Elie était un enfant de dix ans, triste et renfermé, qui avait très peu d’amis et restait le plus souvent à l’écart des autres. Mais qui aurait pu le blâmer ? Ses parents avaient divorcé alors qu’il n’avait que cinq ans et depuis cette époque, il n’avait plus jamais revu son père. Sa mère s’était remariée, et son beau-père s’intéressait peu à lui, ni à sa petite sœur. Chaque nuit était un tourment, et chaque jour une occasion de fuir la dure réalité familiale. Mais dans sa tête, Elie ne pouvait pas réellement s’évader.
Son maitre, Rav Silver, essayait désespérément d’entrainer le garçon dans la discussion.
Mais il n’y parvenait pas. Son esprit était toujours vagabondant. Ses mauvais résultats n’étonnaient personne.
Quand arriva la semaine de la Paracha Vayigach, Rabbi Silver décrivit aux enfants la scène du palais égyptien. Il expliqua : « Selon le Midrach, Yéhouda, qui parlait au nom de tous ses frères, avertit Yossef qu’ils commençaient à perdre patience, car leur vieux père Ya’acov attendait leur retour à la maison. Yéhouda expliqua que leur père, déjà attristé par la disparition d’un fils des années auparavant, ne survivrait pas à la perte d’un second fils, si celui-ci devait être retenu en Egypte.
Il menaçait ainsi Yossef de l’éventualité d’une guerre. » La Torah nous explique, continua Rabbi Silver, que Yossef ne pouvait plus se contenir devant la tristesse de ses frères. Les voyant ainsi tourmentés par sa seule faute, il fit sortir tous les égyptiens de la pièce et
s’exclama alors : « Je suis Yossef ! Mon père est-il toujours vivant ? » « Les enfants, demanda le Rav, d’après vous, comment Yossef pouvait-il poser une telle question ? Ses frères n’avaient cessé de répéter avec quelle anxiété leur vieux père Ya’acov attendait leur retour à la maison. Donc, Yossef savait que Ya’acov était vivant ! »
Rabbi Silver observait la classe silencieuse pour voir si quelqu’un avait une réponse à proposer. Tout à coup, il remarqua qu’au fond de la salle, Elie avait levé la main. Rabbi Silver était interloqué. Il n’avait même pas remarqué que Elie écoutait attentivement.
- Oui Elie, dit Rabbi Silver, as-tu une réponse à cette question ?
Le garçon commença à répondre à voix basse presque en chuchotant : « Je crois que je sais ce que Yossef demandait. »
- Vas-y, dit le Rebbe avec anxiété.
- Yossef savait bien que Ya’acov était toujours vivant, commença l’enfant, mais il n’a pas demandé : « Votre père est-il toujours vivant, mais Mon père est-il toujours vivant ? Pense-t-il toujours à moi ? Après toutes ces années où j’ai été séparé de lui, tient-il toujours à moi ? Me considère-t-il toujours comme son fils ? »
Le garçon avala péniblement sa salive, puis ajouta : « C’est ce que Yossef voulait dire quand il a demandé : Mon père est-il toujours vivant ? »
Les larmes montèrent aux yeux de Rabbi Silver quand il comprit ce que les garçons de la classe étaient peut-être trop jeunes pour avoir pu deviner. Avec tristesse, il comprit que Elie ne parlait pas seulement de Yossef en Egypte. Il parlait aussi de l’enfant abandonné qu’il était, assis au fond de cette classe. Il parlait de lui-même.
Chaque enfant a sa sensibilité et ses sentiments. Parfois, ils ne peuvent être exprimés verbalement. D’autres fois, les mots sont là, comme des fenêtres ouvertes sur les pensées de l’enfant. Un professeur ou un parent intuitif peut apercevoir ces fenêtres cachées derrière des rideaux. Avec gentillesse et compassion, il doit essayer de soulever le voile pour que la personnalité de l’enfant passe au grand jour !