Les difficultés, corroborées par la Torah elle-même, entre belles–mères et belles-filles, sont-elles vouées à l’échec ? Comment appréhender et dépasser le problème ?

Devinette : Savez-vous qu’il existe, dans le monde futur, un fauteuil en or, sur lequel une seule personne a le mérite de s’asseoir ? Qui est-elle ? Je vous laisse dans le suspense !!

Tous les spécialistes du Chalom Bayit sont d’accord pour dire qu’un grand pourcentage de divorces est lié aux interventions des parents dans la vie des jeunes couples. La famille a du mal à « absorber » la partie « étrangère » qui vient s’y rattacher. Certains la qualifient dédaigneusement de « pièce rapportée ». Pourtant l’intégration de la nouvelle personne est une étape fondamentale qui permet d’arriver à la notion de « notre » famille.

Il existe un immense registre de blagues, au sujet des belles-mères en particulier. Ces histoires « drôles » expriment des difficultés réellement ressenties, comme le montre cette histoire amusante : Deux mères juives se parlent au téléphone. Une d’elle raconte : « Tu sais, ma fille est tombée sur un gentil mari. Oui, il est très bien. Il lui fait la vaisselle, il descend la poubelle, il fait les courses, il donne le bain aux enfants… Il est vraiment formidable… Mon fils ? Tu me demandes des nouvelles de mon fils ? Le pauvre !! Il est tombé sur une femme très très dure ! Du matin jusqu’au soir, il n’arrête pas ! Il lui fait la vaisselle, il descend la poubelle, il fait les courses, il donne le bain aux enfants… Le pauvre ! Il est vraiment mal tombé ! »

Face-à-face féminin

Pour affiner notre réflexion, concentrons-nous sur deux figures féminines importantes de l’histoire du Peuple Juif, Naomi et Ruth, les ancêtres de Machi’ah. Leurs vies sont riches en enseignements en tous genres et leur relation belle-mère / belle-fille, présent un aspect fort intéressant. Après bien des tribulations, elles reviennent dans le pays d’origine de Naomi, Israël, pauvres et démunies de tout. Naomi avait des biens, mais vu sa condition de femme, rien ne lui appartenait. Elle devait attendre que quelqu’un lui rachète ses biens. En attendant, Ruth allait glaner pour se nourrir et nourrir sa belle-mère…

De cette condition féminine réduite, et de l’acceptation confiante de celle-ci sans révolte, elles allaient mériter d’obtenir le plus grand cadeau, la couronne royale. Comment ? « Là où tu iras, j’irai ! » dit Ruth à Naomi. Ruth a fait preuve d’une obéissance aveugle au projet de Naomi et s’est soumise à toutes les indications de sa belle-mère, même les plus étranges. La conduite de Ruth vis-à-vis de sa belle-mère a été exemplaire, car son amour pour la Torah de Naomi l’emportait sur tout. Cet amour défie toutes les chroniques de tous les temps au sujet des relations belles-mères / belles-filles.

Nos Sages enseignent que la belle-fille voit la belle-mère comme une rivale (complicité, passé commun de la mère et du fils), et la belle-mère reproche à sa belle-fille de lui avoir “pris” son fils. Pourtant Ruth a traité sa belle-mère de façon exemplaire. Est-elle un cas unique ? 

Très souvent, on constate un manque de confiance des jeunes femmes par rapport à leur belle-mère. Elles sont insécurisées et se sentent en compétition avec elles. Pourquoi ce challenge ? Ces deux femmes partagent la même cible d’amour : le fils et mari. Un cœur est-il trop petit pour contenir plusieurs amours ? N’y a-t-il pas suffisamment de place dans un cœur pour tout le monde ?! Il faut juste savoir quelle est sa place.

