Dans la Parachat Béhar, l’interdiction de léser autrui ainsi que celle de blesser autrui par nos mots sont exprimées par le même verbe אל תונ / לא תונו.
Mais elles nous sont prescrites de manière très différente : à l’interdiction de blesser autrui par nos mots, Hachem joint une mise en garde de Le craindre et y appose Sa signature אני ה' א-לוהיכם – , je suis l’Éternel votre D.ieu. Cela dénote combien cette interdiction est centrale aux Yeux d’Hachem, mais aussi la difficulté qu’elle présente pour nous puisqu’elle nécessite une mise en garde. Il est donc indispensable de l’étudier pour l’intégrer à notre vie.
Si l’on observe la nature et les conséquences de ces deux interdictions, on comprend mieux le poids différent qui leur est accordé : la première interdiction concerne les biens de la victime, non sa personne. Elle lui est extérieure et elle est quantifiable. Elle pourra donc facilement être réparée par restitution de l’argent extorqué.
En revanche, une blessure verbale pénètre l’âme de la victime, peut entamer son image de soi et laisser des séquelles à long terme. Les enfants sont particulièrement touchés par les propos insultants et humiliants, comme l’illustre cette parabole : avez-vous revu à l’âge adulte une maison d’enfance ou un lieu de vacances que vous fréquentiez ? Ils ont singulièrement rétréci, n’est-ce pas ? Non, bien sûr, seul le regard de l’observateur a changé.
De fait, nous sommes des géants omnipotents aux yeux de nos enfants ; nous sommes le centre de leur univers et ce que nous leur dirons s’imprégnera en eux, de même que le calcium est absorbé dans leurs os.
Mais même les adultes sont atteints par les blessures verbales. La violence verbale est en effet une cause commune de divorces.
Prenons le cas d’Elie et de Déborah : en rentrant chez lui tard le soir, Elie est accueilli par l’odeur fétide de poubelles non vidées et bute contre des jouets éparpillés derrière la porte. Et sa femme Déborah est affalée sur le canapé, un livre à la main. Eli bout intérieurement et lui jette vertement : « Dis-moi, pourquoi faut-il que je trouve une telle pagaille à mon retour ? »
Bien sûr, ce genre de réflexions ne va pas améliorer leurs relations, ni motiver Déborah à changer ses ordres de priorité. Si la scène se reproduit souvent, elle va sans doute engendrer une distance émotionnelle entre eux.
Mais comment éviter cela ?
On ne se bat pas contre l'obscurité. Il suffit d'allumer une lumière pour qu'elle se dissipe. De même, pour combattre une mauvaise tendance, l'esprit critique ici, le Rambam préconise de viser la tendance opposée. En l'occurrence, chercher à voir le bien chez l'autre.
Par exemple, dans le cas ci-dessus, Elie sait que sa femme travaille dur et doit s'occuper des enfants après le boulot. Elle n'a que de rares moments de repos en fin de journée et elle en a bien besoin. C'est une mère dévouée, et malgré les tensions et la fatigue du travail, elle prend le temps de jouer avec les enfants dans le salon. D’où le désordre qui a accueilli Elie.
Il peut choisir d’apprécier les efforts de Déborah pour élever des enfants heureux et sains d’esprit et pas de pauvres êtres enfermés dans un musée. Avec cela en tête, il se sentira plus impliqué dans le bien-être du foyer et réagira en conséquence. Par exemple : « Oh, je vois que tu as eu une dure journée. Je vais jeter les sacs-poubelle et faire la vaisselle. Pourrais-tu préparer quelque chose à manger pendant ce temps ? »
Dans le traité des Pères (Pirké Avot 1, 6) Yéhochoua ben Péra’hia nous enseigne « Juge toute la personne favorablement ». Il ne dit pas tout homme, mais bien toute la personne כל האדם, ce qui signifie qu’il faut élargir son regard au-delà de la situation du moment, considérer les qualités de la personne et pas seulement ce qui nous dérange à l’instant présent.
C’est vrai dans le couple, bien sûr. C’est vrai aussi en ce qui concerne nos enfants : votre fils ne veut pas vous aider ? Plutôt que de le traiter de paresseux en risquant de générer une prophétie auto-réalisatrice, on peut appliquer le conseil ci-dessus et proposer à l’enfant de finir d’abord ce qu’il est en train de faire, en supposant qu’il veut aider mais a un autre agenda pour l’instant.
Éradiquer les paroles blessantes est essentiel pour entretenir des relations positives avec notre entourage, au sens large du terme. Les gens ne se souviendront pas de quoi vous leur avez parlé ni des mots que vous leur avez dits, mais ils se souviendront de ce qu’ils en ont ressenti.
Il est aussi important d’apprendre à ne pas blesser les gens qu’à éradiquer la médisance et le colportage. Dans les deux cas, cela s’apprend, puisqu’Hachem nous l’a ordonné.
D’autres situations et conseils seront présentés par la suite, avec l’aide d’Hachem. Ils sont compilés dans le livre « Des Mots pour Construire », en réimpression à l'heure actuelle.
À suivre…
Bonne chance dans cette entreprise inestimable qui transformera vos relations et votre vie !