Dans l’article de cette semaine, je voudrais traiter d’une question qui nous est posée maintes fois. Elle concerne principalement des personnes âgées, mais peut également toucher des gens plus jeunes : puis-je mettre dans le Michloa’h Manot du pain à quelqu’un souffrant de la maladie cœliaque (intolérance au gluten) ? Est-ce que je m’acquitte de cette Mitsva en envoyant des sucreries à un diabétique ? Quelle est la Halakha si j’envoie du chocolat au lait à une personne allergique au lactose ?
Ce sont des questions passionnantes concernant cette magnifique Mitsva de Michloa’h Manot (cadeaux que les Juifs s’envoient les uns les autres à Pourim).
Le Rambam (Maïmonide) nous a enseigné (Méguila, 2. 15) que le Michloa’h Manot fait partie intégrante de l’obligation de Michté Vésim’ha (faire un festin et se réjouir). De même qu’une personne s’occupe des besoins de son propre repas, les Sages lui ont en effet ordonné de veiller à ceux de son prochain afin que celui-ci puisse également respecter son obligation de se réjouir le jour de Pourim. Par conséquent, cette Mitsva consiste essentiellement dans l’envoi de nourriture, de préférence des plats cuits (de la viande par exemple) de telle sorte que le bénéficiaire puisse immédiatement les servir au cours de son repas. Le Ba’al Hatroumot Hadéchen, l’un des plus grands Sages ashkénazes du 15ème siècle, fut interrogé au sujet d’une coutume intéressante en vigueur à son époque : envoi de blouses et de draps en tant que Michloa’h Manot. Il répondit qu’il est impossible de s’en rendre quitte en faisant de tels cadeaux, car le but de cette Mitsva est que chacun soit à même d’accomplir la Mitsva de festoyer. Et ce type de cadeaux ne convient pas.
La Michna Beroura (chap.695 : &20) statue de la manière suivante : la Mitsva de Michloa’h Manot s’accomplit en envoyant des aliments, et non pas tout autre chose, par exemple des vêtements. Les boissons sont considérées comme de la nourriture ; aussi est-il possible d’envoyer un aliment et une boisson. L’aliment doit être prêt à la consommation – c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de s’acquitter de son obligation en envoyant un poulet vivant.
Mais en vérité, outre ce lien établi entre la Mitsva de Michloa’h Manot et la Mitsva du festin, il existe une approche dont le représentant le plus éminent est Rabbi Chlomo Elkabets, auteur du célèbre chant de Chabbath Lékha Dodi. Dans son livre Manot Halévi, il écrit que le but du Michloa’h Manot est de renforcer nos sentiments d’amour et de fraternité envers nos frères juifs et de montrer que nous faisons preuve d’unité et de cohésion entre nous.
Après avoir pris connaissance de ces deux façons d’aborder le principe du Michloa’h Manot, il nous reste à discuter des questions ayant en commun le fait qu’elles ont trait à toutes sortes d’aliments dont le bénéficiaire ne peut pas jouir. Apparemment, de l’avis de Rabbi Chlomo Elkabets, cela ne devrait pas poser de problème particulier parce que, au moyen de ce genre de cadeaux, l’expéditeur montre son affection et son amitié au destinataire. Mais selon l’explication du Rambam et du Ba’al Hatroumot Hadéchen, il semble que ces aliments soient pour le bénéficiaire comme des cadeaux quelconques, des draps ou du linge, et pire encore puisqu’il ne peut pas en profiter.
Le principe de la Halakha est que si en fait, le destinataire prend son repas de Pourim tout seul, il est impossible se rendre quitte de la Mitsva de Michloa’h Manot en lui envoyant quelque chose dont il ne peut absolument pas jouir. Mais si des invités sont présents à la table du bénéficiaire et que ceux-ci peuvent profiter de ces aliments, l’expéditeur se sera alors acquitté de la Mitsva de Michloa’h Manot même si le destinataire ne peut pas les consommer.
Il est néanmoins important de noter que, bien que des convives soient attablés à sa table, c’est néanmoins fortement déconseillé. Et même selon l’opinion de Rabbi Chlomo Elkabets, il est raisonnable de supposer que l’envoi de nourriture inappropriée et inutilisable pour la personne qui la reçoit ne prouve pas spécialement que l’expéditeur soit animé d’un élan redoublé d’amour et d’amitié. Le destinataire aura le sentiment que l’expéditeur ne s’intéresse pas trop à lui et lui a envoyé simplement ce qui lui est tombé sous la main. Mais si l’expéditeur prend soin de lui adresser ce qui lui convient, le destinataire appréciera les efforts fournis par l’expéditeur et la prise en compte de ses besoins.
Il convient de noter que l’on ne peut pas s’acquitter de la Mitsva de Michloa’h Manot en envoyant de la nourriture à un malade incapable de manger et nourri uniquement par perfusion (il convient bien entendu de lui adresser un Michloa’h Manot, mais après seulement s’être rendu quitte de cette obligation avec d’autres personnes).
Références : Rambam, Halakhot Méguila, chap 2. 15 ; Troumat Hadéchen, chap.111 ; Michna Beroura, chap.695.20 ; Manot Halévi, chap.9 ; Yabiya Omer, 9ème partie, Ora’h ’Haïm, chap.74.
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