Notre société hypermoderne, dont la finalité semble essentiellement marchande et économique, fondée sur l’argent et la réussite, nous contraint à des exigences toujours plus fortes de performances, d’adaptabilité, de réactivité, de rentabilité, nous obligeant à réagir dans l’immédiat, dans l’instant, dans l’urgence permanente (mails, téléphone mobile, internet).
« Nous nous sentons maîtres du temps et de l’espace, car nous sommes partout à la fois en tenant la terre entière au bout de notre téléphone portable et de notre ordinateur. »
Nous vivons dans le dépassement de soi sans cesse (aller toujours plus loin, plus vite, plus fort, travailler sans répit pour être le meilleur) !
Nous vivons dans l’excès, dans le trop pour ne pas se trouver dans l’inexistence économique et sociale, dans le vide.
Se mettre en pression pour être rapidement rentable et performant, ainsi notre société a créé l’excès de stress, c'est-à-dire le mauvais stress !
Le stress se définit comme une réaction d’adaptation physique et psychologique de l’organisme face à une situation de changement; soit une agression, soit une contrainte.
Lorsque le stress reste faible ou modéré, il stimule nos capacités d’adaptation et nous outille à aborder des situations complexes et aide notamment nos enfants à développer leurs personnalités.
Donc, un monde sans stress n’est pas souhaitable.
Le stress fait souffrir quand il est intense et répétitif et quand on est fragile.
Nos enfants en construction encore instables et fragiles, décodent nos émotions, nous miment.
Qu’ils soient peureux, volontaires, timides ou effrontés, doux ou agressifs, ils sont soumis, au cours de leur apprentissage dans le milieu familial et scolaire, à des situations contraignantes, au même stress que nous, et on oublie qu’ils éprouvent des peurs et qu’ils vivent des échecs, qu’ils sont des témoins impuissants d’événements générateurs de stress et qu’ils absorbent nos stress.
Nos stress sont contagieux, générateurs d’émotions (anxiété, agressivité, joie, tristesse).
Comment reconnaître nos stress ?
Quand on se sent envahi par les problèmes, préoccupé, à bout de nerfs, irritable au travail, en famille plus agressif que d’habitude, débordé, facilement en proie à la colère et on ne sait pas comment s’y prendre, fatigué, épuisé, tendu, déprimé, avec le désir de se retirer de la société, souffrant de douleurs au dos, à l’estomac, à la tête, au muscle, quand l’appétit se modifie, quand le sommeil se bouleverse, que l’on a du mal à se concentrer, que l’on perd la mémoire.
Alors, alerte ! Sachons nous observer, nous analyser.
Comment réagissent nos enfants face à nos stress ?
Leurs réactions diffèrent selon leurs sensibilités, leurs âges, leurs caractères, mais le comportement des parents stressés influe sur leurs personnalités futures, surtout entre deux et trois ans.
Face à des parents préoccupés, donc indisponibles, négligents, même absents, ils se sentent alors abandonnés, or, les liens affectifs (valorisation, écoute, câlins) sécurisent, épanouissent et lui donnent envie de développer ses goûts, ses aptitudes.
Quel papa ne se décharge pas sur la maman, rentre tard, l’enfant est couché; et s’ils sont réveillés, il leur rappelle qu’il est temps d’aller se coucher !
L’indisponibilité est la première cause d’opposition de l’enfant.
En s’opposant par le biais de trouble du sommeil, alimentaire sphinctérien, il oblige les parents à s’occuper de lui aux prix de conflits, de disputes et les punit de ne pas être à son écoute.
Après une journée de travail, les embouteillages, le retard des transports, les files d’attente, nous voilà bien épuisés au retour à la maison et très vite débordés, on a tendance à les repousser ne sachant plus gérer les événements, et livrés à eux-mêmes, ils deviennent tyrans, se mettant en danger pour trouver les limites.
Nerveux, tendus, on les bouscule : « Ne fais pas ceci… pas cela », toutes ces phrases négatives les pressent, les contraignent, les jugent. Ils sont soumis à notre rythme de vie frénétique dès le matin : « Allez, vite, dépêche-toi », puis aux exigences des activités scolaires qui s’enchaînent : discipline, régularité, pression des notes, horaires surchargés, compétition, violence, moquerie… autant de facteurs de stress !
