Un vieux dicton en Yiddish dit ceci : « Tracht gut vet zein gut : pense bien et ce sera bien ». Mon père, le Rav, Gaon et Tsadik Avraham Halévi Jungreis ajoutait : « Es iz shoin gut - c’est déjà bien ». C’est un message qui a donné vie à notre peuple tout au long des siècles de persécution et de torture. Peu importe à quel point l’obscurité a été dense, et les souffrances terribles, notre confiance en D.ieu a toujours été présente pour éclairer notre visage d’un sourire.
Mais est-ce que ceci est valable pour notre génération ? La réponse est malheureusement non. Nous nous vantons de notre éducation. Nous sommes trop sophistiqués pour prendre de tels dictons au sérieux. Alors nous esquissons un sourire narquois et envoyons tout balader d’un geste de la main.
Comment traitons-nous nos crises de la vie, nos souffrances ?
Certains d’entre nous deviennent dépressifs. La Torah nous apprend que l’Égypte ancienne avait quarante-neuf degrés d’impureté et Hachem voulait que nous sortions avant que le cinquantième degré nous atteigne de sa morsure mortelle. Quelle était cette cinquantième impureté menaçant notre existence ? La dépression. C’est pourquoi lorsqu’Hachem nous a sortis d’Égypte, Il l’a fait rapidement. Nous n’avons pas eu le temps de cuire notre pain.
La dépression prend le dessus sur l’homme, l’immobilise et il a du mal à apercevoir un rayon de lumière. Il nous fallait donc quitter l’Égypte aussi vite que possible. Tragiquement, dans notre génération, de très nombreux individus sont devenus victimes de ce virus et restent enfermés dans leur dépression, piégés derrière des portes fermées dont ils ne sont plus capables, au bout d’un certain temps, de s’échapper.
Certains se mettent en colère, deviennent cyniques et amers. Ils se distancient des autres. Ils deviennent difficiles en tant que conjoint, parent et collègue de travail. Et leurs vies sombrent de plus en plus dans l’obscurité.
Mes lecteurs et auditeurs savent que je crois à une solution unique aux problèmes : la Torah. Nos Sages nous enseignent que nous devons tous lutter contre notre Yétser Hara’, le mauvais penchant ; il est vrai que D.ieu nous a fournis un antidote qui peut contrôler, ou même le bannir totalement de notre cœur. C’est un médicament simple, gratuit et accessible à tous. Oui, la Torah est un antibiotique qui peut nous immuniser contre le virus du Yétser Hara’.
Alors qu’est-ce que la Torah nous enseigne pour soulager la douleur de notre cœur ? J’écris cet article dans la semaine de la lecture de la Paracha Vayakel, qui relate comment Moché Rabbénou rassembla le peuple juif et lui confia les Mitsvot de Hachem. Les termes employés par Moché sont exactement les mêmes que ceux employés par le peuple lorsqu’ils façonnèrent le veau d’or et proclamèrent : « C’est votre dieu, ô Israël ». Moché reprend les mêmes termes pour proclamer que les commandements nous ont été ordonnés par D.ieu.
Qu’est-ce que cela veut dire ? La même énergie, autrefois destructrice, peut être canalisée et convertie en bénédiction.
Un autre enseignement de nos Sages peut également nous aider dans notre itinéraire personnel : « Ce qui s’est passé est du passé ». « Ne restez pas enfoncé dans le passé. C’est fini. Ne vous flagellez pas. Il est temps de passer à la suite. Concentrez-vous sur la reconstruction. »
Chabbath dernier, j’ai eu le privilège de participer à un Chabbath plein organisé par l’association « Frum divorce ». Cette association a été créée par le ‘Hazan Benny Rogoznitzky, qui a vécu personnellement la douleur angoissante qui accompagne le divorce. Non seulement a-t-il été déterminé à émerger de sa souffrance, mais il a aussi voulu aider d’autres qui vivaient la même expérience.
