Question d’une internaute : J'ai été mariée trois ans avec un homme brutal. Durant ces trois années, je faisais tout ce qu'il me demandait même si cela ne me paraissait pas normal. Si par malheur j'arrivais à lui tenir tête, il devenait violent. À chaque fois, je me disais que c’était la fois de trop et je le quittais. Mais après quelques larmes et excuses de sa part, je revenais à lui. Il ne tardait jamais à recommencer et me disait que l'on ne se séparerait jamais car dans le fond, il était certain que je n'aurais jamais la force de le quitter pour de bon. J’ai finalement réussi à le quitter, heureusement sans enfant, mais je ne fais plus confiance à aucun homme. Comment me reconstruire après un tel traumatisme ?
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Tout d’abord bravo à vous d’avoir réussi à vous sortir de ce cercle vicieux qu’est celui de la violence conjugale. Il faut beaucoup de courage pour y parvenir car le mari violent tisse une toile autour de sa femme afin de la rendre totalement dépendante de lui psychologiquement. C’est pourquoi même après avoir quitté celui qui faisait de leur vie un enfer, certaines femmes se sentent complètement démunies. Une phase de reconstruction est obligatoire pour redémarrer une vie heureuse.
La relation bourreau-victime
Une femme battue a toujours l’espoir que son mari pourra changer. Or lorsque le couple s’est installé dans une relation bourreau-victime, il est très rare de parvenir à faire machine arrière. Le mari endosse le rôle de persécuteur et s’y enferme car il a besoin de ressentir cette domination qu’il exerce sur sa femme, alors qu’il ne domine rien de réel dans sa propre vie. Cette sensation de pouvoir sur quelqu’un se distille tel un poison et il ne peut s’en défaire sans une thérapie sérieuse et suivie. Une fois l’accès de colère passé, et le sentiment de domination éprouvé, l’homme redevient le mari aimant.
La femme perd peu à peu sa confiance en elle-même et s’inscrit dans un rôle de victime. A force d’être rabaissée, elle finit par croire ce que lui dit son mari et même en rajouter. C’est-à-dire qu’elle va penser que tout ce qui arrive est de sa faute, qu’elle a provoqué la colère de son conjoint, qu’elle n’est pas une bonne épouse. Elle va même réussir à lui trouver des excuses. Elle se persuade qu’en s’améliorant, elle évitera les coups et les injures, ce qui est évidemment faux.
Les Juifs se servent de leur voix et non de la force physique pour exprimer leur désaccord, la violence étant contraire aux lois de la Torah. Le Talmud dit qu’Hachem compte les larmes qu’un mari a fait verser à sa femme.
Qu’il s’agisse de violences physiques, verbales ou psychologiques, il ne faut surtout pas attendre d’en arriver à un point de non-retour. Car quoiqu’il arrive, si rien n’est mis en place, cela ira en empirant. Ce type de relation n’amène rien de bon. Elle est toxique et totalement contraire à ce que recommande la Torah. On ne peut rien construire lorsque l’on essaie de détruire l’autre.
La reconstruction
Après que la femme se trouve libérée de son persécuteur, on pourrait penser que tout ira ensuite pour le mieux. Or c’est faux car comme tout traumatisme, il faut passer par un processus de reconstruction afin de parvenir à le dépasser et tourner cette page de sa vie.
- La phase de deuil : Il est indispensable de passer par un travail de deuil de la relation. Il est nécessaire avant tout de déterminer de quoi ou de qui on doit faire son deuil. Est-ce de la relation telle qu’elle a été vécue, ou de l’image que l’on s’en faisait ? Est-ce de l’amour que l’on donnait et pensait recevoir ou est-ce de fausses croyances liées à cette relation malsaine ? Est-ce encore de cette sécurité, qui était en fait de la dépendance, que l’on pensait avoir acquise durant la relation ? Quoi qu’il en soit, ce deuil implique un renoncement, et s’il n’est pas possible de définir à quoi il faut renoncer, il devient impossible de réaliser son deuil.
- La phase d’acceptation : Cette étape demande un travail d’introspection important. Il faut parvenir à faire accepter à soi-même que l’on a tenu le rôle de victime contre notre gré. Il faut accepter de ne plus avoir peur de notre bourreau et qu’il ne contrôlera plus notre vie. Et il ne faudra pas brûler cette étape importante car le rôle de victime dans lequel a été enfermée la femme est un rôle qu’elle peut maintenir, consciemment ou inconsciemment, même après la fin de la relation ou même avec la nouvelle. Il faut éliminer la culpabilité que l’on ressent pour avoir conscience que ce qu’il s’est passé était de SA faute à lui et non de la nôtre. Et Il faut surtout accepter de reprendre les commandes de sa vie, même si cela fait peur, et redevenir un sujet à part entière (alors qu’on a été “objet”). Prendre ses propres décisions, retrouver sa volonté-propre, refuser ce qu’on ne veut pas et savoir dire “JE veux, JE désire, JE souhaite…”
- La phase de reconstruction de son estime de soi : Avant de refaire confiance à autrui, il faut retrouver la confiance en soi-même. Pour cela, la femme devra retrouver une place dans la société, se “repersonnaliser”. Il est fondamental de reprendre confiance en ses compétences cognitives et professionnelles, de se recréer un univers sécurisé et de faire des projets, de restaurer des liens affectifs et sociaux, de développer des activités personnelles (créatives, sportives, associatives).
- La phase du pardon : Il est important de passer par cette phase, même si elle est difficile car elle va permettre d’avancer vers un nouvel avenir. Il s’agit d’abord de se pardonner à soi-même : se pardonner pour mettre fin à la culpabilité et la honte, se libérer de ces poids et s’autoriser la bienveillance et la compassion. Et pardonner à son bourreau. Pardonner ne veut pas dire l’excuser. Il n’a aucune excuse à ce qu’il a fait. Mais cela veut dire ne plus ressentir de colère envers lui car on est vraiment passé à autre chose.
- La phase de la sérénité et du renouveau : Se sentir libérée du poids de ce traumatisme et s’autoriser à faire confiance et à aimer de nouveau.
Mes conseils
- Respectez les phases ci-dessus pour une reconstruction complète et donnez-vous le temps entre chaque étape.
- Il est recommandé de se faire aider pour les phases qui demandent de l’introspection. N’hésitez pas à consulter un professionnel.
- Les groupes de parole organisés par les associations peuvent être d’une aide précieuse : les femmes apprennent à se faire confiance entre elles mais aussi dans une aide extérieure possible, à parler de ce qu’elles ont vécu et à trouver des solutions ensemble.
- Investissez-vous dans une cause ou une activité qui vous tient à cœur : l’art, l’aide à autrui, sport, etc. Ce sont des moyens qui permettent de retrouver son estime de soi. Il faut faire ce que vous aimez et ce qui peut vous amener à être fière de vous.
- Prenez soin de vous : salon de beauté, salon de coiffure, massage… Tout ce qui peut vous procurer du bien-être.
Respecter son prochain, c’est avant tout respecter sa femme. Rabbi Na’hman de Breslev disait : "Si un homme passe sa colère sur sa femme, s'il lui fait honte ou s'il lève la main sur elle, Le Tout-Puissant lui en demandera des comptes." Gardez confiance en Hachem. Vous avez souffert mais vous êtes assez forte pour surmonter cette épreuve. Le mauvais est derrière vous, il reste le meilleur Béézrat Hachem !
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.