Saviez-vous que le moment où le ‘Hatan et la Kalla (les fiancés) se dirigent vers la ‘Houppa est un moment extrêmement élevé ? Le Rav Azriel Tauber explique qu’à ce moment précis, les futurs conjoints réparent de façon entière la faute de Adam Harichon, celle d'avoir enfreint l'ordre du Créateur : ”Tous les arbres du jardin, tu peux t'en nourrir, mais l'arbre de la science du bien et du mal, tu n'en mangeras point, car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir !” [1]. Quel rapport y a-t-il entre ces deux événements, qui à priori n'ont rien en commun ?
Une des significations profondes de la faute du premier homme était la volonté d'être libre, de décider de sa propre vie sans dépendre d'une force extérieure supérieure. Tant que Adam et ‘Hava n'avaient pas fauté, ils étaient connectés à 100% à l'Éternel duquel ils dépendaient complètement. De Lui ils recevaient, c'est Lui qui les guidait. Et eux géraient leur vie uniquement selon la volonté d'Hachem. Cette confiance aveugle en l'Éternel s'est arrêtée au moment où ils ont goûté du fruit interdit. Ils ont en quelque sorte dit : nous voulons intervenir dans le courant des événements, nous voulons diriger notre vie, cela nous dérange d'être dirigés, de ne pas savoir ce qui va se passer !!
Cette volonté de programmer l'avenir, nous la réparons en allant vers la ‘Houppa. Car le couple s'engage dans une union qui exige une confiance totale en Celui qui a décrété ce mariage. Ni le mari, ni la femme, ne savent ce que le futur leur réserve ! Ils avancent sans se soucier de l'avenir, emportés par une confiance aveugle, un sentiment de sécurité qui ressemble à celui du nourrisson dans les bras de sa maman !
“Sois intègre, innocent avec Hachem ton D.ieu…” [2]
Quelle est cette intégrité que la Torah requiert de nous ? Et bien, tout simplement, il s'agit de la qualité suprême d'accepter tout ce que Hachem nous envoie avec amour et innocence (en hébreu Témimout) même quand on ne comprend pas, ou quand les choses vont à l'encontre de nos aspirations. Le Prophète Havakouk vient nous enseigner que le juste est celui qui fait face aux épreuves sans se poser de questions, en faisant confiance à la direction qu’Hachem lui donne dans ce monde.
Un jour, le Rav Yonathan Eybechitz était en train d'aller vers son centre d’étude quand il se fit soudainement arrêter par un agent de police qui le questionna : “Où allez-vous, monsieur ?”. “Je ne sais pas !”, répondit Rabbi Yonathan. “Il n'y a que Hachem qui sait où je vais !” continua-t-il. “Quelle réponse insolente !”, s’écria le policier. Fou de rage, il lui attacha des menottes et l'accompagna au poste de police.
Quand Rabbi Yonathan arriva devant le juge, celui-ci lui demanda : “Est-ce qu'il existe une personne adulte qui ne sait pas où elle se dirige ? Pourquoi as-tu été si insolent ?!”. C'est avec un grand sourire que rétorqua Rabbi Yonathan : “Vous voyez bien monsieur le juge que j'ai raison, je me dirigeais vers le Beit Hamidrach et le Maître du monde m'a fait arriver en prison !”