J’ai pris la parole à plusieurs reprises pendant le Chabbath. Et comme toujours, j’avais à l’esprit les enseignements de mon père : ouvre ton cœur, raconte tes propres expériences douloureuses, et aide les autres. Je leur confiai ma souffrance lorsque mon mari bien-aimé, le Rav et Tsadik Méchoulem Halévi Jungreis, a été rappelé dans l’autre monde. Cela s’est passé il y a plus de 18 ans, mais je le vois aujourd’hui tout comme je le voyais hier. Il était surnommé « un géant doux », car il répondait à cette définition. Il était très grand de taille et plein d’amour, non seulement pour sa famille et sa communauté, mais pour chaque Juif - pour chaque individu, peu importe qui il était.
Bien sûr, devenir veuve et vivre un divorce sont deux tragédies différentes. Dans l’une d’elles, vous vivez une clôture. Vous observez la Chiva’, la semaine de deuil, et vous restez généralement avec les bons souvenirs. Dans le second cas, il n’y a pas de clôture. Il n’y a pas de Chiva’. Le mariage est fini et vos bons souvenirs sont mêlés à des cauchemars - et les points négatifs sont souvent plus forts que les positifs. Vous voyez vos enfants et les cicatrices qu’ils portent. Vous voyez votre ancienne moitié qui est désormais votre « ex » - et parfois un méchant « ex ». Vous devez traiter avec les avocats, le Beth Din, les commérages, la solitude. Vous avez besoin de quelqu’un pour vous réconforter et vous encourager. Alors j’ai raconté mes propres histoires - mes expériences dans le camp de concentration, la mort de mon mari et la solitude qui s’ensuivit - et comment j’ai tenté de convertir ma douleur en bénédictions.
A l’issue du Chabbath, nous avons eu droit à une belle Havdala, source d’inspiration. Benny chanta de sa belle voix. Tout le monde se joignit à lui. Bientôt, on entendit le son des applaudissements. Je me levai et rassemblai toutes les femmes avec qui je dansais. Je levai haut ma canne, comme un drapeau, pour envoyer ce message : « Oui, j’ai une cane. Oui, j’ai fracturé ma hanche. Et alors ? Nous sommes Juifs. Nous sommes tous ici pour entonner une danse joyeuse pour Hachem. »
La toute dernière Mitsva que nous a confiée Moché Rabbénou avant sa mort a été « Kitvou Lakhem Hachira Hazot - écrivez pour vous-mêmes ce cantique - le cantique de la Torah ». Notre Torah est un chant imposant, joyeux et éternel. Elle nous a permis de triompher de tous les tyrans du monde qui projetaient de nous anéantir. Quel est le pouvoir d’un chant ? Même si nous oublions momentanément les paroles, la mélodie de la chanson va nous éveiller. Nous commençons à fredonner et les paroles reviennent. Nous chantons désormais avec enthousiasme. Nous nous remémorons qui nous sommes. Nous sommes Juifs. Notre vie a un sens. Nous emmenons nos enfants, leur prenons la main, leur enseignons à chanter et à danser. Nous sommes le ‘Am Israël, le peuple qui peut triompher de toutes les vicissitudes de la vie avec un chant - le chant de la Torah, le chant d’Hachem.
Ce fut un beau Chabbath et j’achève ma rubrique de cette semaine par une bénédiction à tous les organisateurs, à ceux qui ont entonné ce chant et nous ont donné de l’espoir ; les merveilleux orateurs qui ont partagé leurs histoires, y compris Naomi Klass Mauer, éditrice adjointe du Jewish Press, le militant communautaire Dr Faye Zakheim et bien entendu Benny et son équipe dévouée.
Et surtout, merci aux nombreux participants qui sont venus le cœur meurtri et sont repartis en chantant cette chanson éternelle qui nous a accompagnés pendant les danses de la nuit et nous fera danser jusqu’à la venue du Machia’h.