« Pouvons-nous nous arrêter au magasin à un euro ?, demanda mon enfant de neuf ans dans la voiture, au retour de l’école. Je dois acheter quelque chose pour la fête d’Ari demain et j’ai aussi besoin d’un chapeau de policier et d’un nouveau pistolet pour Pourim. »
Lorsque j’étais petit, j’avais observé avec émerveillement mon grand frère créer un masque de Pourim. Il avait pris un cornet en carton avec une base de trois pouces de diamètre, puis perforé un petit trou de chaque côté de la base et relié les trous par un long fil. Il fixa une ampoule de couleur rouge au sommet du cône, reliée à une pile qu’il plaça à l’intérieur du cône. Mon frère tira le cône sur son nez et son visage. Des fils électriques passaient discrètement sous son col et par sa manche droite et son poignet jusqu’à un interrupteur situé dans sa main. Il se promenait avec une fausse bouteille de vin, feignait de boire, et quelques secondes plus tard, il appuya sur l’interrupteur, déclenchant sur son nez la lumière rouge. Il était le Roi A’hachvéroch en état d’ivresse.
De tous les déguisements de Pourim que j’ai rencontrés lorsque j’étais enfants, c’est le seul dont je me souvienne distinctement. Peut-être parce qu’il a fait une profonde impression sur moi : j’ai perçu qu’il fallait du temps et des efforts pour être créatif. Et j’ai appris que le jeu en valait la chandelle.
A l’approche de ‘Hanouka, un grand nombre de nos enfants recevront une pléthore de jouets. Il est vrai que les jouets, qu’ils soient faits maison ou achetés, sont merveilleux. Ils renseignent l’enfant sur le monde et sur lui-même. Pratiquement, tous les jeux sont plus ou moins éducatifs. Mais les meilleurs jeux engagent les sens, stimulent la créativité, développent l’imagination, éveillent l’interaction intellectuelle et sociale. Que ce soit une maison de poupées, un Rubiks Cube ou le Monopoly, les jouets aident les enfants à découvrir leur identité et leur rôle en société, ou à s’exercer à des compétences dont ils auront besoin à l’âge adulte.
Mais particulièrement à cette période de l’année, il est important de nous demander : le fait d’avoir trop de jeux est-il négatif pour nos enfants ?
Désordre, désordre, désordre.
Mon épouse et moi achetons rarement des jouets à nos enfants, et pourtant, notre maison en est pleine. D’une manière ou d’une autre, les jouets gravitent à nous. Une série de puzzles d’un voisin qui a déménagé, un talkie-walkie de mamie, une boîte de Légos d’une tante en visite… De même que les calories (un beignet par ci, quelques frites par là), l’accumulation des jeux se produit progressivement, discrètement. Et tout comme pour les calories, accepter de nouveaux jeux est plus facile que de se débarrasser des anciens.
Na’hmanide, le célèbre commentateur de la Torah du treizième siècle, écrit que nous devons acquérir la sainteté en limitant même ce qui nous est permis. Réduire le nombre de jouets dans nos foyers peut avoir certains avantages : cela peut forcer nos enfants à être plus créatifs et ingénieux, les inciter à jouer dehors et à connaître la nature, et - en fonction des jeux éliminés - cela peut contribuer à améliorer leur capacité de concentration. Et surtout, limiter le nombre de jeux contribue à diffuser le message que les biens matériels n’achètent pas le bonheur.
Avoir trop de jeux à la maison encombre non seulement notre maison, mais aussi notre esprit. L’idée de : « Ezéhou ‘Achir, Hasaméa’h Bé’helko - Qui est riche ? Celui qui est heureux de son sort » est éclipsée. Lorsque nos enfants deviennent adultes, voudront-ils trois voitures alors qu’une seule suffit à combler leurs besoins ? La Torah nous dit qu’un roi Juif ne peut accumuler trop de chevaux, trop de femmes, et « qu’il ne fasse pas de grand amas d’argent et d’or ». Le roi ne doit acquérir que le montant nécessaire de biens dont il a besoin pour le service public, pour l’armée, ou pour son usage personnel. Si un roi juif n’est pas autorisé à accumuler trop de biens, à plus forte raison ce doit être le cas d’un enfant ordinaire qui ne doit pas posséder un montant excessif de biens matériels…
Il est vrai qu’il est difficile de résister aux demandes de nos enfants, en particulier lorsqu’ils sont alimentés par les média et l’envie (« mais tous mes amis ont un Nintendo Wii… »). De plus, l’attrait pour les objets électroniques - des iPads et Smartphones aux PS3s jusqu’aux tablettes électroniques - constitue un défi de taille pour les parents. De nombreux enfants estiment devoir être distraits en permanence.
Lorsque nous ne savons plus distinguer entre les désirs et les besoins de nos enfants, il est temps de repenser notre rôle de « prestataire ». L’industrie du jouet vise principalement à maximiser ses profits, et non à éduquer les enfants. C’est notre responsabilité. Il est plus facile et plus pratique de tendre à nos précieux enfants un gadget électronique convoité que de trouver le temps et la force de leur lire une histoire ou de les emmener au jardin.
Au final, ma femme et moi tentons de créer un environnement riche et stimulant à la maison où le « besoin » (lisez : désir) de plus de voitures, de soldats ou de jeux vidéo sera, peut-être pas éliminé, mais au moins réduit à un niveau plus sain. Et peut-être que la prochaine fois que notre fils se plaindra de n’avoir pas un bon costume de Pourim, je lui tendrai simplement un cône, un bout de fil, une ampoule électrique rouge, deux fils électriques et une pile en lui expliquant que ce qu’il possède est digne d’un roi…
Jewish Action