Ya'acov Avinou notre patriarche, le père des douze tribus, est appelé : “Tam”, intègre innocent. Il a travaillé 7 années, remplies de Émouna et de dévouement chez Lavan, dans le but d'épouser Ra’hel. Mais, son beau-père l'a trompé, il lui a donné Léa à la place. N'importe qui d'autre se serait rebellé et aurait hurlé de toutes ses forces sous l'effet de la déception profonde due à ce long et vain investissement ! La réaction de Ya'acov Avinou était tout autre. La Torah nous raconte qu'après la réponse mensongère de Lavan : ”Ce n'est pas l'usage dans notre pays de marier la cadette avant l'aînée” [3], Yaacov a gardé le silence, il n'a même pas essayé de défendre sa position ! Et quand Lavan lui proposa de travailler encore 7 ans supplémentaires pour avoir Ra’hel, il accepta sans se mettre en colère, comme il est écrit : ”Ainsi fit Ya'acov”. Le Midrach nous révèle que non seulement Ya'acov travailla encore 7 ans, mais en plus il le fit de façon exemplaire, plein de Émouna et de dévouement comme les 7 premières années ! D’où puisait-il ses forces ? De la conviction profonde que Hachem est un Père miséricordieux qui n'agit que par bonté infinie envers ses enfants adorés. Il savait pertinemment que les difficultés qu'il traversait venaient directement du Créateur et avaient pour objectif de perfectionner sa personnalité de serviteur d'Hachem. Culpabiliser Lavan n'aurait été que preuve de manque de confiance en Celui qui compte sur lui pour fonder le peuple d'Israël. Mais, malgré tout, on ne peut s'empêcher de s'étonner sur l'attitude presque naïve de Ya'acov. Est-ce qu'il est écrit dans la Torah qu’il faut se laisser marcher sur les pieds ? Évidemment que non ! La Torah nous guide et nous dit autrement : ”Sois intègre, innocent avec Hachem ton D.ieu”, tandis qu'avec les hommes, il faut accomplir cet autre verset : ”Sois artificieux avec les pervers“ [4].
Ya'acov Avinou n'était pas dupe. Il était tout à fait conscient de la perversité de son beau-père, Lavan. D'ailleurs, il s'est bien préparé pour se protéger de ses ruses, en se mettant d'accord avec Ra’hel sur les signes de reconnaissance. Mais, lorsqu'il a vu que malgré toutes ces précautions, Lavan a quand même réussi à le tromper, il a compris que la volonté d'Hachem se concrétisait de cette manière, et il s'y est plié ! Là était toute sa grandeur, dans sa Émouna limpide qui n'a jamais été affaiblie : “J'ai habité avec Lavan, et j'ai appliqué les 613 Mitsvot !”, affirme Ya'acov Avinou.
Cette persévérance exemplaire dans son service divin doit être pour nous un modèle de comportement dans l'exil que nous traversons.
Il n'est pas toujours facile d'être fidèle aux injonctions de la Torah dans un monde qui prône la mode, la course au matériel et les plaisirs du corps. Cette atmosphère empoisonnée constitue un très grand danger pour nos âmes si pures, qui viennent des mondes supérieurs, en dessous du Trône céleste.
Mais, quand un Juif arrive à se démarquer et à garder son identité en gérant sa vie selon les lois de la Torah, son mérite est incommensurable. Parce que plus c'est difficile, plus le salaire est grand ! Dans les moments où l'on se sent éprouvé, rappelons-nous des sages paroles du roi David : “Ceux qui ont semé dans les larmes, puissent-t-ils récolter dans la joie”[5].
À chaque instant de notre vie, nous devons nous poser la question : qu'est-ce que Hachem attend de moi maintenant ?
Plaire à Hachem est le premier de nos devoirs, c'est la priorité dans notre passage sur cette terre. Car n'oublions pas que notre séjour ici-bas est venu dans le but de nous faire mériter le monde futur. En faisant du shopping, par exemple, notre première volonté doit être celle d'être en conformité avec les règles de la pudeur et non celle de ressembler aux mannequins qui s'affichent en tant que modèles à suivre ! En renonçant à une tenue ou une jupe qui nous avantage parce qu'elle ne correspond pas à l’habit d'une princesse (nous sommes toutes les filles du Roi des rois !), nous dévoilons notre essence supérieure à celle de tous les êtres sur terre, celle de la parcelle divine que nous détenons. La victoire de l'âme sur le corps est en effet le plus grand défi de notre vie...
Chabbath Chalom à toutes !
[1] Béréchit, 2,16,17
[2] Chap.18, verset 113
[3] Béréchit, 29,26
[4] Psaumes 18,27
[5] Psaumes 126,5