Décidément, la Covid-19 ne nous lâche pas. Elle est encore plus tenace qu’un bout de chewing-gum sur la semelle d’une chaussure. Elle s’accroche. Alors qu’en Israël on semble en avoir fini avec la seconde vague, cette dernière frappe l’Europe de plein fouet. C’est reparti avec les couvre-feux et autres restrictions. Notre existence est désormais rythmée par un petit virus. Il nous impose quand et comment nous circulons en public. Qu’est-ce que cela nous inspire ? On en a marre évidemment, mais encore ? Que penser d’une telle situation ?
Le port du masque est sans aucun doute la chose qui impacte le plus notre quotidien sous la Covid-19. Tous les visages sont couverts et les gens ne sont plus que des regards. Ces morceaux de tissus ont modifié nos habitudes ainsi que notre façon de percevoir les autres ou de nous percevoir nous-même. À titre anecdotique, certains notent une baisse des ventes de maquillage. Il est inutile de se maquiller, car personne ne le verra. C’est charmant ! Le port du masque jette surtout un voile sur cette face tant prisée par nos sociétés. Avant la Covid-19, nos visages étaient nos petites vitrines portatives. On y affichait nos humeurs, nos goûts, notre rang social ou nos convictions. Mais aujourd’hui, le visage et tous ses symboles sont presque entièrement masqués. Il ne nous reste plus que le regard, ce reflet de l’âme. C’est désormais là que l’on trouve l’autre. La Covid-19 nous oblige à voir ce que l’autre a de plus vrai et de plus beau : son âme. N’est-ce pas extraordinaire ? Désormais, on ne perçoit plus la vitrine, mais ce que contient réellement le magasin. Car le regard ne ment pas. Il révèle notre identité.
L’identité détient une place très importante dans le Judaïsme. Les récits de la Torah nous racontent la genèse et la consolidation de cette identité juive qui est la nôtre. Ils nous apprennent ce que cela signifie d’être juif. La vie de nos patriarches et de nos matriarches ainsi que les pérégrinations des douze tribus, de Moché Rabbenou et l’ensemble du peuple d’Israël sont les racines et le corps de notre identité. On peut vivre cette période « masquée » comme une occasion de réfléchir à cette identité parfois égarée dans les méandres d’une société un peu superficielle. C’est l’occasion de s’attacher au reflet de l’âme plus qu’à toute autre chose.
Qu’est-ce qu’un Juif ?
Si nous nous définissons comme juif, il faut s’entendre sur ce que cela signifie. Qu’est-ce qu’un Juif ? D’un point de vue halakhique, les choses sont assez claires – bien que faisant l’objet de polémiques récurrentes. Il faut être né d’une mère juive ou avoir été converti par un tribunal rabbinique orthodoxe. D’un point de vue plus « philosophique », un juif est un Maamin, un croyant. Selon Maïmonide, un juif croit dans les treize principes de foi suivants :
- La croyance en l’existence du Créateur, qui est parfait dans toutes les modes d’existence et est la Cause Première à tout ce qui existe.
- La croyance en l’unité absolue et sans égale de D.ieu.
- La croyance en la non-corporalité de D.ieu, qui ne peut pas être affecté par tout événement matériel, tel que le mouvement, le repos ou la résidence.
- La croyance en l’éternité de D.ieu.
- La croyance en l’impératif d’adorer D.ieu exclusivement et de n’adresser de prière à aucune fausse divinité.
- La croyance que D.ieu communique avec l’homme à travers la prophétie.
- La croyance en la primauté de la prophétie de notre maître Moïse.
- La croyance en l’origine divine de la Torah.
- La croyance en l’immuabilité de la Torah.
- La croyance en l’omniscience et la providence de D.ieu.
- La croyance en la récompense et le châtiment divins en fonction des actes de l’homme.
- La croyance en l’avènement du Machia’h, le Messie, et de l’ère messianique.
- La croyance en la résurrection des morts.
Nos patriarches et nos matriarches nous apprennent également la Emouna. Nous lisons en ce moment dans la Torah la vie d’Avraham Avinou. Le Midrach nous raconte comment Avraham a cherché D.ieu. Après l’avoir trouvé, il s’est attaché à Lui et L’a suivi tout au long de sa vie. Avraham Avinou est et restera le croyant par excellence. Isaac se distingua par sa foi indéfectible en D.ieu. Il accepta sans sourciller d’être sacrifié sur l’autel. Yaacov, quant à lui, s’est investi corps et âme dans l’étude de la parole divine. Il s’est ensuite attaché à vivre selon la Torah, et ceci avant même qu’elle ne soit donnée au peuple d’Israël. Ils étaient tous des Maaminim, des croyants. La Emouna donne tout son sens à la vie juive. Elle est le fondement de l’identité juive. Selon Maimonide, l’âme juive est intrinsèquement croyante. Cette foi est plus ou moins voilée, mais elle est là. Elle ne demande qu’à être dévoilé. Un jour un précepteur demanda au jeune rabbi Alter de Gour où est D.ieu. Ce dernier lui répondit : il est là où on le laisse entrer. Notre identité juive est un héritage, mais elle dépend aussi de nous. À l’instar d’Avraham Avinou, nous devons chercher D.ieu et une fois qu’on l’a trouvé, le suivre fidèlement. Cela commence par voir au-delà du masque. Car D.ieu porte aussi un masque. C’est ce petit bout de « tissu » que l’on appelle nature. Nos sages nous enseignent que le mot Teva (= nature en hébreu) à la même valeur numérique qu’Elokim. On raconte qu’un athée se présenta à rabbi Akiva et le défia de lui prouver l’existence de D.ieu. Rabbi Akiva releva le défi et lui proposa de le revoir le lendemain. Le jour suivant, l’athée revint comme convenu. Rabbi Akiva lui demanda alors : « Qui a confectionné ton vêtement ? », et l’athée lui répondit : « Le tailleur ! » Rabbi Akiva lui rétorqua : « Je ne te crois pas. Prouve-le-moi ! » Déconcerte, l’athée se contenta de lui dire : « Tu sais très bien que c’est le tailleur qui l’a confectionné ! » ; ce à quoi rabbi Akiba répliqua : « Tout comme le vêtement prouve l’existence du tailleur, le monde dans sa complexité, atteste de l’existence de D.ieu. » La nature masque la « face » du Créateur, mais celle-ci reste visible pour quiconque veut la voir. Cette période nous invite donc à découvrir celui ou celle qui se trouve derrière notre petit masque et à découvrir Celui qui se cache derrière le grand « masque » qu’est la nature. Ce petit virus tenace nous donne l’occasion d’un regard plus profond sur l’existence. Sachons saisir cette opportunité.