"Bonjour,
Je suis l’heureux mari d’une femme extraordinaire ; nous sommes parents depuis quelques semaines.
Je ne comprends plus mon épouse, c’est pourquoi je vous écris. Depuis 10 jours, elle est vraiment bizarre. Elle est très fatiguée et très angoissée. Elle a du mal à s’occuper du bébé et insiste pour que je le fasse entièrement, se désintéresse de lui, délire en me disant qu’elle sera punie parce qu’elle est une mauvaise mère. Elle refuse de manger, ne peut plus allaiter. Elle ne dort plus, semble dépasser et s’affole devant chaque chose. Elle reste enfermée dans ses pensées, et je l’ai surprise tout à l’heure en train de parler toute seule. Elle me fait très peur. Je ne comprends rien, elle n’a jamais été comme ça. Elle qui est si sûre d’elle-même, qui a une Emouna (foi en D.ieu) tellement grande ! Je ne sais plus quoi faire. Jusqu’où doit aller mon inquiétude ?"
Réponse :
Je comprends votre question.
De nombreuses études ont montré que 80% des nouvelles mamans ressentent de la fatigue, de la tristesse, de l’instabilité, mais aussi de l’anxiété et des sautes d’humeur. C’est ce que l’on appelle le baby blues ou le syndrome du troisième jour.
Ce n’est pas grave en soi, c’est même totalement banal et courant, cela survient en général à partir du troisième jour après l’accouchement. Cela s’explique par la chute hormonale qui s’opère à ce moment-là et le manque de sommeil. Heureusement, dans ces cas, ces symptômes ne durent que de quelques heures à quelques jours. La plupart du temps, ils s’estompent d’eux-mêmes sans intervention. Grâce à l’aide, au soutien, et à la valorisation de sa famille, la maman reprendra rapidement sa vie en main.
Toutefois, dans 8% des cas, l’état ne s’améliore pas au fil des semaines et la maman se met à développer des idées noires, ses émotions sont décuplées, ce qui impacte sa relation à son bébé.
D’après le comportement que vous venez de me décrire, votre femme semble faire une dépression post partum. C’est une vraie maladie qui nécessite un traitement médical adapté.
Je vous conseille de l’amener à l’hôpital de toute urgence pour qu’un psychiatre lui fasse un diagnostic précis.
On ne connait pas précisément les raisons de la dépression post partum, cependant, certaines situations associées au bouleversement hormonal de fin de grossesse peuvent en être la cause. Cette dépression peut se produire jusqu’à un an après l’accouchement.
Comment s’est passée sa grossesse ? Dans quel climat ? A-t-elle rencontré des stress financiers ? Avez-vous eu des difficultés de couple ?
Enceinte, une femme a de la valeur aux yeux de son mari, de sa famille. Cette valeur est importante, surtout si la valeur et l’estime d’elle-même lui font défaut.
Vous dites qu’elle a confiance en elle, elle est extraordinaire…
Dans nos sociétés, nous n’évaluons la vie qu’en fonction de deux critères établis, fonctionnels ou esthétiques, l'on se voit, soit à travers notre fonction (nous sommes une mère, ou une enseignante, un médecin...), soit à travers l'image que l'on projette (religieuse, révolté...), et nous nous percevons à la lumière de ces critères.
Dès que la femme accouche, au niveau émotionnel, une séparation s’opère par rapport à la valeur d’elle-même. Imaginons que c'est une dirigeante d'entreprise qui mène sa vie familiale et professionnelle sans faille, elle a une excellente valeur d'elle-même, elle arrive à s’en sortir.
Quand ce n’est pas le cas et que sa réussite n'est qu'un combat intérieur, pour cacher son manque de valeur et d'estime d'elle-même, physiquement et mentalement, elle a du mal à s’en remettre. Elle finit par se décourager, se sent coupable, anxieuse et irritée. La fatigue et le manque de sommeil exacerbent tous ces ressentis.
Elle ne se voit plus de la même façon, n'arrive plus à se regarder avec la même valeur et la même estime de soi.
Difficile de gérer un bébé, son travail, sa famille, sans dormir, avec la sensation d'échec, de son couple, de sa famille.
Les plus petits conflits intérieurs deviennent insurmontables.
Chaque femme a besoin d’être énormément valorisée par son conjoint. C’est là que vous pouvez intervenir, en étant plus attentif, présent, même si elle ne vous le demande pas, et surtout si elle ne le demande pas. En lui expliquant que c’est ensemble que vous viendrez à bout de cette maladie qui est, somme toute, rare.
Vous dites qu’elle avait une grande Emouna quand elle était enceinte.
Sachez que lorsque la peur, la tristesse, la culpabilité et la frustration nous débordent, nous guident et nous dirigent, alors il n’y a plus de place pour le Divin. Nous ne voyons plus Hachem dans chaque instant de notre vie, et la solitude s’installe.
Le plus grand défi posé à l’être humain dans ce monde est, entre autres, de ne pas cultiver les sentiments négatifs, et d’avancer confiant dans la vie.
De la façon dont on se perçoit, nous percevons le monde, et les autres nous perçoivent.
Apprendre à connaître ses qualités, être conscient de ses défauts pour les corriger, nous permet d’augmenter notre capacité à nous dépasser. C’est ce qui permet de sortir de la maladie.
Aucun homme, aucune femme n’est coupable de sa maladie ou de son mal être.
Allons, retroussons nos manches, et n’oublions pas les paroles du verset « Celui qui est confiant est entouré de la bonté d’Hachem. »