte la proximité des deux arches : l’arche portant le corps de celui qui a maintenu sa foi parmi les idolâtres est à côté de l’arche qui porte, pour le peuple d’Israël, la Loi du Créateur.
L’effort fait par les Hasmonéens, à l’époque hellénistique, durant la période du Second Temple de Jérusalem, effort fait pour lutter contre l’hellénisation du peuple juif. Les hellénisants ont voulu adopter la culture grecque, s’assimiler à l’hellénisme qui refusait la foi en un Créateur Tout-Puissant, qui a créé le monde ex-nihilo. Toute la culture hellénique exalte la force, la beauté, la souplesse du corps. Le terme « gymnastique » vient d’une racine grecque liée au développement du corps. L’esprit grec se fonde sur l’élément matériel, alors que la sagesse de la Torah, la « ‘Hokhma », émane de l’intelligence divine, c’est-à-dire de la source éternelle. Les Hasmonéens durent lutter pour empêcher les Grecs de détruire le Hod, cette spiritualité de source divine que concrétisait le Temple de Jérusalem. Il importait pour les Grecs de souiller, d’éliminer cette émanation de la divinité. Empêcher cette hellénisation fut le mérite des Hasmonéens et reste l’apanage du judaïsme. Les 5 avatars matériels des vêtements de Yossef reçoivent leur spiritualité grâce aux 5 habits que Yossef donne à son frère Binyamin, qui symbolise le Beth Hamikdach, qui sera localisé dans le territoire de Binyamin, à Jérusalem.
Traduisons cet affrontement entre ce spiritualisme absolu, et une affirmation philosophique croyant en l’éternité du monde. Idolâtrie des Grecs, panthéisme spinoziste, matérialisme marxiste, confiance aveugle en une technologie débordante, autant d’avatars de l’hellénisme. Piège pour Israël, danger pour l’humanité, ces séductions risquent de détruire un monde créé par une Transcendance toute-puissante. Sachons reconnaître ces pièges qui nous guettent, restons attachés à notre D.ieu, et n’oublions pas l’affirmation de Yossef à ses frères : « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici ! C’est D.ieu Qui m’a conduit… » Reconnaître la présence, le rôle de la Providence dans l’Histoire est le seul salut pour une humanité embourbée dans les guerres, les crises financières, les problèmes sociaux et humains : reconnaître que D.ieu est le seul Souverain de l’humanité, selon le verset des Téhillim : « Car c’est à l’Éternel que revient la Royauté, et c’est Lui qui exerce Sa domination sur les nations » (Téhillim, 22, 29).