Fêter la nature au cœur de l’hiver ? Cela paraît complètement anachronique, n'est-ce pas ?! Et pourtant, c’est ce que les Juifs font chaque année à Tou Bichvat ! D’où vient cette fête de Tou Bichvat ? La référence la plus ancienne se trouve dans le Talmud, où Tou Bichvat est appelé « le nouvel an des arbres » et attribue une signification juridique à cette date en lien avec le prélèvement du Ma'asser (la dîme) sur les fruits. Cependant, les Sages de la Kabbale [1] ont révélé une signification profonde et surprenante de Tou Bichvat : par le simple fait de manger des fruits lors du dîner festif, nous avons l’opportunité de réparer la faute originelle d'Adam et Eve ! Essayons de comprendre pourquoi...

Dans le Gan Eden, Adam et Eve n’avaient que deux Mitsvot à accomplir. Un commandement positif : « Manger de tous les fruits du jardin ». Et un seul interdit : « Ne pas manger du fruit de l’Arbre de la Connaissance » [2]. En fait, l’obligation d'Adam et Eve consistait exclusivement à jouir de tous les succulents fruits du jardin, à l’exception notable du fruit défendu. Évidemment, c’est celui-là qu’ils ont mangé ! Cette faute illustre à quel point ils méconnaissaient le véritable sens du plaisir.

En effet, les fruits, et de façon générale, tous les plaisirs permis de ce monde sont l’expression de l’amour qu'Hachem a pour nous, et de Sa volonté de nous faire du bien. Et si nous consommons et apprécions les fruits de ce monde dans cet état d'esprit, alors la jouissance que nous ressentons va nous pousser à nous attacher à la Source Première, à l’origine du plaisir : Hachem ! Or en ce qui concerne Adam et Eve, plutôt que de consommer et apprécier les fruits de ce monde dans l’esprit de s’attacher à Hachem, ils ont voulu jouir des fruits de ce monde, indépendamment d’Hachem.

Qu'est-ce que les fruits, célébrés à Tou Bichvat, ont de si particulier ? D.ieu aurait pu créer une bouillie contenant toutes les vitamines et les sels minéraux nécessaires à notre survie. Mais les fruits sont le dessert qu'Hachem a préparé spécialement pour nous. C'est un acte d'amour. Lorsqu’on déguste une pomme avec la conscience que c’est un cadeau d'Hachem, on ressent naturellement la présence d'Hachem dans la matérialité. Car une pomme n’est pas seulement une pomme. Une pomme est une création d’Hachem, qui nous est destinée pour que l’on ressente du bien

De plus, si l'on prend en considération le mystère et le miracle du goût, du parfum, de la beauté et des nutriments que cette pomme recèle, on s’aperçoit qu’il y a là bien plus qu’un fruit : il s’agit d’un merveilleux cadeau divin. Lorsqu’on déguste une pomme en étant conscient de cela, on ressent naturellement la présence de D.ieu dans la matérialité et dans notre quotidien. Et les différents fruits et plaisirs qu’Il a mis sur terre sont autant de voies qu’Il a créées pour qu’on se connecte à Lui. De là, on comprend une affirmation très étonnante du Talmud de Jérusalem : « L’homme devra rendre des comptes sur tous les fruits que ses yeux ont vus mais qu’il n’a pas pris la peine de goûter ». [3] Chaque sorte de fruit, étant une nouvelle facette de l’amour infini qu'Hachem a pour nous, représente ainsi une fabuleuse opportunité de nous attacher à Lui : il est tellement dommage de ne pas saisir cette opportunité !

C’est pourquoi le mot « se délecter » en hébreu, se dit « léhitaneg », et est à la forme réflexive : quand on savoure quelque chose, cela doit provoquer un changement intérieur en nous. Toute l’idée est de transformer nos expériences agréables terrestres, matérielles ou culinaires en expériences spirituelles ! Quand on mange une pomme et que l’on s’en délecte, on est en train de réaliser quelque chose de très élevé : on découvre une nouvelle facette de l’amour qu’à Hachem a pour nous. Et ainsi, c’est un tremplin vers la plus haute forme de jouissance : celle de s’attacher à D.ieu… tout cela grâce à une simple pomme !

Le plaisir et la jouissance, c’est l’essentiel du travail de la femme au sein de la maison juive ! En effet, l’outil principal de l’éducation est d'installer un conditionnement positif, c’est-à-dire de faire en sorte que les sensations qui accompagnent les valeurs que l’on veut transmettre, soient agréables ! Est-ce pour cela que nos mères et grands-mères ont toujours mis l’accent sur le plaisir culinaire liée aux fêtes juives ? Oui ! Est-ce également pour cette raison que lors de l’anniversaire de 3 ans d’un petit enfant juif, on lui fait goûter le miel qui se trouve imbibé sur les biscuits en forme de lettres, préparés avec amour par sa maman ? Oui ! Est-ce pour cette raison que les tables de Chabbath sont ornées de belles décorations et agrémentées de chants agréables ?

Le rav Dessler a confié que lorsqu’il était enfant, il se levait la nuit pour étudier la Torah et que les beignets et le café chaud que sa maman préparait n’étaient pas étrangers à son empressement à se lever ! Le rôle d’une mère est de s’adresser aux cinq sens qui constituent les courroies de transmission de la Torah et de toutes les valeurs qu’elle veut transmettre et faire aimer aux membres de son foyer !

Voici le message des arbres fruitiers aux femmes d’Israël : “Tout comme nous donnons du plaisir aux être humains, afin qu’ils s’attachent à leur Créateur, toi, la femme juive, tu es comme un arbre planté au sein de la maison dont les fruits agréables ont pour vocation de lier les membres de ton foyer à la Torah et à toutes les belles valeurs que tu veux leur transmettre.” 

Béatsla’ha et Tou Bichvat Saméa'h !

 

[1] Plus particulièrement le Arizal et Rav Tsadok Hacohen

[2] Béréchit (2,15 et 2,17)

[3] Kidouchin (48b)