Hors, le climat serein est nécessaire à l’acquisition des apprentissages : l’enfant nerveux sera impulsif, réagira sans réfléchir, répondra rapidement aux questions posées sans prendre en compte les éléments, deviendra désagréable par défaut d’inhibition verbale et se fera mal voir, sera le premier à se faire punir en proie à des colères explosives.
Face à des parents irrités, anxieux, autoritaires, voulant contrôler tout, voire violents physiquement et verbalement (« Ne touche pas », « Ne joue pas »), l’enfant va osciller entre l’angoisse et le désir de l’imiter.
S’il choisit de l’imiter, il devient coléreux, voire violent, agressif à l’égard de tout ce qui représente l’image parentale.
S’il a peur, il se soumet, devient inactif, réprime son hostilité, sa frustration et sera en difficulté de prendre des responsabilités; plus tard, il sera moraliste à l’extérieur et intolérant, violent à l’intérieur, où il sera à l’affût de la moindre occasion pour créer un incident, il ne sera jamais d’accord et prendra le contre-pied sur tout.
Des parents stressés, peu patients, vite excédés par l’insistance de leur enfant, répondent. Ainsi, ils leur apprennent qu’il faut hurler ou taper des pieds pour obtenir satisfaction d’une réponse.
Des parents stressés sont désarmés et ne trouvent rien à leur dire sinon que : « Tu n’es pas gentil, ce n’est pas bon du tout, tu m’as fait pleurer, comment peux-tu faire cela à ta petite maman qui a tout fait pour toi, tu es méchant ». Tant de paroles moralisantes, culpabilisantes qui créent des enfants dévalorisés, inattentifs, sans volonté, se cantonnant aux rôles secondaires à la récréation.
Des parents stressés sont exigeants envers leurs enfants, si l’enfant est en difficulté, ils vivent l’échec de leurs enfants comme un échec personnel, ils sont humiliés et l’enfant se sent à son tour raté, nul, il se croit mal aimé, car médiocre; s’il est compétent, ils ne le sont pas assez aux yeux de leurs parents, l’enfant ne se trouve pas à la hauteur du souhait parental, il se sent coupable, incapable, tendu.
Comment gérer notre stress ?
Il faut positiver, s’accorder du temps pour notre propre activité sans culpabiliser, privilégier la détente, l’exercice, savoir se faire plaisir, s’autoriser à ne rien faire, respecter le sommeil, avoir un bon équilibre alimentaire, planifier des activités relaxantes en famille, dans une ambiance détendue, chaleureuse, décompresser en rentrant du travail, éviter la fatigue.
Comment prévenir le stress de nos enfants ?
Il est préférable que l’enfant se couche tard mais content, plutôt que de l’envoyer au lit tôt mais contrarié, angoissé par des reproches.
Il faut éviter de leur interdire d’arrêter des activités relaxantes, des jeux en cours.
Il faut leur donner le temps de rêver, de laisser libre cours à leur imagination, leur autoriser à ne rien faire et se faire plaisir, encourager le sport; ils ont besoin d’espace pour libérer leur surplus d’énergie, ils doivent récupérer les heures d’attention et de concentration nécessaires dans l’apprentissage scolaire.
Il faut les écouter, ils ont besoin d’exprimer leurs doléances, les injustices, les moqueries, les disputes et les encourager à verbaliser leurs peines et leurs colères.
Il faut répondre à leurs questions afin de désamorcer les sources de tension; en l’absence de réponse, il construit sa propre réponse obligatoirement fausse.
Il faut éviter : d’exiger qu’il soit ultra-performant, tant sur le plan sportif que scolaire, donc les stimuler, de comparer les résultats entre frères et sœurs, de l’accabler de reproches quand il ramène des mauvaises notes.
Il faut le voir, l’accepter tel qu’il est et non pas tel qu’on voudrait qu’il soit. Arrêtons de l’idéaliser !
Il faut éviter de lui renvoyer une image négative, médiocre, dévalorisée de lui-même, mais lui souligner le moindre progrès, lui répéter que l’erreur n’est pas un échec, mais qu’elle est inévitable et formatrice, et le réconforter.
Il faut être attentif aux messages cachés que les enfants transmettent en se plaignant, être à l’affût des tensions vécues pour réagir en les aidant à adopter nos propres stratégies de gestion du stress à savoir un bon livre, de l’exercice physique, massage, relaxation, communication et gestion du temps !
Dr Claire-Chantal Benarous, Pédiatre