Dans le livre « Où tu iras, j’irai... », qui raconte la vie exceptionnelle de la Rabbanite Margalit Yossef, j’ai choisi un passage qui traite de la place de chacune de ces deux imposantes figures féminines, la future femme et la mère du Rav ‘Ovadia Yossef.  La Rabbanite Margalith raconte : « Et maintenant elle me le (le Rav) confie non sans crainte. Vais-je remplir ma tâche correctement… ? Je n’ai pas osé lui dire que j’avais l’intention de suivre ses traces. Je suis restée muette quand j’ai serré sa main ferme. C’est réellement une femme impavide… Pour ma part, les difficultés de la vie me font peur quand j’y pense. J’ai vu une larme dans un coin de son œil. Est-ce de joie ou d’appréhension ? Certainement des larmes de séparation. Aux fiançailles, la mère cède sa place à la bru…. Elle reste de côté et regarde de loin. Parfois, la bru fuit et se protège de ces regards, parfois elle a l’intelligence de s’approcher de la mère de son mari pour l’associer, la prendre comme conseillère… pour lui laisser un contact avec son fils, même si elle ne s’occupe plus de lui avec deux mains solides et attentionnées. Lui laisser au moins tracer la direction… « J’irai dans la même direction, je te le promets ! », balbutie-t-elle à la lumière de la lanterne aveuglante, assaillie par les papillons de nuit qui virevoltent autour d’elle. « Derrière ton faisceau lumineux… »

Le Midrach raconte que quand Its’hak s’est marié avec Rivka, il s’est consolé de la perte de sa mère. Est-ce que l’épouse prendrait la place d’une autre femme, la mère ?

Rivalité

Très souvent, malgré elles, les jeunes mariées se mettent en compétition avec leurs belles-mères. Le jeune époux, au début du mariage, se plaît quelquefois à dire naïvement : « J’adore l’omelette de ma mère, elle l’a fait moelleuse ! » ou « Ah ! Ce couscous n’a pas le goût de celui de ma mère ! ». Les jeunes femmes essayent d’imiter, s’accrochent à des défis, et évidemment cela ne marche pas toujours ! Alors rancune, culpabilité, quelquefois désespoir s’accumulent ! Et bien sûr, les disputes font rage, souvent avec des prétextes qui n’ont rien à voir avec la blessure interne ressentie de ne pas être l’égale de la belle-mère. Cette escalade est-elle inévitable ?

Un conseil à donner à toutes les jeunes mariées : Jeunes dames, changez de terrain ! Ne vous mettez pas en compétition sur les territoires non encore conquis ! Vous avez le temps d’apprendre à faire une omelette baveuse et un couscous à point ! En attendant, faites des œufs au plat, des toasts et du poulet au four ! Petit à petit, votre mari s’habituera à votre cuisine. Et vous tranquillement, de temps en temps, vous pourrez savourer le couscous de votre belle-mère, sans complexe !

Les jeunes épouses attendent le cautionnement de leur mari. Aussi, il est du devoir des Rabbanim et des parents d’éduquer un fiancé à ne jamais faire de comparaison entre sa femme et sa mère pour maintenir des liens harmonieux dans la famille. Un homme DOIT trouver bon la cuisine de sa femme.

Il s’impose de préparer les jeunes mariés au mariage très sérieusement pour leur éviter les pièges facilement contournables par des enseignements. La plus grande vigilance et prudence sont demandées à l’entourage. Je le répète souvent, sur chaque porte de nouveaux mariés devraient être inscrits ces quelques mots : Attention chantier ! Ici on construit !

J’entends souvent des mères se plaindre quand elles marient des enfants : « On m’a pris mon fils ou ma fille ! ». Au mariage d’un enfant, la famille s’agrandit, elle accueille en son sein un nouvel enfant et les parents doivent l’investir et l’aimer en tant que tel ! Jeune dame, si vous aimez beaucoup votre mari, dites merci à votre belle-mère ! Elle a l’élevé pour vous. 

Cet usage est peu répandu dans le monde francophone, mais il est bien d’y penser : appelez votre belle-mère par « maman » ou « belle-maman » ou par son prénom si elle le souhaite, plutôt que « Madame Lévi », ou de ne pas l’appeler du tout. Pensez au bien, Mesdames, que vous éprouvez quand vous allez vous faire dorloter chez votre mère ! Ce bien ressenti, accordez-le aussi à votre mari !

Avez-vous deviné la réponse à la question posée plus haut ?

Il s’agit de Ruth. Son immense mérite, son attention particulière et son affection envers sa belle-mère lui ont valu de siéger sur ce trône. Puissions-nous aller sur ses chemins !