Question
Chalom Harav,
La semaine dernière, j’ai assisté à un cours donné par un Rav. Celui-ci nous a enseigné que si un homme doit subir une intervention chirurgicale afin de l’empêcher de devenir aveugle et que c’est alors Chabbath, il lui sera interdit de le faire même s’il perd la vue, car sa vie n’est pas en danger. Ces propos m’ont semblé très bizarres. En effet, je me souviens de mon grand-père qui était atteint de cataracte et ne pouvait absolument rien voir. Avant l’opération qu’il devait subir, il se trouvait dans un état de santé très alarmant ! Quelle est donc la Halakha ?
Réponse
Chalom et bénédiction.
C’est une question intéressante et importante. Il faut savoir que, fondamentalement, la Guémara dans le traité 'Avoda Zara est d’avis que certaines maladies oculaires sont considérées comme mettant la vie des hommes en danger et qu’il est donc permis de transgresser le Chabbath dans ce cas-là. La raison en est que, selon la Guémara, ces affections sont susceptibles de provoquer une grave maladie cardiaque ! (Conformément au commentaire de Rachi, la Halakha étant tranchée principalement dans ce sens.)
Réponse détaillée
Il en ressort que, d’après Rachi, si la vie humaine n’était pas en danger, il serait interdit de traiter une maladie oculaire même dans le cas où, par faute de soins, le patient deviendrait aveugle. C’est également la position prise par le Ramban dans ce débat. Il en va de même en ce qui concerne la conclusion Halakhique rendue par Maran Harav 'Ovadia Yossef.
Il est intéressant de noter que les décisionnaires ont essayé de comparer la situation d’un individu atteint de cécité à celle de quelqu’un souffrant d’épilepsie. Le Maharam de Rottenburg permet de violer le Chabbath afin de guérir ce dernier, car il est en danger à tout moment. Il risque en effet de tomber dans l’eau ou dans le feu et de mourir d’une crise d’épilepsie. Certains décisionnaires ont pareillement émis l’opinion selon laquelle les aveugles courent un danger similaire. Mais le Rav 'Ovadia Yossef dans son livre de questions-réponses Yabi’a Omer rejette cette comparaison parce que, selon lui, un épileptique n’est pas maître de ses actions et, par conséquent, est considéré comme se trouvant en danger. Quant à un aveugle, il est en mesure de planifier sa marche et de ne pas s’exposer au danger.
Une réflexion fascinante supplémentaire proposée par Rabbi Chlomo Kluger touche au fondement même de la loi de Pikoua’h Néfech (sauvetage de la vie humaine) pendant Chabbath. Tous ceux qui étudient la Torah savent que cette loi indiquant que Pikoua’h Néfech repousse le Chabbath prend sa source dans le verset « Et tu vivras par elle » et non pas « Et tu mourras par elle. » C’est ainsi que l’explique la Guémara à la fin du traité Yoma, mais elle rapporte un autre enseignement qu’elle déduit du verset « Et les enfants d’Israël observeront le Chabbath. » Rabbi Chim'on ben Ménassaï l’analyse comme suit : « La Torah a dit : "transgresse pour lui un Chabbath afin qu’il respecte beaucoup de Chabbatot" » ! De nombreux décisionnaires sont d’avis que la Halakha est tranchée également suivant cet enseignement. Par exemple, bien qu’un fœtus ne soit pas considéré comme un être « vivant », on a le droit de violer le Chabbath pour le sauver uniquement en raison de la règle « afin qu’il respecte beaucoup de Chabbatot. »
(Les décisionnaires ont également adopté cette approche dans un certain nombre de cas tels que si on ne transgressait pas le Chabbath pour quelqu’un, celui-ci ne serait pas en mesure d’accomplir les Mitsvot de la Torah et ce, sans aucun lien avec un danger de mort. il s’agit, par exemple, d’empêcher de toute urgence une jeune fille juive d’entrer dans une école d’idolâtres.)
Si tel est le cas, fait observer Rabbi Chlomo Kluger, il est bien vrai qu’un aveugle n’est pas en danger, mais, d’après Rabbi Yéhouda, il est exempté de l’obligation d’accomplir les Mitsvot. Aussi devons-nous « transgresser pour lui un Chabbath » afin qu’il conserve la vue et ne devienne pas aveugle de telle sorte qu’il ait l’obligation de continuer à observer les Mitsvot et à respecter de nombreux Chabbatot !
Sans entrer dans les détails supplémentaires fournis par Rav Kluger et par les autres décisionnaires qui sont en désaccord avec lui, il convient de prendre en compte un avis particulièrement pertinent formulé par le Tsits Eliezer et contredisant les propos de Rav Kluger. Il soutient qu’il est impossible de comparer la situation de quelqu’un qui, halakhiquement, est exempté d’accomplir une Mitsva particulière (comme un aveugle d’après Rabbi Yéhouda) à la situation de celui qui est en danger et qui, si l’on ne vient pas à son secours, mourra et ne pourra donc pas observer les Mitsvot !
Références
Avoda Zara, 28b ; Choul’han Aroukh, Ora’h ’Haïm, chap.328, §9; Yabi’a Omer, 3e partie, chap.23 ; ’Hokhmat Chelomo, chap.328 ; Tsits Eliezer, 8e partie, chap.15, sous chapitre 10
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