« S’habiller d’une manière libérée, à l’européenne et non à l’orientale, est-ce vraiment grave ? Et comme dit mon oncle, est-il vrai que j’attire sur moi et sur mon peuple des calamités ? Pourriez-vous plutôt me dire, ce qui m’attend de bien, si je m’habillais selon vos coutumes ? », interroge Sylvie.
Il y a une action directe, consciente ou non, entre le vêtement et la disposition mentale de l’être humain. Le vêtement définit la Malkhout, c’est-à-dire le pouvoir. Il est un moyen de marquer chez l’autre une impression. Le vêtement est certes l’enveloppe de notre corps, mais il définit aussi notre état d’esprit.
Les hommes comme les femmes sont tenus de respecter et d’observer les lois de la Tsni’out, de la pudeur. Toutes les civilisations en formulent une esquisse. Dans tous les codes civils, il existe un délit : « atteinte à la pudeur ».
Hachem et Ses Sages à chaque génération, ont donné aux Juifs un ensemble de lois qui encadrent notre vie et profilent notre comportement. Ces lois ont pour objectif, comme toutes nos lois, de nous conduire à un mieux-être et une réparation. La définition de la pudeur ne dépend pas que de règles vestimentaires, ou de conduites. Elle repose sur une disposition interne de l’individu. Quelle est-elle ?
Approbation d’autrui
La volonté d’être pudique dépend de la prise de conscience d’un message sous-jacent que l’individu veut transmettre. Souvent, nous cherchons à « frimer » avec notre entourage. L’effet recherché par l’individu sur l’autre dépasse de beaucoup la longueur de la jupe ou des manches.
Tous les comportements, tous les artifices, tous les effets de « rayonnement », de charisme, peuvent être difficilement codifiés, car ils sont attachés à notre volonté d’impression sur l’autre. Et évidemment, de nombreuses lois peuvent être contournées, pour obtenir l’effet contraire… Aussi pour bien comprendre sur quoi repose le fondement de la Tsni’out, de la véritable pudeur, nous allons tenter de comprendre avant tout notre étoffe interne.
Tout individu sans exception a besoin de l’autorisation et de l’approbation extérieures, sociales, de ses propres valeurs. Ce principe est la base de la confiance en soi, (qui n’a rien à voir ici avec l’orgueil), principe attaché au cautionnement des autres. Quand un homme est jaugé, évalué et enfin complimenté, il est de ce fait « alimenté ». Ce regard favorable nourrit sa personnalité qui alors se développe et se stabilise.
Même si cette attitude est essentielle pour l’éducation des enfants, en vérité, il n’y a pas de différence entre les enfants et les adultes : tout le monde a besoin de cette nourriture, de ce regard d’assentiment.
Pour recevoir le cautionnement de notre entourage, sur notre raison d’être et nos qualités, on a tendance, d’une manière consciente ou pas, certains plus que d’autres, à chercher à capter l’attention.
Que faisons-nous pour cela ? Attirer l’attention, c’est mettre en scène différents actes, certains délicats, à peine ressentis, d’autres, beaucoup plus exagérés pour atteindre le cautionnement, tant désiré, qui ainsi confirmerait notre propre valeur.
Jusqu’ici, nous avons décrit des réalités conceptuelles sans jugement de valeur. Mais dès à présent, si un homme ne travaille pas sur lui-même, s’il ne prend pas conscience de son besoin de cautionnement d’autrui, les choses peuvent se développer d’une manière non souhaitée, c’est-à-dire, aboutir à un manque de pudeur.
Illusions d’optique
Il y a deux sortes d’erreurs :
- La première concerne quelqu’un qui est imbu de sa personne. Il cherche à cacher ses imperfections et souhaite par un comportement « attractif » obtenir le regard approbateur de la société. Son désir de « paraître » l’entraîne à faire de la plus-value sur lui-même. La recherche du cautionnement social et de l’approbation des autres le conduisent à se duper lui-même.
