Certes, notre conjoint n’est pas la perfection incarnée. Pourtant, nous avons entre les mains un outil d’une grande puissance, à savoir la décision de voir chez lui le mal ou au contraire le bien. Saurons-nous faire les bons choix ?
Un cœur de pierre ou un cœur de chair
On raconte une anecdote édifiante qui se produisit il y plusieurs décennies avec le Rav Eliezer Silver. Celui-ci se trouva un jour à la recherche d’un homme pour compléter le Minyan en vue de l’office de Min’ha. Soudain, il aperçut dans la rue un Juif d’un certain âge, à qui il proposa de se joindre au groupe. Pourtant, le Juif en question réagit avec véhémence en refusant catégoriquement la proposition. Lorsque le Rav essaya de comprendre la raison de sa colère, le Juif expliqua : « Je suis rescapé de la Shoah. Je ne pourrai jamais oublier que dans le ghetto où nous étions parqués, un certain Juif avait réussi à infiltrer un livre des Psaumes. Savez-vous ce qu’il fit ? Il moyenna son utilisation contre une ration de pain, contraignant ainsi de pauvres Juifs au cœur brisé à troquer leur seule nourriture quotidienne pour se voir accorder le droit de lire quelques chapitres. Des yeux qui ont assisté à une telle perversité au nom de la Torah ne se pencheront plus jamais sur un Sidour. Jamais ! »
Sur ces paroles, le regard du Rav s’illumina. Il répondit : « Toi, tu te concentres sur la dureté de cœur de cet homme, moi je choisis au contraire de m’émerveiller de la grandeur d’âme de ces Juifs prêts à renoncer à leur ration quotidienne et à souffrir de la faim dans le seul but d’épancher leur âme vers D.ieu ! » L’homme, totalement ébranlé par la réponse du Rav, se rangea finalement du côté de son point de vue. Il finit aussi par accepter la proposition et se joignit au Minyan pour prier Min’ha…
De cette anecdote, nous apprenons qu’il existe une différence abyssale entre un regard focalisé sur le mal et un regard concentré au contraire sur le positif. Cette différence est capable de nous ouvrir de toutes nouvelles perspectives, de transformer notre vécu et de nous aider à profiter de tout le bien que D.ieu veut nous accorder.
Dis-moi ce que tu dis, je te dirai qui tu es…
Dans son ‘Hovot Halévavot, Rabbénou Bé’hayé explique que la « parole est la plume du cœur ». C’est-à-dire que lorsque l’homme parle, il ne fait qu’exprimer ce qui habite son cœur. Or il s’agit d’un lien réciproque, car la parole elle aussi a le pouvoir d’influer sur le cœur. En l’occurrence, lorsqu’un homme s’habitue à dire des paroles positives, à exprimer sa gratitude, à faire des compliments, il devient alors à son tour une personne positive, reconnaissante, agréable. Ces Midot trouveront ensuite leur expression par le biais de la parole de l’homme et ainsi de suite. Un cercle vertueux est ainsi formé.
Evidemment, le raisonnement fonctionne hélas aussi dans le sens inverse : une personne aigrie prendra l’habitude d’exprimer son amertume via sa parole ; de ce langage néfaste naitra en elle un sentiment encore plus grand de frustration vis-à-vis du monde extérieur et ainsi de suite…
Ainsi, nous comprenons que le véritable bénéficiaire d’un bon œil est en premier lieu son propriétaire ! En plus de porter un regard positif sur le monde qui l’entoure, il se purifie lui-même de toute négativité et accède au bonheur. Ce qui n’est pas le cas de celui qui cultive au contraire son âpreté : il s’emplit d’un poison toxique qui finira par éteindre ses chances d’accéder à la plénitude.
Travaux pratiques
On comprend dès lors à quel point cette dimension est d’une importance cruciale dans la relation de couple. Car la différence entre un couple qui cultive un bon œil et un couple qui s’enlise dans les reproches équivaut à la différence entre le ciel et la terre… Concrètement, comment mettre en place une telle dynamique dans notre quotidien ? Voici quelques conseils :
1. Prenez une feuille et inscrivez sur le recto toutes les qualités de votre conjoint. Veillez à laisser de la place entre chaque tête de chapitre. Une fois la liste dressée, prenez le temps de détailler en trois points chaque qualité telle que vous la voyez chez lui : il a bon cœur, c’est-à-dire qu’il aime m’offrir ce qui me fait plaisir, il ne compte jamais sur les dépenses pour la maison, il vient en aide à ceux qui sont dans le besoin, etc. Vous pouvez aussi noter un ou deux souvenirs relatifs à cette qualité, par exemple : il y a quelques jours, il m’a offert le livre que je souhaitais tant lire, etc.
2. En un second temps, prenez le temps de bien relire ce que vous avez écrit et choisissez une qualité particulièrement marquée chez lui. Vous aurez ainsi l’occasion de constater que l’homme que vous critiquez parfois est non seulement doté de nombreuses qualités, mais il excelle également dans certaines d’entre elles !
3. Sur le verso, vous allez à présent vous essayer à un autre exercice : celui de voir le bien même là où il semble absent. Comment faire ? C’est simple. Dresser une liste de trois défauts (pas plus !) qui sont présents chez votre conjoint, en laissant un espace à chaque fois. Puis, en dessous de chaque défaut, essayez de déceler la « qualité du défaut », c’est-à-dire le point positif intrinsèque à ce défaut. Par exemple, vous notez que votre mari n’aime pas les sorties et est casanier. D’un côté, cela vous frustre parce qu’il ne sort jamais en votre compagnie et préfère rester à la maison plutôt que de vous inviter au restaurant. De l’autre, le point positif, c’est que contrairement à une grande partie des époux, le vôtre ne passe son temps à l’extérieur sans que vous ne sachiez ce qu’il fait ni avec qui il se trouve ! Et ainsi de suite avec chaque trait de caractère.
Comme nous l’avons développé plus haut, un regard positif sur notre conjoint fera naitre en nous des sentiments positifs à son égard. C’est la clé de l’entente et de l’épanouissement dans le couple !