Définissons ce qu’est le vrai ‘Hinoukh. Certains doivent sûrement se raidir et attendre les 45 leçons qui vont leur permettre de devenir des supers parents. Alors résumons-le en un mot : encourager. Si on encourage un enfant, on l’éduque. Sinon, on le détruit. Les 45 leçons – si nécessaires ! – consisteraient plutôt à définir ce qu’il faut entendre par encourager. Introduisons cela par une question pertinente.
Un enfant apprend à rouler à vélo. Après ses premiers mètres, il tombe et se fait mal. S’il n’a pas peur de l’échec – c.-à-d. qu’il n’évolue pas dans un milieu où il est critiqué à outrance –, il essuiera ses larmes, remontera sur son vélo, roulera sur une plus grande distance, et retombera de nouveau. Sans pour autant se décourager, il réitérera l’essai et deviendra à chaque fois plus expérimenté, jusqu’à ne plus tomber. Comme le dit le proverbe, ‘c’est en forgeant que l’on devient forgeron’. A force de récidiver, on devient plus qualifié.
Pourtant, cette règle semble ne pas couvrir certains domaines. Essentiellement, toute lutte contre l’instinct – notamment, le spirituel, ou encore, les régimes alimentaires. Tant d’obèses font si fréquemment des régimes; fatalement, ‘plus ils forgent, moins ils deviennent forgerons’ ! Plus le temps passe, plus le risque de céder à la tentation augmente. Seul devant une bonne glace, l’obèse commence par se promettre de ne pas la goûter. Puis après 2 minutes, il dit qu’il ne doit vraiment pas la goûter. Et après 5 minutes, qu’il n’a pas intérêt à la goûter. Puis il déclare qu’il commettra l’erreur de sa vie s’il y goûte. Et à mesure que son discours se fait plus déterminé, le point de rupture se rapproche. Pourquoi dans le domaine spirituel, la confrontation répétée à une scène ne semble-t-elle pas nous faire adopter un pli pour remporter plus facilement le combat contre l'instinct voyou avec le temps ?
A Rosh Hodesh Sivan, les Bnei Israël arrivent au Sinaï pour conclure l’alliance avec Hashem. Sur injonction d’Hashem, Moshé leur rappelle les bontés d’Hashem lorsqu’Il les fit sortir d’Egypte prodigieusement, et les motive à accepter de ce fait la Torah avec enthousiasme: וְעַתָּה אִם שָׁמוֹעַ תִּשְׁמְעוּ בְּקֹלִי וּשְׁמַרְתֶּם אֶת בְּרִיתִי וכו' - Et à présent, si vous écoutez Ma voix, et vous préserverez mon alliance, vous serez pour moi un trésor entre tous les peuples. Littéralement, שָׁמוֹעַ תִּשְׁמְעו se traduit écouter vous écouterez. La Mekhilta interprète: ‘Si à présent vous acceptez d’écouter, vous écouterez – Si vous acceptez aujourd’hui de porter le joug, vous découvrirez le goût agréable d’accomplir Sa volonté, car tous les débuts sont difficiles’. C.-à-d. seuls les débuts sont difficiles, mais ensuite tout devient facile. Or, notre réalité de vie semble prouver le contraire. Dès qu’il s’agit de lutter contre l’instinct, la privation décuple l’ardeur du désir, à l’image du ressort de Rav Dessler.
La réponse à cette question est d’une importance capitale pour le ‘Hinoukh, mais surtout pour notre propre développement. Chaque nouvelle conduite que l’on s’efforce d’adopter implique une double expérience : une réussite, et un échec – le fait d’adopter la nouvelle attitude, et le fait de ne plus être ce que l’on est naturellement. Quel que soit le type de conduite, revivre la même expérience aiguise davantage l'un de ces deux aspects. La question est : lequel de ces 2 aspects?
Reprenons l’exemple de l’enfant qui apprend à monter à vélo. A son premier essai, il a d’une part réussi à rouler quelques mètres, mais il a aussi vécu l’échec d’être tombé parce qu’il ne sait pas encore faire du vélo. En général, le désir de rouler à vélo lui fera retenir la ‘réussite’ et brouillera ‘l’échec’. Sauf s’il est élevé dans une ambiance de critique, à toujours remarquer le verre à moitié vide plutôt que d’apprécier le verre à moitié plein; son manque de confiance en soi le poussera sûrement à retenir ‘l’échec’, et conclura qu’il n’est pas fait pour le vélo.
Quand il s’agit de dominer l’instinct, la tendance naturelle sera par défaut de retenir l’expérience ‘échec’. Sauf si on apprend à s’encourager…