Les choses se compliquent, quand le critère revendiqué est la beauté. Elle n’est pas un critère plastique, lié au premier regard. La beauté est une composante de toutes les qualités de l’individu, et l’émanation de son bien interne. Prise comme un concept purement externe, elle est cette illusion qui trompe l’individu et les autres. Au contraire, la vraie beauté doit être interne, axée sur de réelles valeurs, et sur la moralité.
Ne pas se laisser duper soi-même, est essentiel.
- La deuxième erreur concerne des individus dotés de vraies valeurs qui recherchent le cautionnement de celles-ci à un endroit inadéquat. Désabusés de l’absence de reconnaissance, ils vont chercher à capter leur entourage et adopter peu à peu des conduites opposées à leur nature. Ainsi, tout doucement, l’homme va agir comme dans une sorte de comédie, que l’on nommera : « Regardez-moi ! louez-moi ! aimez-moi ! »
Existe-t-il plus malheureux que cet être qui vit que dans l’attente du cautionnement d’autrui ?
Combien d’énergie doit-il dépenser pour toutes ses représentations « conscientes ou non », qui n’ont qu’un seul but, trouver grâce aux yeux de l’homme, pour finir en fin de compte, à ne plus savoir qui il est, ni ce qu’il vaut réellement ?
Et surtout, ne vous méprenez pas, il existe beaucoup de positions de séduction, que nous utilisons, debout, assis, quand on mange, quand on parle, et même quand on prie, dirigées vers cette intention de séduction de notre entourage.
Mais qu’est-ce qu’un besoin d’approbation d’autrui, face au cautionnement et à l’évaluation du Très-Haut ?
Les paroles de nos Sages nous encouragent : « Il est préférable que les gens m’appellent « fou » toute ma vie, que d’être un moment « Racha », « méchant » aux Yeux de l’Éternel ! ».
Il est préférable pour chaque Juif, de se passer du cautionnement de la société, et peut-être même de recevoir des affronts, pourvu qu’Hachem, Lui, nous cautionne, et qu’à Ses Yeux, nous soyons importants.
Heureux ?
Le mot hébreu « heureux », « Achré » a les mêmes lettres que cautionnement, « Ichour ».
Celui qui n’attend de cautionnement que de D.ieu peut être heureux. Voilà en fait la définition de la pudeur. Quand un homme se satisfait du cautionnement d’Hachem sur ses actes, il ne cherche plus à séduire autrui. Mais, s’il se rassure par un comportement extérieur, non conforme aux commandements de la Torah, il aura du mal à lutter contre la société, et malgré lui, il se trouvera à mendier leur approbation.
La Tsni’out est une compréhension intérieure au-delà des paramètres sociaux, qui nécessite une confiance dans le regard de D.ieu, et n’est qu’une confrontation réelle et régulière avec le Créateur de l’Univers.
Prendre connaissance réellement de son Créateur, c’est déjà vouloir Le séduire, et la route est déjà tracée pour recevoir Son cautionnement. La véritable beauté de la pudeur libère l’homme et la femme des pressions superficielles et éphémères. Être Tsni’out ne consiste pas à cacher, ou à brimer ses qualités d’humain par des moyens difficiles, ce n’est tout simplement qu’une prise de conscience qui le libère des pressions sociales.
Prendre conscience de son monde intérieur, c’est être vraiment libre. Et cela suffit largement pour ressentir que nous valons quelque chose, puisque nous sommes liés au Très-Haut. Le qualificatif que Nos Sages associent à la pudeur, est comme par hasard « beau », la pudeur est « belle ». Elle est tellement belle, qu’elle ne doit permettre « aucune prise » étrangère, extérieure. Notre monde privé doit être protégé, il en vaut la peine !
Se sentir unique, et ne pas chercher à ressembler à tout le monde, c’est emprunter le chemin de l’éternité, celui de s’harmoniser avec Hachem, qui est Un !