Hachem a doté l'homme d'un Yétser Hara' – littéralement le mauvais penchant – qui correspond à la force instinctive de l’homme. Le devoir de l’homme n’est pas de lutter contre cette force, mais de la canaliser. Chaque Midda – vertu ou défaut – est nécessaire pour servir Hachem parfaitement, en l’utilisant à sa juste mesure [litt. Midda signifie mesure]. L’effronterie est parfois positive, lorsqu’elle nous aide à oser évoluer malgré un entourage qui cherche à nous décourager. La moquerie permet de ridiculiser les mœurs des impies, afin de se démarquer davantage d’eux. Inversement, l’excès d’indulgence ou de pitié porte parfois préjudice, car "Celui qui a pitié d’un impie finira par être ignoble envers un juste" ; il faut parfois sévir avec rigueur pour ne pas laisser un mal s’installer.
Ainsi, le Yétser Hara', utilisé à juste mesure, est positif. Dompté correctement, il permet à l’homme d’atteindre un niveau plus haut que celui des anges ! [Rav Dessler remarque d’ailleurs qu’aucun verset ne parle d’amour des anges pour Hachem, mais uniquement de crainte, car celui qui n’a pas de Yétser Hara' – donc de possibilité de ne pas faire – ne sait pas ce qu’est "aimer" !]
Sur ce principe, il faut impérativement réaliser qu’un enfant a en lui diverses forces qui lui sont toutes nécessaires pour son parfait développement. S’acharner à brimer l’une d’entre elles laissera forcément des séquelles. Le 'Hinoukh consiste à canaliser la tendance, en lui donnant un cadre. Un parent qui n’a pas défini et instauré un cadre n’a pas le droit de réprimander son enfant qui exploite son potentiel. Parce que si cette force est bloquée aujourd’hui, elle risque demain d’exploser ailleurs, un peu comme un tuyau de canalisation bouché en un point qui finit par craquer ailleurs, car l’eau ne cesse de faire pression. Il a d’ailleurs été démontré statistiquement que la plupart des vandales adultes sont ceux qui ont trop été limités dans leur enfance, car la contrainte a développé en eux un désir ardent de détruire toute barrière. [Nous approfondirons la raison de ce phénomène plus tard.]
Un enfant de 4 ans arrache fréquemment les feuilles de la jolie plante préférée de sa maman. De prime abord, la plupart d’entre nous réprimanderaient sévèrement ce terrible acte de vandalisme. Puis après que le petit ait profondément regretté son acte, la maman reviendrait le consoler tendrement, lui délivrant une grande leçon de morale, en caressant ses boucles blondes.
Objectivement, la réprimande est totalement injuste, l’enfant n’a fait aucun acte de vandalisme. De son point de vue, il est mû par un désir ardent de découvrir le monde. Ce scientifique de 4 ans analyse d’une part la force de liaison de la feuille à la branche, cartographie les différentes compositions des fleurs, remarque que son goût n’est pas aussi agréable que son apparence. Peut-être même, ce petit psychologue en herbe étudie-t-il la corrélation entre les feuilles arrachées et la montée de colère de sa mère ?! Et puis finalement, ne s’identifie-t-il pas avec sa puéricultrice qui découpait elle aussi des fleurs la semaine précédente ? Et sa maman n’avait-elle pas été si fière de lui en recevant son bouquet ?
Comme le Brisker Rov le définit si bien, s’il n’y a aucun risque que cet enfant coupe les plantes de sa femme lorsqu’il aura 30 ans, il n’y a dans sa conduite aucune question de 'Hinoukh ! L’unique problème est que ce petit de 4 ans n’attribue pas de valeur sentimentale au bouquet de la vieille tata qu’il n’a même pas connue.
Je crains que plusieurs lecteurs aient déjà chargé leur revolver… Alors précisons immédiatement que notre intention n’est pas de laisser les enfants détruire tous les objets chers de la maison. Nous n’avons cessé de préciser que l’acte du petit est légitime selon son point de vue. C'est-à-dire que selon le point de vue de la mère, il y a aussi une certaine légitimité à préserver sa jolie plante. Mais puisque le problème n’est que technique, il faut se soucier de le résoudre techniquement, en le contournant, sans conflit.
Lorsqu’un enfant n’agit pas comme la logique ou la morale adulte l’impose, il faut avant de le reprendre, s’interroger pour savoir s’il y a réellement une question de ‘Hinoukh. Pour ce faire, il faut répondre à 2 questions essentielles : quelle est la motivation de son action ? Et est-ce que son acte aura une quelconque incidence lorsqu’il sera adulte ? Selon le résultat, la conduite à adopter envers lui sera différente.
Commençons par le cas où l’enfant ne conservera pas de mauvais pli lorsqu’il sera adulte – qui représente une part importante des conflits parents-enfants. Nous, parents, devons réaliser qu’il n’y a en cela aucune question de ‘Hinoukh ! Or, pour la plupart des cas, son acte est motivé par un simple désir de bouger ou de découvrir le monde. Ce qui signifie que nous lui reprochons le simple fait d’être un enfant, vivant, assoiffé de découverte, qui n’a "malheureusement" pas encore été admis au musée Grévin. 1ère conséquence : l’enfant ne s’épanouit pas. Et une fois l’orage terminé, nous osons lui faire la morale. 2ème conséquence : l’enfant grandit avec un sentiment de culpabilité, de ne jamais parvenir à faire ce qu’il faut, de toujours déranger…
Qu’il hurle, découpe la plante ou le carnet de chèques, qu’il grimpe sur le joli meuble du salon, l’enfant ne fait rien d’autre que d’être un enfant. De ce fait, si son acte ne porte objectivement aucun préjudice, apprenons à travailler notre patience. Ou au pire, changeons de pièce, ou incitons le gentiment à changer de pièce. Et si son acte nuit, tentons de l’éviter techniquement, car un problème technique nécessite une solution technique uniquement. Soit suspendons le pot de fleurs, soit veillons à ne pas laisser traîner d’objet précieux… Sans oublier bien sûr de canaliser son désir de découverte, en l’amenant cueillir par exemple des fleurs au jardin public. Une fois la force canalisée, il devient possible de l’éduquer aussi à respecter la propriété de l’autre, en lui expliquant qu’il n’est pas permis de couper des fleurs qui appartiennent à un particulier, telles que la plante de la maison.