פִּיהָ פָּתְחָה בְחָכְמָה וְתוֹרַת חֶסֶד עַל לְשׁוֹנָהּ.
Elle ouvre la bouche avec sagesse, et une Torah empreinte de bonté est sur ses lèvres.
Une cohérence absolue, dès les premiers mots de la journée
Elle ouvre la bouche avec sagesse ! De quoi parle-t-on ? Tout d’abord, le Roi Salomon nous parle des premiers mots que la Echet ‘Hayil prononce chaque jour : il s’agit de la prière de Modé Ani. En effet, chaque matin les juifs prononcent cette louange à Hachem. Mais on peut la dire en mode « pilotage automatique » sans aucune intention, pour tout de suite filer hors du lit et commencer notre journée. Ou bien, on peut, à l’inverse, comme le fait la Echet ‘Hayil, la dire posément, de tout notre esprit, le coeur plein d’amour et de reconnaissance envers Hachem pour le fait qu’Il nous a rendu notre âme.
Lorsque la Echet ‘Hayil fait cela, son Modé Ani prend une toute autre valeur : elle réalise que cette nouvelle journée qui commence est un véritable cadeau du Ciel. En fait, dès le matin, la Echet ‘Hayil s’efforce d’être en cohérence avec ce qu’elle dit. Dès le matin, elle s’efforce de reconnaître le bien que Hachem lui prodigue dans sa vie afin de s’habituer à porter le même regard sur les choses pour tout le reste de sa journée [1].
Ouvrir la bouche avec sagesse, c’est connecter ses paroles à ses actes
La force de la parole, chez la Echet ‘Hayil, c’est de connecter ses paroles à ses actes. Imaginons que, fréquemment, lorsqu’elle est au téléphone, une mère dise : « Je te rappelle plus tard, car là je passe sous un tunnel ! » ou bien encore d’autres fausses excuses comme celle-ci, de façon récurrente et sans aucune remise en question. Puis lorsqu’elle prend son enfant sur le fait en train de mentir, elle lui fait la séance de morale : « Je t’ai déjà dit qu’il ne faut pas mentir », alors l’enfant intègre que : « De mentir, pour Maman c’est permis, mais pour les enfants c’est interdit. J’ai hâte d’être grand pour avoir le droit de mentir moi aussi ! ». La Echet ‘Hayil essaye d’être toujours en adéquation avec ce qu’elle prône verbalement.
Il ne faut pas croire, non plus, que la Echet ‘Hayil c’est celle qui ne fait aucun faux pas. Parfois, elle se trouve en porte-à-faux avec ce qu’elle dit, comme cela nous arrive à tous ! Mais, dans ce cas, elle sait se remettre en question verbalement et dit « Cela arrive à tout le monde de faire des erreurs, l’important c’est de rectifier ! ». Ainsi, tout son entourage bénéficie, à la fois de sa cohérence globale, mais aussi, de sa capacité de remise en question exprimée lors de ses erreurs de parcours.
Tout l’art de la communication, c’est de savoir comment parler et quand parler
La Guémara rapporte qu'au moment de la création du monde, 10 mesures de parole sont descendues dans le monde, et 9 sur 10 ont été données à la femme, car la construction du foyer et le tissage de relations vraies et authentiques avec notre entourage passe par la parole. Or, en matière de communication, éducation, relations entre conjoints, il y a une grande règle, simple à comprendre, mais moins simple à appliquer : Savoir comment parler, et quand parler… [2]. En temps de tension, d'énervement ou d'exaspération, aucune remarque ne pourra jamais être formulée de façon adéquate ! Donc si c’est juste pour extérioriser nos frustrations au risque de blesser nos proches, il vaut mieux encore se taire… et attendre quelques instants de se sentir mieux pour bien parler !
De même, parfois, même si nous sommes détendus, l’autre personne n’est pas à même de pouvoir entendre notre message. Par exemple, si notre enfant vient de rentrer tout penaud de l’école parce qu’il a été puni injustement par la maîtresse, ce n’est sûrement pas le moment de lui faire des remarques sur l’état de sa chambre ! Le Rav Chlomo Zalman Auerbach disait : « Si on ne sait pas se taire, il est interdit de parler ! ». En effet, le plus grand ‘Hessed que l’on peut faire autour de nous, c’est déjà apprendre à avoir la maîtrise de sa parole.
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.
Dans ce verset, il s’agit de Sera’h, la fille de Acher.
Sera’h bat Acher fut celle qui a annoncé à son grand-père Yaakov que Yossef était en vie. En effet, elle savait jouer de la harpe à merveille et elle lui a chantonné de façon très douce “Od Yossef ‘Haï ! Od Yossef ‘Haï ! Od Yossef ‘Haï !” : Yossef est vivant ! Afin qu’il se fasse à cette idée et qu’il se prépare à entendre la bonne nouvelle sans que cela ne lui fasse un choc qui lui soit fatal. Elle va vivre très longtemps, puisque 210 ans plus tard, c’est elle qui va certifier que Moïse est bien l’envoyé de D.ieu pour libérer le peuple juif de l’esclavage en Égypte, et c’est elle qui va montrer à Moïse où sont les ossements de Yossef pour qu’il puisse être re-enterré en Israël.
Selon une autre tradition, Sera’h avait vécu jusqu'au moment de la destruction du premier Beth Hamikdach [3] et aurait sauvé tous les habitants de la ville de Avel menacés par le général Yoav qui voulait se venger sur un traître, qui s’y cachait. Mais encore une fois, Sera’h fit un très bon usage de sa parole : elle vint lui parler avec douceur et calma ses ardeurs vengeresses, et finit par sauver la ville toute entière ! Dans le Talmud, Rabbi Yonathan ben Ouziel dit qu’elle est entrée vivante au Gan Eden par le mérite d’avoir bien usé de sa parole.
De Sera’h, et de la Echet ‘Hayil, nous pouvons apprendre une chose essentielle : savoir se taire dans les moments adéquats, savoir parler avec douceur et bienveillance, et prononcer des paroles douces et positives, sont le bon usage des 9 mesures de paroles que nous avons reçues, mais sont aussi ce qui nous fait mériter de très grandes bénédictions !
[1] Meam Loez sur Michlé (31,26)
[2] Rav Wolbe dans “Semer et construire”
[3] Il y a deux avis selon nos sages si il s’agissait de la même Sera’h (qui aurait donc vécu plus de 700 ans) ou bien comme l’affirme de le Maharal, la Sera’h de l’époque de David Hamelekh est en fait une résurrection de Sera’h la fille de Acher