"Tout celui qui divorce de sa première femme, même l'autel en déverse des larmes" (Guittin 90,2). L’autel était l'ustensile sur lequel étaient offerts les sacrifices par les Cohanim. L'autel pleure ! nous dit le Talmud. Il pleure sur ce couple qui n'a pas su sacrifier pour la construction de sa maison. En effet, sans sacrifices, sans don de soi, il est impossible d’arriver à l'harmonie. Bien évidemment, on ne parle pas de ceux qui ont tout fait pour y arriver (efforts personnels, thérapie de couple) et qui, malgré cela, ont décidé de se séparer, après avoir concerté des autorités rabbiniques. Le divorce fait partie des commandements positifs, il est permis quand il n'y a pas d'autre alternative.
Mais, il faut savoir qu'il est comparé à l'amputation d'un membre du corps, comme nous l'enseigne le Rav Azriel Tauber dans son livre Pirké Ma'hchava. En divorçant, nous dit le Rav, les conjoints risquent de perdre la raison de leur venue dans ce monde. L'homme et sa femme constituent, chacun, une partie d'une seule âme. Ils sont associés dans la réparation qu'ils doivent faire ici-bas. Toutes les difficultés qu'ils rencontrent dans leur vie de couple sont une partie intégrante de leur réparation, sur le chemin de l'amélioration de soi. En d'autres termes, l'homme représente une sorte d'autel expiatoire pour sa femme, et la femme pour son mari !
Les statistiques indiquent que le pourcentage de divorces atteint aujourd'hui presque 40% pour les premiers mariages et 80% pour les deuxièmes mariages. Comment est-ce possible, si c'est Hachem Lui-même qui unit ces deux moitiés d'âme, comme il est écrit : ”40 jours avant la création du fœtus, la voix céleste sort et décrète : unetelle appartient à untel” ? (Sota 2,1)
Il y a plusieurs réponses à cette question :
1- La réparation
Dans certains cas, pour des raisons que D.ieu seul détient, la réparation du couple dans ce monde est le divorce. Il fallait que cet homme et cette femme se marient, qu’ils aient des enfants ensemble, qu’ils traversent certaines épreuves ensemble, et c'est pour cela qu'ils se sont rencontrés !
2- L’ignorance
Un grand nombre de divorces résultent d'un manque de savoir et de préparation au mariage. De la même manière qu'on ne peut se mettre à conduire sans avoir appris les règles de la conduite et le code de la route, on ne peut en aucun cas s'engager dans une vie commune sans savoir comment se comporter. Surtout qu’en général, on reproduit l'exemple que l'on a reçu dans l'enfance et qui peut être très négatif. Nombreux sont les gens qui ont divorcé plusieurs fois et qui ne sont jamais arrivés à la satisfaction dans leur couple, parce que ce qui leur manquait n'était pas un conjoint parfait mais un investissement personnel.
3- La génération de "l'instantané"
Nous vivons dans une génération qui cherche des résultats immédiats. Le mot-clé de la réussite est, je pense : patience, patience, et patience. Une construction solide exige beaucoup de réflexion, de précision, de persévérance, et, avant tout, de nombreuses larmes de supplication. Réussir à unir deux êtres essentiellement différents n’est pas naturel. Cette union est surnaturelle, comme il est écrit : "Le mariage est une œuvre aussi ardue que l’ouverture de la Mer Rouge” (Béréchit Rabba). Donc, lever les yeux vers Hachem et Lui demander de l’aide tout au long de notre parcours est indispensable.
4- Les comparaisons
Malheureusement, le phénomène des comparaisons existe et détruit beaucoup de foyers. De la même manière qu'on compare un salaire ou un modèle de voiture, on compare également le conjoint. Cette attitude néfaste vient à l'encontre des fondements du mariage, la Émouna que notre âme sœur est la seule et la plus adéquate pour nous dans ce monde. Il n'y a personne au monde qui nous convienne mieux que notre mari, avec ses défauts, ses faiblesses, et ses désirs qui, parfois, ne correspondent pas aux nôtres.
Des pensées telles que : "On ne va pas ensemble, on n'a rien à voir…" sont le fruit d'un manque de confiance en Hachem qui sait mieux que nous ce qu'il nous faut. Sous la 'Houppa, on fait une bénédiction dans laquelle on souhaite au 'Hatan et à la Kalla d'être heureux comme l'étaient Adam et 'Hava dans le jardin d'Eden. D'où provenait leur immense joie ? Et bien, tout simplement du fait d'être seuls ! Ils n'avaient personne avec qui comparer. Ils se satisfaisaient mutuellement (comme il est écrit dans la Michna : "Qui est riche ? Celui qui est content de ce qu’il a." (Maximes des pères).
Des paroles comme : "lui, au moins, il aide sa femme ! Il lui fait la vaisselle, emmène les enfants au parc…" Ou encore : "regarde unetelle, comme elle est calme ! Elle ne crie jamais, et toi tu ne fais que crier !" n'existaient pas. La comparaison empêche toute construction. L'acceptation de l'autre, comme il est, est la condition sine qua non pour envisager une évolution positive.
5- Mettre le focus sur le négatif
On ne pourra pas se lier à notre conjoint en se focalisant sur le négatif ! Il est vrai que c'est la tendance naturelle de l'homme, mais il est impératif de lutter contre cela pour pouvoir se rapprocher. Il faudra apprendre à développer un regard positif en se concentrant sur les qualités et les forces de notre conjoint et en s'efforçant de le juger avec indulgence. On ne chasse pas l'obscurité avec un bâton mais en allumant de la lumière. Mettons-nous à encourager, à complimenter, à remercier (même sur ce qui nous semble banal) et nous verrons combien l'atmosphère changera à la maison.
Le Séfer Ha'hinoukh nous révèle une règle précieuse sur laquelle repose toute l'éducation : les actes extérieurs de l’homme influent sur son intériorité. Les gens heureux ne sont pas ceux à qui il ne manque rien, mais ceux qui savent ouvrir les yeux sur le bien qu’ils détiennent.
6- Connaissons-nous le but du mariage ?
Que se passera-t-il si l'on se met à voyager sans connaître notre destination ? Sans fixer notre objectif, pourra-t-on s'engager dans le bon chemin ? Envisager un mariage sans éclaircir ce point essentiel est sans doute l'une des raisons majeures de l'échec. Quand Hachem a créé le monde, après chaque créature, Il a exprimé de la satisfaction. Mais, après avoir créé l'homme, la couronne de la création, Il a exprimé de l'insatisfaction : "Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul, Je lui ferai une aide à ses côtés” (Béréchit).
En résumé, un homme seul restera imparfait. La seule manière de se parfaire est à travers la vie commune. C'est le moyen qui lui permettra de ressembler à son créateur, en donnant à son conjoint ce qu'il a besoin de recevoir. Le contexte du mariage l’obligera à sortir de son égocentrisme (en donnant, en partageant, en comprenant...) et donc à s'élever au-delà son côté animal pour acquérir une stature spirituelle méritante du monde futur.
Chabbath Chalom à toutes !